Il ne nous appartient pas de signaler les différences , d'ailleurs très manifestes , qui séparent le génie de Kant et celui d'iEnésidème ; qu'il nous suffise d'avoir mis en lumière l'identité de leur point de vue. On suivra peut-être avec plus d'intérêt et de patience la restitution laborieuse de la doctrine de notre philosophe, en songeant que son doute n'a pas été un vain jeu d'esprit , un accident stérile de l'histoire, mais l'expression la plus rigoureuse et la plus profonde du scepticisme antique ; scepticisme qui n'a pas péri avec la Grèce , mais que le progrès des temps devait ramener à toutes les époques de la philosophie, parce qu'il a sa source dans la constitution de l'esprit humain.
Ænésidème a dirigé contre l'autorité de la raison humaine deux attaques hardies qui, souvent répétées depuis, ont fait jusques dans les temps modernes une singulière fortune. Soit qu'il s'efforce d'établir la nécessité et tout à la fois l'impossibilité d'un critérium absolu delà connaissance, soit qu'il entreprenne de ruiner d'un seul coup la métaphysique en ébranlant le principe de causalité qui en est le fondement, il semble qu'il lui ait été réservé d'ouvrir la carrière aux plus illustres sceptiques de tous les âges. Par sa première attaque, il a devancé Kant ; par la seconde, Hume ; par l'une et par l'autre, il a laissé peu à faire à ses successeurs.