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EAN : 9782707315632
253 pages
Editions de Minuit (19/04/1996)
3.76/5   68 notes
Résumé :
Après le vertigineux succès des Champs d'honneur, la source ne s'est pas tarie : Le monde à peu près nous inonde de bonheur.
Jean Rouaud peint en virtuose les faux départs, les contretemps, les dérapages de son myope gaffeur. Il y a un style Rouaud qui nous entraîne d'emblée dans l'univers qui lui est propre. Un libre plein, qui s'impose à vous dès la première ligne et ne cesse plus ensuite de vous tenir sous le charme. Le roman magnifie l'ordinaire tristesse... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
NOVEMBRE 1999

N° 217



LE MONDE A PEU PRES - Jean ROUAUD - Éditions de Minuit.
*

Il y a des écrivains qui m'attirent et la simple lecture de leur nom inscrit sur le dos d'un livre offert sur les rayonnages de la bibliothèque municipale suffit à guider mon choix. le hasard (peut-être pas ?) m'avait guidé vers la travée « R ». »Le monde à peu près » de Jean Rouaud ferait donc partie de mon prochain emprunt. C'est vrai que le Prix Goncourt était passé par là quelques années plus tôt et que j'avais, parfois avec retard, suivi cet écrivain, avec un évident plaisir.
Le titre ne me disait rien. Tout au plus me suis-je dit que son auteur continuerait d'y exploiter ses deuils, de faire découvrir les branches de son arbre généalogique ou de se mettre en scène lui-même, ce qui, il est vrai m'avait toujours plu.
J'avais encore en mémoire sa propre histoire, celle de sa famille et ses souffrances. Après tout, se raconter soi-même, y rajouter juste ce qu'il faut de merveilleux est une source inépuisable de création.
N'était le style, parfois un peu compliqué et la phrase longue à suivre pour un lecteur moyen comme moi, j'aimais bien. le texte me réservait quelques surprises. le titre tout d'abord, dont je ne tardais pas à m'apercevoir qu'il évoquait pour Rouaud, la perception floue qui est celle des myopes. Cela cachait sûrement quelque chose. Allez savoir puisqu'il évoque son enfance, non seulement celle du collège de St Cosme, où il nous détaille à l'envi les brimades de ceux qu'on appelait, on se demande bien pourquoi « Les Bons Pères ». Élève plus besogneux que brillant et à l'occasion, familier des mauvaises notes, il dénonce les humiliations dont il a été l'objet de la part des professeurs.
C'est vrai que l'enfance n'a d'intérêt que lorsqu'on l'a quittée. Elle est source de regrets parce que c'est la période de l'insouciance, du merveilleux, de la découverte... Malheureusement pour Rouaud, un lendemain de Noël le voit devenir orphelin de père et toute sa vie bascule. Comment pourrait-il en être autrement puisque désormais il va apprendre à vivre sans cet absent ce qui lui reste d'enfance.
Il évoque, malgré son deuil et avec un humour qui va se nicher jusque dans les formules ses années de collège, ses improbables amours d'enfant, sa vie de collégien pauvre, avec, en fond de scène, le personnage de sa mère, à peine esquissé, que le lecteur retrouvera plus tard plus précisément dessiné dans « Pour vos cadeaux ».
A mon sens, ici, plus que le deuil de son père, il s'agit de celui de son enfance et de son adolescence. Depuis le collège jusqu'à la faculté, il détaille son parcours avec cependant le détachement de celui qui n'a du monde qui l'entoure qu'une vision approximative. Il participe, à sa manière, au grand mouvement où on refait le monde, on croit que tout est possible, qu'on est tout près à voir, dans la survenance de chaque événement, un commencement d'exécution de cette entreprise...Il faut dire que la mode était, à l'époque à la contestation, à l'espoir de jours meilleurs, à la révolution populaire, bref à l'utopie! Pourtant, la déception existe, et pas seulement pour les autres. C'est sans doute ce qui a corroboré sa détermination originelle face au monde qui l'entoure : choisir de ne pas le voir!
Quand même, le regard flou et apparemment vide qu'il promène constamment autour de lui ne l'empêche pas de distinguer avec une étonnante netteté le sourire de Théo, une élégante étudiante aux longs cheveux bruns qu'il croise un jour sur son chemin. Il s'est vite trouvé des points communs avec elle. Comme lui, orpheline de père, elle s'intéresse à ses écrits, une improbable fiction qui se veut un prolongement de la vie de Rimbaud. Dans le genre flou, là aussi, c'était réussi!
Comme lui, Théo a le don des larmes qui se rencontre surtout chez ceux qui ont, très tôt connu le malheur. On pensera ce qu'on voudra, mais la chance qui ne sourit pas qu'aux audacieux n'oublie pas non plus les timides. de confidents on devient intimes, d'amis on devient amants sans presque s'en apercevoir. L'époque voulait cela qui prônait la liberté, surtout dans les moeurs. Cette rencontre et cette éphémère étreinte se terminent aussi vite qu'elles ont commencé, avec pour lui un chagrin d'amour, des souvenirs et surtout des regrets.

C'est vrai que j'ai goûté son humour et son verbe truculent, ses aphorismes bien sentis, mais, au-delà des apparences, dans la série des deuils dont il est désormais le spécialiste patenté, c'est celui de son enfance et de son adolescence que l'auteur nous livre ici.

© Hervé GAUTIER
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Après Les champs d'honneur, et Des hommes illlustres, Rouaud poursuit sa biographie familiale en évoquant un jeune garçon myope: lui-même. Ce troisième volume me déçut beaucoup à l'époque. L'auto dérision est un genre courageux, et beaucoup plus difficile que la satire, territoire très éloigné de celui De Rouaud, et très différent de l'écriture poétique et miraculeusement humaine, dans laquelle il excelle. Donc cet essai n'est pas un coup de maître, et cet auto-portrait désabusé rate son but; il parvient même, O paradoxe, à m'agacer et à me rendre insupportable cet adolescent qui préfère vivre dans un flou artistique, quitte à se plaindre de l'opacité du monde, et à louper toutes les occasions qui lui seraient un tant soit peu favorables. le bon-heur évité systématiquement, , au profit de son symétrique, le mal-heur. Si bien que cet écrivain magnifique, à s'auto flageller, dégringole au niveau du pleurnichard! C'est malin! Autant être binoclard! Plus tard, Rouaud écrira avec plus de sympathie pour lui-même Comment gagner sa vie honnêtement, de nouveau un grand Rouaud.Et dira avec plus de lucidité sa difficulté à accepter d'être heureux.
Aujourd'hui, à contretemps, je suis plus émue en pensant à ce jeune garçon obstiné à ne voir rien, à voiler la réalité du présent. Cependant ce n'est pas la lecture du roman qui a produit cet effet, mais celle des oeuvres qui précèdent ou qui suivent ce volume.
Comme s'il y avait, littérairement parlant, un point d'impossible pour cet auteur sensible: nous émouvoir autant en parlant du jeune garçon endeuillé , qu'il nous émeut en parlant des chères figures qu'il a perdues.
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Ce monde à peu près serait le monde d'un myope sévère, avec des passages grandioses pleins d'autodérision mais de réalisme sur le monde vu par un myope. Avantages désavantages au football, au ping pong, au visionnage d'un film, etc. Souvenirs d'adolescence dans un internat des années 60, amitié avec un certain Gyf, premières amours pas très réussies, vie estudiantine, AG et défilés décrits avec une ironie subtile. Et toujours ces détails dans les descriptions (poteaux du terrain de foot, lampe à l'ancienne) qui font marcher ma machine à souvenirs...
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et puis, ce n'est pas un secret pour personne, les choses du monde ont été si souvent racontées, décrites, analysées, exhibées, montrées sous toutes les coutures, qu'on ne se donne même plus la peine de les regarder. On croît les connaître par cœur.
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Ainsi, le son dans l'univers du myope voyage plus vite que la lumière. C'est à la voix, non au regard, que vous comprenez qu'on s'adresse à vous. C'est la rumeur d'un moteur plus que l'apparition au dernier moment d'une automobile qui vous retient de traverser une rue. Les oeillades vous laissent de marbre, une parole caressante vous émeut jusqu'aux larmes.Les rides s'atténuent et, comme un timbre de voix conserve longtemps son grain de jeunesse, il ne vous apparaît pas que le monde autour de vous soit aussi sensible au vieillissement qu'on le dit.
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Et par là, par un phénomène inouï, les larmes que d’ordinaire je sentais pointer à la seule évocation de mes bienheureux inondèrent presque instantanément les yeux de ma gracieuse, comme si elle avait pris sur elle de prélever la part invisible de ce chagrin trop lourd, les lentilles d’eau franchissant bientôt le fin peigne des cils pour rouler sur les pommettes, grossir au passage par un effet de loupe la petite mouche, et mourir sous le bout de ses doigts au coin de sa bouche. Oh, Théo, comme tu es sensible, comme tu es gentille de t’alarmer pour moi, comme doit t’affliger le spectacle du monde, cette misère tout autour, les gens qui souffrent et la révolution qui n’arrive pas, mais ne pleure pas, ce n’est rien, vois comme je m’en suis remis, comme ça va bien maintenant, j’ai l’œil pratiquement sec et il le serait tout à fait si je ne compatissais pas à ta peine devant ma peine, c’est une vieille histoire à présent, pourquoi passer son temps à se lamenter, à ressasser les mêmes anciennes blessures quand la vie peut être si belle, si riche d’espérance.
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(partie IV, p.231-232)

[...] Active ta lanterne, famélique Lune, éclaire mon chemin, ou j'envoie dans ton ciel un grand soleil noir qui blanchira encore davantage ta face de Pierrot triste et à côté de quoi les étoiles ne seront plus que des lucioles naines, d'éphémères étincelles de pierre à briquet, car mon étoile à moi illumine mon empyrée d'orages ardents, enflamme la masse des ténèbres, irise les nuits d'hiver, fait fondre nos cœurs-banquises, or le monde est comme une crème glacée en sandwich entre les pôles, ce n'est pas un grand feu dévastateur, mais le diable blanc, le spécialiste de la mort en douce [...]
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Mais il n'y a pas que l'ennui, la solitude aussi amène à faire des choses étranges. (p. 10)
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Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
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