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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je viens de clore ce roman plutôt court, un peu plus d'une centaine de pages.
Dès les premières pages, le tunnel m'a rappelée un autre ouvrage dont le narrateur tente d'expliquer sa condition, de se justifier aux yeux du lecteurs : je parle des Carnets du sous-sol de Dostoïevski. L'approche entre les deux ouvrages me semble similaire, bien que le narrateur du tunnel soit bien plus revendicateur que celui des Carnets du sous-sol.
On assiste donc à une sorte de procès fait par l'accusé, qui narre sa rencontre avec une femme qui l'obsédera jusqu'à sa mort, et sa volonté farouche à ce qu'elle ne soit qu'à lui, oubliant qu'elle est un être libre, et la désirant à l'image précise qu'il se fait d'elle, oubliant de la découvrir comme elle est réellement.

La violence de leur relation étonne, les enferme dans une sorte de cercle vicieux dont ils ne peuvent sortir, chacun tenant trop à l'autre par sa singularité dans un monde qui les déprime, et dont les habitants semblent à l'opposé de leurs convictions propres.

Roman de la solitude inévitable, le tunnel attriste par la précision de ce qu'il décrit...Mieux vaut ne pas le lire si vous êtes d'humeur sombre, il ne vous redonnera pas le sourire !
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La chronique d'un féminicide annoncé racontée par un pervers narcissique cas d'école auteur des faits. Ce petit roman pourrait s'insérer dans un manuel de diagnostic psychiatrique tant la description des symptômes cliniques est précise. En partant des projections négatives de sa propre nullité émotionnelle, en passant par le mépris des autres et le vide intérieur, un artiste peintre apparemment apprécié mais vivant dans la haine destructrice et la confusion dans l'emprise commet un crime de possession. Il apparaît comme symbole d'un monde qui n'en finit pas de se perfectionner dans l'exigence du narcissisme pathologique en devenant figure emblématique de notre époque.
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C'est Chesterton qui disait que le fou n'est pas celui qui a perdu la raison, mais celui qui a perdu tout sauf la raison. Juan Pablo sombre dans la folie et nous le raconte follement. Pour chaque situation donnée, il ressasse sans cesse les scénarios possibles dans sa tête et fait ainsi pâlir d'avance le seul de ces scénarios qui s'avérera réel, parce qu'il aura été épuisé avant même de se réaliser, et qu'il ne peut servir qu'à engendrer des possibles à son tour. Les événements n'existent que comme éventualités mentalisées, et lorsqu'ils prennent place dans le monde, leur arrivée est comme vidée de son poids, et ils ne peuvent qu'à leur tour créer de nouvelles éventualités sur lesquels poursuivre l'investigation.

La psychologie de Juan Pablo ne vaut qu'en tant qu'il se trouve toujours en deçà des évènements. L'objet même de la narration est l'acte de narrer ; ou, plutôt, l'écart « insensé » entre la narration et ce qu'on nous dévoile des évènements qui suscite, et que suscite également, cette narration. Juan Pablo s'agite beaucoup plus distinctement dans les moments où il est en pleine rumination — c'est d'ailleurs ce qui compose la plus grande partie du récit ; le fait de se remémorer ses pensées au milieu des évènements, d'y en ajouter de nouvelles, et de justifier et les anciennes et les nouvelles, enlève à l'événement extérieur évoqué sa signification, nous le rend secondaire, presque futile. Les évènements, pris entre pensées et pensées, n'offrent qu'une sorte d'illustration pâle de ce qui se joue à l'intérieur — exception faite des dialogues accusateurs entre Juan Pablo et Maria, où celui-ci extériorise finalement son démon et invite Maria dans l'enfer mesquin de ses pensées. La rencontre entre la solitude raisonnante de Juan Pablo et le monde extérieur — et pas n'importe lequel : la communion entrevue avec Maria — ne se produit que par le ressort de la cruauté amoureuse, par la bassesse : le meurtre, évènement extérieur, ne vient qu'entériner ce qui est encore une fois mental. Tout ici est narration que l'on se fait à soi — l'ouvrage que Juan Pablo écrit aura pour lectorat privilégié Juan Pablo lui-même.

À ce titre, la trame romanesque du Tunnel ne peut se hisser en définitive à la température élevée de ses passages purement intérieurs, puisque l'efficacité du récit, le mouvement d'ensemble, repose dans une sorte de déception folle : inadéquation de l'intérieur et de l'extérieur. Qu'on parle, en quatrième de couverture, de « solitude de l'homme moderne », ne nous dit carrément rien du roman de Sabato, qui est échec de communication concerté puis regretté — donnant le premier élan à une réécriture minutieuse et « insensé » des évènements. L'intérieur et l'extérieur ont leur violence propre, qui n'arrive jamais à se mêler comme on l'entendrait ; l'intérieur veut prendre le pas, puis se voit déçu de l'extérieur qui traîne la patte : c'est ainsi qu'on abat tout lien. Alors, et seulement alors, peut-on parler de solitude ; mais si on n'évoque pas tout ce qui mène à la solitude, et ce qui nous y confine, alors à quoi bon la mentionner tout court. Que les causes en soient transparentes ou voilées importe peu, l'esprit peut très bien en trouver de nouvelles qui soient à sa mesure : c'est ainsi qu'on jette la clé.

Il est évident que Sabato aurait pu pousser la note davantage, et aurait dû nous offrir encore plus de saillies, nous couper la respiration et nous empêcher de lire au premier degré les mots : crime, amour, jalousie, — alors que c'est un drame de la conscience qui s'offrait à nous. On pense à La Douce de Dostoïevski, ou à ses Carnets du Sous-Sol, mais ce dernier est difficilement assimilable à la seule narration, et dans les deux cas, chez Dostoïevski, l'affect qui transporte l'écriture en est tout différent, si l'effet s'en rapproche. À la différence des hommes souterrains de Dostoïevski, Juan Pablo ne souhaite jamais véritablement prêter le flanc, ne s'abaisse jamais réellement, ne doute peut-être même jamais vraiment ; s'il doute, c'est qu'il met en scène son propre doute pour mieux développer ses justifications, sorte de mauvaise foi cartésienne. Ses manoeuvres mentales visent une sorte de rachat par la logique, ou visent plus singulièrement à se débarrasser du besoin de se racheter, mais devant autrui (le lecteur) — prolongeant même dans sa prétendue négation le besoin pressant d'approbation. D'où qu'il semble sans cesse se relire, voulant prendre le pas sur le lecteur, ou accompagner sa lecture, lui dire le seul sens possible à tirer de ses paroles. La façon d'adresser le lecteur éventuel dans les Carnets du Sous-Sol est en tout point différente, plus ironique, moins anxieuse, moins pressante, plus ridicule, plus proche de l'humiliation. Si le narrateur du Tunnel semble parfois chercher à se montrer sous le pire jour, il ne s'abaisse finalement que pour pouvoir dire qu'il le fait, avec la même modestie vaniteuse qu'il décrit au Chapitre II. (Il est d'ailleurs significatif que les premières pages du récit de Juan Pablo soient à ce point empreintes de lucidités, comme si le simple fait de raconter faisait perdre la tête à celui qui raconte.) Il ne lui est pourtant pas possible de se sortir, par la parole, de ce qui en est le résultat : son échec. Et c'est là que la comparaison avec les récits à la première personne de Dostoïevski semble pertinente : comme le Tunnel, ils font de l'échec à communiquer une sorte de réussite littéraire amère.
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Une histoire d'amour qui se transforme en obsession et mène à un homicide. C'est justement le meurtrier, un peintre qui raconte lucidement son histoire d'amour pour Mary, la seule jeune femme qui, s'arrêtant à observer un détail d'un de ses tableaux, montre qu'il a compris la sensibilité de ceux qui peinture. Ce sera elle, pour la sortir du tunnel où elle est fermée, mais elle restera victime de la possessivité pathologique et globale de son amour.
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Storia d'amore che si trasforma in ossessione e sfocia in omicidio. E' proprio l'omicida, un pittore che racconta lucidamente dal carcere la sua storia d'amore per Maria, la sola giovane donna che, fermandosi ad osservare un particolare di un suo quadro, mostra di aver capito la sensibilità di chi l'ha dipinto. Sarà proprio lei, a farlo uscire dal tunnel in cui si è chiuso, ma ne rimarrà vittima per la possessività patologica e totalizzante del suo "amore".


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Dans "El tunel", Juan Pablo Castel, un peintre solitaire et désabusé, raconte le meurtre qu'il a commis. En effet, Juan Pablo a assassiné Maria, la femme qu'il aimait. Dans ce récit psychologique, le personnage narrateur raconte et analyse tout depuis sa rencontre avec Maria jusqu'à son meurtre.
Emporté par une passion fulgurante, Juan Pablo décrypte la névrose dans laquelle il s'est enfermé, scrutant et interprétant le moindre geste ou la moindre parole de sa compagne, voyant le mal de partout, incapable de savourer l'instant présent, jusqu'à commettre l'irréparable.
L'intérêt du livre réside, évidemment, principalement dans le cheminement psychologique de cet artiste enfermé dans son monde et imbus de lui-même, incapable d'envisager les choses autrement que par son propre prisme. Mais c'est peut-être plus le personnage de Maria qui retient l'attention. On a peu de détails sur elle, aucune description physique, peu d'éléments d'identité, on sait seulement qu'il y aurait plusieurs hommes dans sa vie. D'après le regard de Juan Pablo, elle apparaît comme une jeune femme taiseuse et peu encline à montrer des émotions. Bien sûr ce portrait n'est pas objectif. Maria nous est présentée comme lui la perçoit, c'est-à-dire une quasi inconnue, sujette à de multiples interprétations. Et c'est ce manque de connaissance qui finit par faire tourner la tête au narrateur et qui laisse plein de questions sans réponses au lecteur. La focalisation interne est le gros point fort de ce livre, l'absence totale d'objectivité qui rendrait presque coupable la victime.
Une lecture plutôt ardue et déroutante mais un succès littéraire tout à fait justifié.
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