Tout le sens de cet ouvrage du neurologue et mélomane américain
Oliver Sacks réside – on le comprend à postériori – dans son sous-titre ; en français, « La musique, le cerveau et nous » : d'abord, la musique, « personnage principal » du livre ; ensuite, le cerveau, l'objet du livre ; enfin, nous, car, à travers les nombreux cas exposés, l'auteur nous fait comprendre et ressentir que la frontière entre pathologie et normalité est parfois très ténue.
Le sous-titre original, « Tales of Music and the Brain » semble insister sur l'aspect narration et donne lui aussi une clé du livre.
Oliver Sacks est un remarquable conteur et s'est bien de la relation entre la musique et notre cerveau dont il nous entretient. Découpé en quatre parties, (1) « Hanté par la musique », (2) « Des formes de musicalité différentes », (3) « Mémoire, mouvement et musique », (4) « Emotion, identité et musique », l'ouvrage fait le tour de toutes les pathologies possibles où la musique joue ou peut jouer un rôle – quand ce n'est pas elle qui se joue de nous – , allant des cas les plus bénins que tout un chacun peut être amené à vivre, aux affections les plus dramatiques et irréversibles. Des notes en bas de page, pour certaines rédigées lors de la réédition de 2008, viennent compléter judicieusement – sans devoir se précipiter de manière fastidieuse en fin de volume – le corps du texte.
Ce livre n'est pas, de mon point de vue, un ouvrage de vulgarisation scientifique ; en ce sens, il pourrait décevoir les puristes : les férus de science (une copieuse bibliographie devrait les satisfaire), comme certains musiciens. Son intérêt réside ailleurs, dans son approche sensible et respectueuse, non dénuée d'humour, des problèmes graves ou plus légers qu'un médecin, amoureux de la musique et convaincu de ses incidences positives sur notre comportement et sur l'apaisement de certaines des souffrances humaines, a été amené à rencontrer et a voulu faire partager au plus large public dans un langage accessible.
De par son humanité transcendante, on sort de Musicophilia plus riche, renforcé, en ce qui me concerne, dans l'idée que les mystères insondables de la Musique sont encore, toujours et inlassablement à découvrir tant dans le domaine de l'art et de sa pratique que dans ses effets sur l'Homme.
(Critique de Cantus)