Les choses en étaient là vers la fin du XVIIIe siècle, et Spinoza, le vrai et complet Spinoza, celui de l'Éthique, était profondément inconnu et presque universellement décrié, quand éclata tout d'un coup, dans cette Allemagne où le scepticisme de Kant semblait avoir découragé pour jamais l'esprit humain, ce puissant mouvement d'idées spéculatives, ce généreux essor intellectuel qui s'est propagé dans toute l'Europe et a donné depuis cinquante ans d la philosophie du xiv siècle Fichte, Schelling, Hegel et M. Cousin. C'est de cette époque de renaissance que datent le renom et l'influence de Spinoza.
C'est une chose étrange que la destinée de la philosophie de Spinoza. Réprouvée par les plus grands esprits du dix-septième siècle, mal connue et presque oubliée au siècle suivant, la voilà qui ressuscite au temps de Lessing, et depuis plus de soixante ans exerce sur l'Allemagne et sur l'Europe entière une sorte de fascination.
On a remarqué plus d'une fois que le panthéisme est un système extrêmement simple, et d'une simplicité vraiment séduisante, tant qu'il reste sur les hauteurs de l'abstraction; mais aussitôt qu'on l'en fait descendre, les difficultés commencent, et avec elles la confusion, l'indécision et l'obscurité.