Un piano dans l'herbe

ISABELLE. Dites-moi... Qui est ce Jean-Loup ? On en parle tout le temps ici.
LOUIS. Jean-Loup, c'est l'herbe tendre, les grands sentiments, le poème récité à un autre, les scrupules , le sang qui saute aux tempes. Jean-Loup, c'est un poncif qui a eu la chance de disparaître à temps, c'est notre jeunesse. Voilà.
ISABELLE. Et tout le monde l'aimait ?
LOUIS. Eh oui. Quand il y avait du vent, il agitait les épis dans les cheveux de Jean-Loup, quand il y avait du soleil, il éclaircissait les yeux de Jean-Loup, quand il y avait un chat, il venait s'asseoir sur les genoux de Jean-Loup. Il y a des gens comme ça, vous savez.

Acte I, scène 2

Donc, je me suis dit: je me sens jeune, j'ai envie d'être jeune, il faut être jeune, avec qui l'être sinon avec les gens qui étaient jeunes avec moi ?
Et qui a partagé ma jeunesse ? Vous !
[...] Mes enfants chéris, je vous invite à ravoir vingt ans.

Maud
Oui. Eh bien, moi, elle me plaît comme elle est la vie, toute crue, sans pilules. Et sans alcool.

ISABELLE, pleurnichant

Je suis défigurée, je suis tombée en bas de la pente...Hi hi, mes freins étaient cassés.

LOUIS

Quelqu'un les avait sciés, sûrement. C'est Agatha Christie ici, on va tous mourir doucement.

LOUIS
Ça parle de quoi, votre gazette ? De Saint-Tropez ?

ISABELLE
Non, là c’est une enquête sur la femme d’aujourd’hui.

LOUIS
Mon Dieu ! Et ça vous intéresse ?

ISABELLE
Quoi ?

LOUIS, patient
La femme d’aujourd’hui ce que vous lisez.

ISABELLE
Eh bien, j’en suis une, n’est-ce pas ? Alors je me renseigne sur tout, il y a tout dans les journaux maintenant, vous savez, il n’y a plus de tabous comme avant, on est libre.

LOUIS
Libre ? AH oui ? Vous vivez entourée de médecins, de psychologues, de conseils. On vous dit ce qu’il faut manger, comment être équilibrée, comment faire l’amour, et vous êtes libre ?

ISABELLE
Mais ce sont des conseils, c’est pas des ordres.

LOUIS
Quelle différence ? Iriez-vous au soleil sans crème solaire ? Vous coucheriez-vous sans vous démaquiller ? Partiriez-vous à la montagne l’été, et au bord de la mer en janvier ? Ah, vous êtes libre…Vous êtes un robot ma petite, comme tout le monde. Vous êtes téléguidée. Et dieu sait si vos petits copains qui font les barricades m’assomment souvent, mais j’avoue qu’ils ont bien des raisons d’être exaspérés eux-mêmes…

Permets-moi de te dire, la vie et la poésie, ça fait deux.

Sur la terre, à part les ratés et les monstres, qu'y-a-t-il d'autre ?

Quelle génération ! N'importe quel imbécile chante peint, écrit, et de plus raconte comment il fait, et pourquoi. En plus, il faut avoir des rapports sexuels sinon on est un raté.

Moi, je vais me promener, acheter une maison à Paris et vivre seule, seule... avec un vieux chat pour me tenir compagnie et en robe de chambre, le bonheur, quoi !

Maud
On voulait faire un club. Le club des gens tolérants. De ceux qui savent que "nobody is perfect... et qui ne s'en formalisent pas". Les gens qui ne jugent pas, jamais, personne, tu t'en souviens ?

Louis
Non, mais c'était une bonne idée.