C’est une belle histoire que nous conte ici l’écrivain-poète-historien-journaliste français d'origine algérienne, mais, ainsi que peut le laisser entrevoir son titre, elle finit terriblement mal. A travers la vie de deux jeunes gens auxquels la vie semble sourire, Menouba et Rezoug, c’est l’histoire dramatique de l’Algérie d’après l’indépendance qui nous est livrée dans sa plus parfaite cruauté.
Ces deux jeunes gens aussi beaux que doués et qui veulent à tout prix s’en sortir suivent d’abord la trace de leurs pères, et la plus grande partie du roman raconte comment Kader et Zouina, les parents de Menouba, ont franchi les obstacles qui leur ont permis, après 1962 et malgré tout, de s’extraire de leur sort atavique de paysans sans terre et de venir à Alger grâce à leur travail et à l’appui d’un couple d’instituteurs particulièrement bienveillants.
Kader est fasciné par le métier d’enseignant mais il parvindra seulement à décrocher le Certificat d'Etudes. Il finira par occuper un poste d’appariteur dans un grand lycée d’Alger et sa fille passera sa licence de lettres. Elle viendra en France, émerveillée, choyée par son ancienne institutrice … mais n’oublie pas son ami, devenu son amour de jeunesse, qui occupe son cœur depuis le lycée. Rezoug, malgré son baccalauréat, acceptera un emploi qui lui permet de tisser un réseau de connaissances. Ils vont bientôt toucher au but de leur vie : se marier !
Cependant, il faut aller à l’encontre des traditions familiales et leur projet n’est pas encore envisageable dans l’immédiat. Et puis, en 1993 éclate la guerre civile. Celle dont on ne parle pas en France. Après tout, les français ont été contraints de quitter brutalement cette terre privilégiée et le pays est en proie aux factions rivales des vainqueurs et à la corruption … Il faut lire l’ouvrage de Mokhtar Sakhri sur l’histoire (qu'il intitule "Le roman") contemporaine de l’Algérie.
Car le désordre et l’anarchie qui embrase l’Algérie après l‘assassinat de Mohammed Boudiaf en juin 1992 et durant la décennie suivante, l’explosion des attentats perpétrés par des « éléments incontrôlés », les bandes d’islamistes furieux aux ordres d’émirs autoproclamés a pour effet non seulement de détruire les capacités de développement de ce pays qui nous fut si proche, mais encore de lui faire franchir un affreux bond en arrière.
Ainsi, cette belle histoire de progrès social et intellectuel narrée comme un conte des mille et une nuits dans une langue précieuse et selon une construction parfois enluminée de formules poétiques, se fracasse sur la mort tragique et stupide de la courageuse héroïne. Car l’élévation intellectuelle et le progrès issu des préceptes des Lumières, et tout spécialement l’égalité des sexes, sont des concepts complètement en contradiction avec religion d’Etat et hélas introduits par les anciens colonisateurs. Menouba et Rezoug paieront le prix suprême et recevront, elle la mort et lui le désespoir, en récompense de leurs multiples efforts. Mais pour nous, il restera à découvrir la suite de cette saga.
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