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sur 731 notes
Sublime ! Un Prix Goncourt 1990 mérité ! Il y a des rencontres avec certains auteurs qui s'imprègnent durablement dans la mémoire comme ces « Champs d'Honneur ». Une très belle écriture chargée émotionnellement, des phrases longues d'une douce fluidité, d'une pureté de cristal. La prose de Jean Rouaud à cela d'exceptionnel qu'elle suscite immédiatement des images, on se croirait au cinéma de minuit ! Mais ce qui retient l'attention dès les premières pages, c'est la beauté du style, la minutie des détails qui contribue à nous immerger dans le spectacle qui s'offre à nous.

Et puis la voix du narrateur, celle que l'on entend du plus profond de notre silence intérieur, surement celle de Jean Rouaud, qui raconte les facéties de son grand-père, Alphonse Burgaud avec sa 2CV. Ce couple pittoresque qui devient du coup l'objet d'un conflit avec la grand-mère. Un portrait haut en couleur aussi, celui de la tante Marie, vielle fille à l'image de Mademoiselle Lelonbec de Fernand Raynaud, petite bonne femme, institutrice dans une institution religieuse. Elle possède ses petits rituels pour obtenir les faveurs de certains saints dont elle possède les statuettes. Si par malheur, le saint ayant la charge de réaliser le souhait, manque à sa mission, le saint patron défaillant se retrouve au coin, à regarder le fond de son alcôve ! Qui mieux que Jean Rouaud peut nous parler de la pluie, nous sommes en Loire-Inférieure, aujourd'hui Loire-Atlantique, et elle inspire l'auteur cette pluie : « Et preuve que nul n'en veut à cette pluie, les cheveux dégoulinants, on se regarde en souriant. Ce n'est pas la pluie mais une partie de cache-cache, un jeu du chat et de la souris. D'ailleurs, le temps de reprendre son souffle et le ciel a retrouvé son humeur bleutée. Une éclaircie, vous avez déjà pardonné. »

C'est drôle, ironique, certaines scènes ouvrent les portes de notre mémoire et font ressurgir des scènes cocasses de notre passé. Car c'est aussi l'histoire familiale des anonymes qui ont traversé le XXème siècle avec leurs joies mais aussi leurs peines. Nous pouvons tous nous reconnaître dans ces tableaux surtout si nous avons déjà fait un petit bout de chemin. Les années passant, certains souvenirs revêtent comme un goût de « barbe à papa », une douceur infinie.

C'est nostalgique, tendre, et puis tout doucement, l'air de rien, d'analepse en prolepse, l'auteur nous dévoile les rêves brisés, les familles fracassées. A onze ans, Jean perd son père, Joseph, qui n'a que quarante ans. Alors, Jean nous confie les deuils successifs qui affligent toutes les familles ! C'est un chant d'amour à ceux qui ne sont plus, au vide de l'absence qui nous tourmente. Il nous emmène jusque sur les champs de bataille pendant l'absurde Grande Guerre, et son écriture qui se veut minutieuse, visuelle, ne nous épargne pas. Elle nous montre l'horreur et pose la question du sens.

C'est un livre particulièrement émouvant par ce qu'il touche à l'intimité de chacun de nous. Qui n'a pas eu une tante Marie, un grand-père Joseph, un arrière grand-père dans les tranchées. Ce livre parle à nos coeurs, il se fait passeur de mémoire.

« La mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée – Jean Guiton ».

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Un très beau livre qui retrace fidèlement l'histoire et la mémoire d'une famille. le style est remarquable, Jean Rouaud possède une très belle plume. Ce livre très plaisant à lire est très émouvant dans ses dernières pages qui évoquent des épisodes dramatiques de la guerre de 14 et de ses suites toutes aussi tragiques. Un roman autobiographique que je recommande. Une oeuvre qui a amplement mérité son Prix Goncourt en 1990.
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Combien de familles françaises pourraient se reconnaitre dans cette autobiographie familiale qui évoque les anciens et les disparus de la Grande Guerre ?

En 1990, cette touchante chronique a reçu le prix Goncourt et je viens de la relire pour coller davantage avec l'actualité historique du moment. Mon plaisir a été identique au souvenir de ma première lecture.

Jean Rouaud nous offrait, il y a plus de vingt ans, un premier roman attachant en évoquant sa famille dans un village de l'arrière-pays nantais (que je connais d'ailleurs très bien).
Une famille heureuse mais touchée par des décès récents et rapprochés qu'il a eu à coeur d'évoquer, en les rapprochant subtilement de la disparition de grand-oncles, victimes de la guerre de 14/18.

Comme on pourrait évoquer des histoires et des souvenirs à la veillée, en ressortant les vieilles photos jaunies, le lecteur découvre par petites touches des histoires de vies, des anecdotes, des objets, indices émouvants du souvenir toujours vivace de la perte terrible de jeunes hommes.

La narration se fait en méli-mélo, comme une boite des clichés oubliés et qu'on explique un à un.
On évoque ici peu la guerre. Elle est en filigrane, par images furtives et évocatrices. En se faisant chroniqueur de ses anciens, Jean Rouaud en fait un portrait nostalgique et gentiment ironique pour leurs travers et petites manies.

Les Champs d'Honneur interpellent en devoir de mémoire, mêlant la nostalgie des hommes glorifiés sur les monuments aux morts du village et les pertes familiales plus intimes, qu'on honore en discrétion.

Je n'ai pas lu le cycle romanesque familial que Jean Rouaud consacre à sa famille. Je me promets de réparer cet oubli.

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C'est un peu après la guerre, en Loire inférieure, un jeune garçon nous décrit sa famille endeuillée à plusieurs reprises. Jean Rouaud en parle avec tendresse et humour dans ce roman autobiographique.

On n'est pas prêt d'oublier son grand-père en train de conduire sa 2 CV, cigarette aux lèvres, sa tante, une vieille fille institutrice, petite souris grise toujours active, veillant sur la famille avec ses médailles pieuses, et l'on s'attache à toute une galerie de personnages. Sous le crachin persistant, les souvenirs s'entassent, images pieuses, dentiers et alliances des morts de la famille, la vie continue. C'est la vie de gens simples dans laquelle bien des personnes se retrouveront…

Jean Rouaud fait revivre toute une époque, son album de famille s'anime sous sa plume élégante et la fin du roman donne encore plus de force au récit, prouvant une fois encore que les secousses de la guerre poursuivent les hommes bien longtemps après l'armistice, comme les répliques après un séisme majeur continuent leurs dégâts sur les hommes impuissants….

Prix Goncourt 1990


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Au moins, je n'ai pas eu à attendre longtemps mon premier coup de coeur de 2019. Ceci étant dit, je me sens tout vergogneux de ce constat : il m'aura fallu près de trente ans pour découvrir Jean Rouaud. Cela en dit long sur mes priorités de lecture, tristement professionnelles durant tant d'années, et subséquemment sur le retard que j'ai accumulé en matière de bons livres...
L'avantage d'arriver après une bataille est que tout est déjà joué et que l'on n'y changera plus rien. Il est ainsi permis de ne pas s'attarder. Ce roman est donc l'exploration d'une mémoire familiale, à peine transposée de celle de l'auteur lui-même, entre la guerre de 14 et les années 60. S'il y a incontestablement un récit, ce dernier n'obéit pas au sens classique du terme et ne s'oblige pas non plus à respecter la chronologie des faits. le livre se construit par des détours et des digressions, qui n'ont à vrai dire rien de difficile à suivre tant les personnages sont à la fois peu nombreux et bien campés. C'est un livre qui touche son lecteur au plus profond parce que cette histoire, somme toute, est celle de chacun d'entre nous. Toute famille possède son fonds d'histoires tristes et de décès soudains, son lot d'épisodes cocasses ou ses entrelacs complexes de grands renoncements et de petits ressentiments. Lire Les Champs d'honneur, c'est se condamner à ranimer cette mémoire-là, et ce peut être douloureux de s'apercevoir qu'il y a des questions que l'on n'a jamais osé poser et qui ne se poseront plus.
Le talent De Rouaud tient à la délicatesse extrême avec laquelle il aborde son sujet. Son livre aurait pu être un gros mélodrame. Or c'est au contraire quelque chose de très aérien, un texte habité d'amour et de malice, pétri d'humour et parfois tout simplement désopilant, y compris au coeur même de la tragédie. Il n'y a pas une page où l'on ne sente chez le narrateur cette tendresse viscérale pour tous ceux qui l'ont précédé, et qui en un mot ont fait de lui ce qu'il est. Si l'affection est parfois moqueuse, c'est par pudeur, et peut-être aussi parce qu'il ne faut pas donner l'air de se plaindre. Se plaindre serait d'ailleurs bien inutile : pourquoi faudrait-il s'infliger cette nouvelle épreuve ?
Il en ressort, en fin de compte, que la mémoire d'une famille se construit avec des morts et ne s'entretient que par le récit toujours fragile des vivants. C'est une évidence toute simple, bien sûr, mais dont Rouaud tire une lumière qui continue de brûler longtemps après la dernière page de son livre.
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J'ai lu ces Champs d'honneur il y a plus de vingt ans. Il m'en reste une impression de grand bonheur. L'auteur raconte la vie de sa famille, de ses grands-parents en particulier, à travers une série de souvenirs anodins, d'anecdotes qui peuvent sembler insignifiantes mais qui, mises bout à bout, donnent une image saisissante de ce qui fait qu'on est content de vivre. Je me souviens, par exemple, de la description de la pluie bretonne, ce crachin fait de minuscules gouttelettes qui s'insinuent jusqu'au plus profond sous les vêtements,
Quand le bouquin est sorti, Rouaud était entouré d'une espèce de mythe. Présenté comme un vendeur de kiosque qui écrivait sur un carnet entre deux clients, au long d'un boulevard parisien. On a su après que ce n'était pas tout à fait la vérité. Les souvenirs c'est comme ça, parfois ils sont authentiques, parfois construits et parfois déformés, mais ils nous aident toujours à vivre.
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Le titre, la couverture, un auteur dont je n'avais jamais entendu parler, rien de tout cela ne me disait, et pourtant, quel beau livre! Lu dans un excès de curiosité, j'ai goûté chaque phrase, me suis attendrie avec l'auteur et été très émue au dernier chapitre.
Jean Rouaud y rend hommage à "ses morts", trois morts qui se succèdent en peu de temps lors de son enfance, et une quatrième qui a eu lieu bien avant sa naissance. Il s'agit de son grand-père, sa grand-tante Marie, son père Joseph, et un autre Joseph, le frère de sa tante Marie, mort au front en 1916.
Etrangement, et par sans doute une sorte de pudeur dans la douleur, la mort de son père est surtout un repère dans la chronologie de celles du grand-père et de Marie et c'est l'autre Joseph qui lui servira, peut-être, de deuil littéraire...
Au travers de ces trois, ou plutôt quatre, événements, se dessine la famille du narrateur dans les années de guerre et les années 50, dépeinte avec beaucoup de tendresse, de respect mais aussi d'humour: la deux-chevaux du grand-père et sa décapotable aux prises avec la pluie et le vent, la tendre bigoterie de Marie, vieille fille maladroite quand il s'agit de démonstrations de tendresse, Yvon le croque-mort... mais les plus touchants sont, à peine dépeints, le père décédé à quarante ans et sa femme qui lui survit avec trois enfants à s'occuper et une tante qui perd la tête, et surtout, surtout, l'autre grand-oncle rentré un soir lors d'une permission qui vient caresser, ému, les petits poings de son fils nouveau-né, avant de mourir quelques semaines plus tard.

En écrivant cette "critique", je suis encore émue en repensant à tous ces personnages si vrais et si touchants qu'on pourrait rencontrer dans n'importe quelle campagne sans jamais découvrir tous ces secrets que leur vie recèle...
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J'aime ce type de livre empreint de nostalgie où les souvenirs liés à l'enfance se rappellent au personnage principal du livre, remonte des tréfonds de son âme, pour évacuer la douleur due à la perte de personnes chères à son coeur, en l'occurrence, son père et sa tante, alors qu'il était petit, ainsi que l'atmosphère de l'après-guerre.

Cela me fait penser à « En vieillissant, les hommes pleurent » de Jean Seigle ou encore « Mémée » de Philippe Torreton.

Un beau moment de lecture.
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Avec ce roman, Jean Rouaud écrivait son premier livre très remarqué, et obtenait le prix Goncourt. Cet écrit autobiographique est un hommage aux disparus de sa famille, au travers du récit d'un homme habité par ses souvenirs d'enfance. L'écriture très travaillée touche les émotions. Après une amorce laborieuse, j'ai trouvé la pulsation, le sens, et tout l'agréable de cette lecture dont la beauté s'est révélée par la suite.

Le narrateur commence par louer la mémoire de son grand-père, ancien tailleur, bon vivant, inséparable de sa 2CV bordélique et mettant le chaos partout où il va. Une fois entrevu ce personnage, le livre m'a mise en joie.

Puis, un chapitre éblouissant parle de la pluie, sans que je m'y sois embêtée une seule seconde. L'auteur me l'a fait aimer, cette pluie, et tant d'autres détails de la vie quotidienne aussi.

A ce personnage extravagant du grand père, vient s'opposer d'une certaine façon le personnage de la petite Tante Marie, plus sévère, très religieuse, ancienne institutrice, vivant dans une dépendance de la maison de l'auteur. Et puis la troisième partie aborde l'hommage aux frères soldats, des pages sur les tranchées, de si sombres passages, mais somptueux également.

Une lecture que j'ai beaucoup appréciée, grâce à son écriture.
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Récit-souvenirs racontés par le petit fils d'une famille modeste de la région nantaise.
Monsieur Burgaud, le grand'père fume comme une cheminée dans sa 2 CV, conduite d'une manière distraite au grand dam de la grand'mère et des petits enfants.
La petite tante aussi fragile qu'une brindille courre de la cure à la paroisse déposant des médailles religieuses, des images pieuses, des conseils de bonne santé avec l'aide de saints spécialisés.
Le père, voyageur de commerce, disparu trop tôt, bricoleur, restaure tout objet brisés, ou abandonnés avec talent.
Et puis, il y a la pluie, dans un paysage noyé de brume, de crachin, d'ondées, d'averses surprises. que la grand'mère aimerait tant discipliner.
Les deuils en série plongent la famille dans l'affliction sans tomber pour autant dans la morosité, gardant précieusement l'image et les traits de caractère de chacun , parfois les plus cocasses.
Mais il y a la Grande Guerre, féroce, abominable qui enlève en 1916 un frère, puis un autre en 1917, l'émotion saisit le lecteur.
J'ai lu ce récit mélancolique, mais aussi plein d'humour. On réfléchit sur le temps qui passe, avec la nostalgie d'une époque souriante.
Une écriture précise, soignée font de ce beau livre un bel objet à garder dans sa bibliothèque
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