Pourquoi le nier, c'est en grimaçant un peu que j'ai commencé ce livre, car s'adressant par-delà le temps à
Miguel de Cervantes et feignant colère et indignation, l'auteure couvre ce dernier d'invectives ampoulées comme il était d'usage en son siècle. Mais très vite le talent de
Lydie Salvayre m'a emportée et s'est avec délectation que j'ai poursuivi ma lecture. Je me suis régalée d'expressions savoureuses telles qu'aimer comme la peau du coeur, avoir le coeur épris jusqu'au foie ou encore ne pas se prendre pour la queue d'une poire. Et puis, outre les vertus et qualités nombreuse de Don Quichotte dont l'auteure nous abreuve, elle s'attache à nous dépeindre son fidèle serviteur qui, sous ses airs lourdauds nous ressemble à bien des égards. Cette approche me semble originale et m'a beaucoup intéressée.
Lydie Salvayre nous dit: “il est l'homme de la voie moyenne. Il est l'homme des renoncements et des arrangements.” Et que, ce faisant, et non sans humour de la part de l'auteure, il fait montre de courage, mais d'un courage “modeste” sans l'éclat coutumier de celui de son maître. Sancho est présenté comme la figure la plus humaine qui soit, qui permet à Don Quichotte d'être relié à la communauté des hommes. L'auteur dit de lui: “Il est vous, il est moi, il est nous.” Si cette figure d'homme ordinaire a pour effet de glorifier celle de son maître, elle n'en annonce pas moins le anti-héros qui sera le personnage principal d'une littérature abondante.