La communication gestuelle entre les mères (entendantes) et leurs nourrissons avant l'acquisition de la parole a donné lieu à des observations tout à fait fascinantes - et, s'il est vrai que l'ontogenèse résume la phylogenèse, on peut en inférer que les premières langues humaines furent gestuelles ou motrices.
La question des origines du langage - des mangues orales, ou des Signes - reste totalement ou verte : quelles que soient les hypothèses ou les conjectures avancées, elles ne peuvent être ni prouvées ni infirmées.
On peut imaginer un discours désincarné, mais il n'y pas de Signes sans corps. La chair et l'âme du signeur, sa spécificité humaine s'expriment continûment dans l'acte même de signer.
Il suffit d'observer deux sourds en train de communiquer pour constater que les Signes sont empreints d'un ludisme, d'un style qui ne sont pas ceux du langage parlé.
Le "caractère" d'une langue, selon Humboldt, réside dans sa créativité culturelle et ses qualités génériques : il tient à son "esprit" plutôt qu'à son "style".
La grammaire des langues de signes est maîtrisée à peu près au même âge et de la même façon que la grammaire des langues orales - ,n peut présumer que ces langues sont identiques dans leurs structures profondes.
Les seuls jeunes sourds qui ne risquent pas de se sentir cruellement étrangers à leur propre famille sont ceux qui ont des parents sourds (et signeurs) - de tels enfants (selon le mot de l'un de mes amis sourds issu de parents entendants) appartiennent à "une autre espèce". Les enfants sourds nés de parents sourds peuvent bénéficier, dès le départ, d'une communication de qualité qui leur permet de se relier pleinement à leurs géniteurs ; leur acquisition du langage est aussi aisée et automatique que celle des enfants entendants et s'effectue à l même période critique (entre deux et trois ans) ; et leurs Signes ont une précision et une richesse qu'aucun signeur non natif ne saurait égaler.
... tout langage employé en présence d'enfants devient leur langue, même s'il consiste en un ensemble de signes.
Quand j'ai rédigé ce livre, ma tendance générale a donc consisté à passer d'une position nativiste à une position évolutionniste. Néanmoins, l'étude des Signes, ainsi que les résultats de leur acquisition dans l'enfance, sembleraient corroborer ces deux points de vue à la fois, qui ne sont peut-être d'ailleurs pas incompatibles.
... rien dans la nature (en tout cas dans la nature animée) n'est "établi" à l'avance, mais [...] tout évolue, ou apparaît, sous les pressions conjointes de la contingence et de la sélection.