Fanny (narratrice et auteur), arrive au chevet de son arrière-grand-mère qui va mourir et qu'elle va donc sans doute accompagner dans ses derniers instants, des instants qui durent et se prolongent, dans le silence, car la vieille femme a les yeux fermés..."Mais elle peut sentir, entendre..."
Le livre est à deux voix qui se succèdent, avec polices d'écriture différentes ce qui est très agréable et ponctue le récit.
La vieille femme a peur de mourir, et comme elle ne peut ni bouger, ni ouvrir les yeux, elle se repasse le film de sa vie, une enfance pas facile et beaucoup de durs moments et de joies aussi.C'est une femme simple, avec un langage imagé et direct. Elle sait que la jeune femme est là, à ses côtés, comme toujours.
Les mots de l'arrière-petite-fille sont doux, compatissants, et le ton est vraiment tendre envers cette aïeule aimée "Granny, ma vieille pomme", à la vie cahotique. "Première de la famille a avoir un diplôme", elle a un langage fluide, précis. Et cette alternance de ton et de style nous plonge admirablement bien dans les pensées de ces deux femmes.
La construction est intéressante et agréable : en plus de leurs propres pensées sur elles-mêmes, elles parlent en fait des mêmes évènements de leurs deux vies et les chapitres se répondent : on a donc comme deux versions de certains évènements.
Pour le reste, on suit tout un siècle d'histoires, la petite et la Grande, (première guerre, front populaire, Mitterand, la guerre en Irak, la seconde guerre mondiale...) mais tout est dit en filigrane, par petites touches ; la grande histoire est ponctuée d'anecdotes de la petite. Et quelle petite ! Quatre générations de femmes ! Ce qui permet de suivre l'évolution de la place des ces dernières dans la société. Mais sans analyse, sans démonstrations interminables, juste par instantanés.
Et on glisse dans le livre, sur les phrases, belles comme tout (j'aurais pu vous recopier des passages entiers) car c'est la force de ce roman : l'écriture. Toute en féminité, en douceur, en tendresse. En nostalgie.
Et en silence.
Un très très beau dialogue silencieux entre deux femmes qui s'aiment et savent se le dire sans parler.
Il n'y a pas de tristesse à proprement parler, on repense forcément à ceux qu'on aime et qu'on a perdus, à ceux qui sont là, vieillissants, et parfois on a la gorge serrée mais pas de pathos inutile, et finalement de l'optimisme et de l'humilité face à la mort. (un peu de peur, pour la vielle dame, quand même...Et c'est la première fois que je voyais ce thème de la peur abordée)
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