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EAN : 9782021477139
208 pages
Seuil (19/08/2021)
3.99/5   121 notes
Résumé :
« Pourquoi, Monsieur, expliquez-moi pourquoi, vous moquez-vous de votre Quichotte lorsqu’il ne s’accommode pas de ce qu’on appelle, pour aller vite, la réalité ? »
Une femme d’aujourd’hui interpelle Cervantes, génial inventeur de Don Quichotte et du roman éponyme, dans une suite de quinze lettres. Tour à tour ironique, cinglante, cocasse, tendre, elle dresse l’inventaire de ce que le célèbre écrivain espagnol a fait subir de mésaventures à son héros pourfend... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (49) Voir plus Ajouter une critique
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Permis de rêver.
Mon avatar anar ? Il fallait y penser. Et faire de mon âne d'hidalgo un militant féministe du 17 ème siècle qui s'ignore, c'est aller peut-être un peu vite, même si la vitesse est limitée à 30 en nos contrées. La dulcinée l'avait plutôt rangé dans la catégorie « boulet », l'amoureux transi en cotte de maille mal taillée.
Lydie Salvayre me révèle sous un nouveau jour le chevalier à la triste figure dans ses lettres à Cervantes qui par politesse, entre nous, aurait pu faire l'effort à minima d'accuser réception. Pas une carte postale d'outre-tombe. Il ne va pas nous faire croire qu'il est débordé Miguelito dans son tombeau. Ou bien, peu au fait des nouvelles technologies, son pigeon voyageur s'est fait décapiter par les pâles d'une éolienne sur le chemin. Revanche des moulins à vent.
Dans ses lettres, Lydie Salvayre tance, sans lance, Cervantes pour une certaine forme de maltraitance littéraire envers sa créature. Mais derrière le feint et fin reproche, pointe l'admiration pour l'auteur et la passion pour son doux rêveur de héros. Elle veut surtout que le ridicule de ses mésaventures ne masque plus son courage, son idéalisme, sa bonté et sa farouche volonté de soumettre la réalité à ses rêves.
C'est magnifiquement écrit, drôle, érudit et je renouvelle mon immense considération pour l'oeuvre et le parcours de Lydie Salvayre.
Quel meilleur étendard que Quichotte pour lancer un SOS à l'utopie ? Il est le meilleur ambassadeur de ce pays imaginaire ou du monde de demain.
Je suis moins enthousiaste par la récupération post soixante-huitarde qui est faite ici du personnage. Certes, dans sa folie éveillée, l'hidalgo traite de la mêle façon servantes et princesses, rois et paysans mais il reste très à cheval (pauvre Rossinante) sur le respect des privilèges de la noblesse et de son titre. Quand Sancho tente de le ramener de la Lune à la Terre, le chevalier ne manque pas une occasion de lui rappeler sa condition. C'est plus la liberté que l'égalité qui anime Quichotte selon moi. Il ne se révolte pas contre la société comme aimerait le penser l'auteure mais contre sa vie apathique perdue dans les romans de chevalerie et une réalité désenchantée.
Désaccord ou pas, ce roman épistolaire est un plaisir de lecture qui prouve que Quichotte n'appartient plus à son auteur car il appartient à tout le monde. Avec ce personnage éternel, inutile de s'inventer un dieu pour accepter sa finitude. Il a toutes les réponses.
Un timbre pour mon timbré.
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Voila un petit livre qui se veut une nouvelle interpretation du Quichotte, un hymne a la louange de son auteur, et en passant, une charge contre les travers de notre temps.

Il fait semblant, au debut, de s'en prendre a Cervantes. Pourquoi caricaturer ce heros? Pourquoi le moquer? “Pourquoi, Monsieur, expliquez-moi pourquoi, vous moquez-vous de votre Quichotte lorsqu'il ne s'accommode pas de ce qu'on appelle, pour aller vite, la realite?”. Et plus loin, “Pourquoi lui reservez-vous un sort aussi constamment cruel? Qu'a-t-il pu offenser pour que vous le punissiez ainsi? Que lui faites-vous donc payer?”. Mais il est tres clair que le texte deroule un long eloge de Cervantes, et une celebration de son heros. Don Quichotte, pour Lydie Salvayre, est un reveur a l'ame pure, qui combat toutes les injustices, un homme libre qui se bat pour la liberte de tous ses congeneres, tous egaux a ses yeux, qu'ils soient nobles ou plebeiens. Il porte “ce reve inoui d'une egalite entre les hommes, une egalite non pas, evidemment, telle qu'elle s'ecrit aujourd'hui dans nos textes de loi, mais au sens d'une harmonie, d'un equilibre, d'une entente”. Un homme qui a le desir “de faire advenir un monde ou aucune ame humaine ne serait diminuee, un monde plus heureux, plus misericordieux, plus musical, plus fraternel, un monde delivre de l'injustice crapuleuse, de l'egoisme avide et du mepris social”. Salvayre pousse meme jusqu'a en faire un feministe avant la lettre. Un grand utopiste, dans le meilleur sens du terme.

Elle a aussi quelques belles pensees pour Sancho Panza, en qui elle ne voit pas que le gros rustre peureux qu'on se complait a evoquer. Il est pour son maitre plus qu'un aide, plus qu'un allie, un ami. Et pas si bete que le concoivent des lecteurs trop presses. D'une perspective litteraire et humaine, il complete son maitre. “Le Quichotte et Sancho forment un couple qui est, d'une certaine maniere, notre miroir. Les deux en nous cohabitent. Nous nous reconnaissons dans l'un comme dans l'autre, selon les jours et nos chagrins ; et leurs revoltes, leurs impasses, leurs craintes et leurs contradictions sont, a des degres divers, les notres”. Ces deux comperes se completent l'un l'autre pour, a eux deux, realiser ce que je concois (et Salvayre peut-etre aussi) comme un ideal, pas une vertu mais une attitude, une disposition ideale: avoir les pieds sur terre et la tete dans les etoiles.

L'ardeur fougueuse (quichottesque, dirais-je) de Salvayre m'a conquis. Et sa verve, melangeant divers registres de langage (cervantesque, dirais-je), quelle saveur!. Et sa facon de denoncer les petitesses, les menus travers et les inelegances (c'est un eufemisme) de notre epoque, quel panache!. Elle s'emporte, s'indigne, et nous pousse a nous indigner nous aussi, bien mieux que ne l'avait fait le vieux Hessel. J'ai moins apprecie que vers la fin elle abandonne son soi-disant requisitoire contreCervantes pour passer a une apologie trop directe. Mais bon, elle aime, et quand on aime… et oui, cela reste quand-meme percutant.

En somme un livre d'amour et de critique. Un hommage un peu delure, semillant, rejouissant. Tres rejouissant.
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Elle est très courroucée, et par téléphone, en cela aidée par son compagnon, elle explique ses raisons d'être en colère. Une assurance si bon marché, personne ne peut y croire. Et la musiquette : Toul ou, tou lou lou l'exaspère. Elle raccroche, hors d'elle: «eh ben, voilà, on va rester chez vous , c'est clair ?».
C'est une pub, et c'est exactement ce que fait Lydie Salvayre, une pub inversée, dans Rêver debout.
Pour cela, elle a recours à des phrases du XVII siècle, tout en raillant avec impertinence Cervantes. Elle lui écrit : « Avez vous bien lu, Monsieur, ce que vous écrivez ? » « je n'ose pas avoir l'impudence de vous expliquer votre livre, j'aimerais toutefois …. « Souffrez que je vous le dise »

Lydie Salvayre , comme dans la pub, est excédée :« je me permets de vous remettre en mémoire » dit elle à Cervantes, dont elle critique la maltraitance , le sadisme, dit elle, sur ses héros : « Votre créature est loin d'être aussi insensée comme vous feignez de le croire « , « supportez, je vous prie, de ne pas tout connaitre ».
Non seulement Cervantes ne comprend pas ce qu'il a écrit, merci Lydie de lui ouvrir les yeux, mais en plus il n'a pas lu Freud, ni visionné Pasolini. Vous m'avouerez que pour un écrivain connu, c'est court .
C'est vrai qu'il n'a pas été cool de camper son hidalgo aussi looser, aussi grotesque. Lydie Salvayre, sûrement, aurait fait mieux, à la manière de Borges, qui, dans la nouvelle « Pierre Ménard , auteur du Quichotte » lui, s'est contenté de recopier certains chapitres. Et de démontrer combien la même écriture à trois siècles de
distance, peut être perçu différemment.

Puis elle fait l'apologie du Quichotte, et s'emporte, après avoir rappelé à Cervantes, petite cervelle, qu'en Espagne l'Inquisition règne depuis 1478.
Pire encore, dans son incurie, Cervantes a raté son objectif « je suis au regret de vous annoncer ceci, dit elle: le Quichotte , finalement , ne s'en sort pas trop mal. Foncièrement idéaliste, sincère, normal et désintéressé, il a pris au pied de la lettre les récits chevaleresques.
Ce n'est pas sa faute.
C'est la littérature qui lui a menti « la littérature l'a floué. La littérature lui a fait miroiter un monde qui n'existait pas. La littérature n'est qu'un ensemble de mensonges et de mystifications. » . Car, lui, le Quichotte, au mépris de son créateur, qui ignore tout, même l'amitié, est un anar, un libertaire, un ami du gros Sancho (ami, sans plus, n'allez pas croire), et , bien entendu, animaliste et de plus féministe.

Salvayre ose enfin recopier Wikipedia, pour rappeler à Cervantes sa vie, au cas où il l'aurait oublié: il est devenu manchot à la bataille de Lépante, a été fait esclave par les barbaresques, retenu à Alger durant des années, fait de la prison pour diverses raisons après son retour en Espagne et, enfin, écrit Don Quichotte.

Est-elle partiale ? oui , un grand oui.

Suis-je partiale ? oui, parce que l'écriture de Lydie Salvayre est remarquable, scandée, musicale, argumentée.

Dernière page : La pub réapparait Tou lou, toulou lou.
Sa colère est feinte, elle baise les pieds de l'auteur.
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Disons le tout de suite, je suis une fan de la première heure de Lydie Salvayre. Bien avant son Goncourt, j'étais fan de la Compagnie des spectres, de la Conférence de Cintegabelle et surtout de la Méthode Mila qui m'a fait tellement rire.

Avouons-le également : je n'ai jamais lu le Don Quichotte de Cervantès.
Un impair certainement, au vu de l'éloge dithyrambique que lui rend Lydie Salvayre.

Jugez plutôt : 200 pages de plusieurs longues lettres, dans lesquelles l'autrice interpelle directement Cervantès, pour lui faire part de ses commentaires à propos du Quichotte.

Elle le toise, l'apostrophe, l'interpelle, le tance, l'adjure, le sermonne, l'insulte presque, tellement l'auteur, dit-elle, a maltraité son personnage principal.

Mais c'est pour mieux dire son admiration pour le grand roman de Cervantès et son personnage principal. Elle voudrait le réhabiliter à nos yeux. Et moi qui croyais que ce n'était qu'un comique qui se battait contre des moulins à vent – pardon pour le cliché – elle en fait un héros des temps modernes, un « looser magnifique », un homme profondément libre, et même un anarchiste de la première heure.

Son auteur aurait pressenti les catastrophes du monde à venir – beaucoup d'allers et retours entre son époque et la nôtre bien sûr – mais avec un Quichotte prêt à se battre pour la liberté de tous, l'égalité entre tous. Elle invoque même un très beau personnage de femme, la première féministe avant l'heure, revendiquant de ne pas se marier et la liberté à tout prix – un très beau manifeste avant notre époque dite moderne.

Il y a beaucoup de verve, de vivacité, de brio, de souffle et de clairvoyance dans ces quinze lettres, j'y ai retrouvé la capacité à dénoncer ce qui nous aliène : autrefois le pouvoir et l'église, aujourd'hui efficacement remplacé par le pouvoir ignominieux de l'argent. Car c'est bien sûr une peinture de notre société d'aujourd'hui qu'elle révèle en creux, le numérique, l'absence de démocratie, le manque total de réflexion sur ce que l'on vit : on retrouve les thèmes chers à l'ex-psychanalyste qu'elle a été, qui se livre à un pamphlet comme elle sait très bien le faire : jubilatoire.

Et si pour terminer j'ai beaucoup appris sur Cervantès lui-même (j'avoue que je ne connaissais pas son parcours, et ce qui l'a amené à écrire sur le tard), elle parvient très bien à réhabiliter un personnage mythique mais méconnu et son auteur à qui, après avoir dit tout le mal qu'elle pensait de la façon dont l avait traité son héros, elle finit par lui rendre un vibrant hommage.

J'en profite pour dédier les quelques lignes de citation que j'ai postées sur l'amitié à tous mes amis Babeliotes ici présents : à tous je vous souhaite une très belle année de lecture et de partage, de "combinaison" , " dans un attachement, une complémentarité et une complicité " telle que nous pouvons la trouver sur BABELIO.

A tous très belle année 2022

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PLUMES FEMININES 2022
REVER DEBOUT – LYDIE SALVAIRE****
« Se faire quichottiser », quoi de plus parlant pour dire que « tout rêve est une lutte » ?, que rêver debout n'est pas une contradiction mais une belle façon d'agir, se déconfiner, faire face au monde, y mettre nos rêves.
« Est-il insensé de considérer que la littérature n'est pas lettre morte, parure de cheminée, boniment inutile, mais plutôt lettre vive, ardente, expérience intime qui bouleverse la vie ? »p.9

Lydie Salvayre commence fort son livre Rêver debout, elle accuse Cervantes d'avoir créé son personnage, Don Quichotte comme un être farfelu, chimérique, fou, la risée de tous, « un être qui inspire moins la terreur que la moquerie, un être vulnérable et facile à briser. » p.25
Quinze chapitres en guise de lettres adressées à l'auteur espagnol pleines de fougue, de révolte, et de compassion, dans une langue pittoresque, haute en couleurs, un style enlevé, passionné, un mélange de langue soignée et d'expressions fortes, populaires ou familières dans un agencement qui leur rend justice et leur donne encore plus de valeur.
Lydie Salvayre se fait le porte parole de Don Quichotte et de Sancho Panza, du rêve, du courage, de la passion et en même temps de la raison, de la tempérance, d'un esprit terrien solide et de bon sens.
« Vous vouliez offrir aux lecteurs un Quichotte piteux, eh bien Monsieur, c'est raté. Votre Quichotte est tout simplement touchant. Sa fragilité dans ce monde de brutes ne peut que nous attendrir, tout en nous amenant à réfléchir sur les raisons de la violence qu'il endure. » p.43 « S'il n'a pu accomplir de grandes choses, il est mort de les avoir entreprises. » p.45
« Pourquoi les gestes qui ont quelque noblesse appellent-ils autant de haine ? »p.26
Et voilà Lydie Salvayre partie en croisade pour essayer de sauver la foi dans une utopie, une vérité pour demain, un rêve lucide et révolté pour maintenant car « le rêve contourne astucieusement la censure, c'est la toute son intelligence. » p.33
Il faut que la littérature s'incarne dans le quotidien, dans les geste, dans notre agir. Cette littérature dont Don Quichotte s'est abreuvé pendant de longues années, « il va la porter à la vie, il va la jeter à l'air libre, il va la secouer, il va l'épousseter… Et qu'elle vive ! Qu'elle vive bon Dieu ! » Et Lydie Salvayre de continuer « Il n'y a pas d'autre poésie que l'action réelle, écrivait dans son livre Qui je suis, l'insolent Pier Paolo Pasolini. »p.32
« Don Quichotte va exister enfin. Mais exister, s'affronter, se cogner au vivant, s'y blesser, s'engager dans cette putain de vie qui peut nous causer autant de mal que de bien, cela ne se fait pas, vous le savez mieux que quiconque, sans écorchures ni douleurs. » p.37
Le livre hommage et manifeste devient un pont entre le 17e siècle et le nôtre, un miroir pour nous tous et notre époque « Puis-je vous dire Monsieur, que quatre siècles après, les choses ont fort peu évolué, même si elles ont pris des formes plus insidieuses et plus suaves en apparence, d'autant plus suaves qu'elles sont à présent presque assurées de gagner, je veux dire, de nous conduire au désastre. » p.27. Les comparaisons multiples avec notre époque, dont les exemples sont plus qu'éloquents, renforcent, si c'était encore nécessaire, une évidence, celle du caractère cyclique de la vie qui revient à chaque fois à des niveaux différents.

En grandes enjambés Lydie Salvayre passe d'un siècle à l'autre et se surprend d'être encore étonnée par la récurrence des choses, elle en fait la preuve à Monsieur Cervantes qui n'aura pas l'occasion de la vivre.

Le texte est aéré, les retours à la ligne fréquents, quelques phrases courtes respirent mieux seules sur une ligne, une façon de doublement souligner une affirmation autant qu'une interrogation ; il en résulte une cadence soutenue, une atmosphère forte.
Le verbe est rageur, les répétitions arrivent à coups de matraque soutenues par un style rhétorique. le ton lyrique, enjoué, emporté est tendresse immense et fouet redoutable, il est réveil de consciences, encore un que je salue tout bas. Lydie Salvayre et le Quichotte dont elle fait l'éloge dérangent « gravement le bel ordre qui règne » p.74. Je les salue aussi. « Etre en mouvement, être vivant, parler, rire , respirer, se battre, c'est forcément ébranler cet ordre immobile et parfait. » p.75. Don Quichotte est pulsion vitale, Lydie Salvayre aussi.
Sancho « sait faire contre mauvaise fortune bon coeur. Il est l'homme de la voie moyenne . L'homme des arrangements et des renoncements. » Il est aussi « le courage de la fidélité...le courage têtu de persévérer envers et contre tout au nom de l'amitié. »p.130. le plus humain des humain il réunit toutes nos oppositions d'ange et de bête.
Don Quichotte et Sancho, couple inséparable comme les siamois, comme nos contraires et comme tout oxymore, trouvent ce sens du merveilleux normal « cette faculté à reconnaître candidement le beauté dans les êtres et le monde avec chaque jour les yeux neufs d'un enfant », et cette faculté, continue, Lydie Salvayre, « est pour nous les humains du XXIe siècle qui en sommes privés, un bienfait des plus précieux. »p.145
Curieusement ou pas, le livre de Cervantes est accueilli à l'époque avec « la plus parfaite indifférence ». Alors l'auteur imagine un pamphlet anonyme, une satire de son propre livre et le résultat : un triomphe sans précédent. Tourner en dérision la littérature chevaleresque fait rire et le succès ne se fait pas attendre.

Des antiphrases, ainsi appelées par l'auteure, viennent accuser de ce pourquoi elle admire Miguel de Cervantes Saavedra. Un livre neuf et stimulant qui éveille « mille résonances et tout un monde de pensées, d'images et de questionnements ».
Rêver debout est un livre grinçant, un livre amour adressé à un auteur et à la littérature « car c'est grâce aux brèches ouvertes par le Quichotte et les allumés de son espèce dans les murs qui nous cernent, que notre monde reste encore vivable et encore désirable. Monsieur de Cervantes, merci. »
La gouaille de Lydie Salvayre salue les humains femmes et hommes à l'esprit libre et la littérature qui les a rendus éternels ainsi que les femmes et les hommes qui ont créé la littérature celle qui se transmet qui bouleverse émeut interroge depuis des années, des décennies et des siècles. Elle appelle les grands noms dont les écrits ont secoué le monde et en même temps fustige les « littérateurs fielleux », les « faiseurs de rimailles », et les écrivains dont « le néant » des pages est affligeant.
Et pour finir, une citation de William Faulkner, un des écrivains préférés de Lydie Salvayre, qu'elle ressent résonner avec force dans le Don Quichotte de Cervantes :
« Ecrire c'est comme craquer une allumette au coeur de la nuit en pleine forêt… La littérature ne sert pas à mieux voir. Elle sert seulement à mesurer l'épaisseur de l'ombre. » p.190
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critiques presse (4)
Telerama
17 octobre 2022
Grâce à elle, on peut sangler nos Rossinante, chevaucher dans les pages de Cervantès et, comme elle l’écrit « donquichottesquement », se souvenir qu’il n’est pas de « littérature sans liberté » et « pas de liberté sans courage »
Lire la critique sur le site : Telerama
LesInrocks
22 septembre 2021
Ces quinze lettres lumineuses remettent le Quichotte à l’ordre du jour, comme un modèle indépassable de résistance politique et d’héroïsme obstiné.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Elle
06 septembre 2021
Dans son livre « Rêver debout », Lydie Salvayre prend sa plus belle plume pour s’adresser à Cervantes et son célèbre Don Quichotte. Un manifeste drôle et singulier.
Lire la critique sur le site : Elle
LeFigaro
26 août 2021
Une conversation imaginaire entre une femme d’aujourd’hui et Cervantès. Nécessaire.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi vous croyez-vous tenu d’outrer jusqu’à la caricature la disparité physique entre don Quichotte et Sancho Panza ? N’est-ce pas une façon de reproduire cette logique dénigrante qui veut que le statut social s’inscrive comme un fer sur les corps et les gestes ?
Je m’explique.
Parce qu’il est hidalgo (hijo de algo : c’est-à-dire « fils de quelqu’un »), vous dotez le Quichotte d’un visage émacié et spirituel (comme le vôtre), d’un dos aussi droit que son âme (le physique de l’emploi), et bien que fagoté à la diable, couvert de poussière et d’une maigreur extrême (celle d’un saint peint par Le Greco), d’une allure des plus majestueuses. Un excentrique peut-être, mais d’une solennelle dignité et d’une noble prestance sur sa monture.
Parce que issu du bas peuple (c’est-à-dire fils de personne, fils de rien), vous nous décrivez un Sancho forcément pataud et l’air mollasse, forcément pansu d’où son nom qui sonne comme un sobriquet péjoratif, forcément petit, trapu et les jambes grêles, forcément glouton et mangeur d’ail, forcément débiteur de proverbes lourdingues, et forcément avachi sur son baudet tel un sac de patates. Voyez-vous, cette disparité dans leur allure et leur maintien qui me paraît tout à fait liée à la projection sur eux de vos catégories sociales me contrarie, Monsieur, encore plus que tout le reste.
Et ce, bien que ce contraste entre les deux – l’élégant et le beauf, le maigre et le rondouillard, l’aristo aux grands airs et le plouc plébéien, contraste simpliste, sans nuances, et pour tout dire passablement caricatural – ait inspiré avec bonheur nombre de peintres et de dessinateurs.
Mais je me dois, Monsieur, de faire amende honorable et vous rendre justice.
Car vous opérez peu à peu un basculement réjouissant. Au fil des pages, votre regard sur eux s’émancipe de toute logique discriminante, de toute hiérarchie sociale, et les arrache à leur statut jusqu’à, parfois, inverser leur rôle.
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Je dis, Monsieur, que le Quichotte perçoit parfaitement la réalité, mais qu'il la perçoit depuis ce que victor Hugo appelle le promontoire du songe. Et depuis ce promontoire qui le porte aux confins du visible, la réalité qu'il découvre acquiert soudain une autre dimension. Elle se transme, s'élargit, se déploie, s'exorbite et prend parfois des aspects fantastiques.
(pages 11-12)
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Aussi, en même temps que je simule ma colère (comment pourrais-je avoir l’impertinence et le mauvais goût de vous chapitrer, vous qui, en abolissant d’un coup la vieille littérature par amour de la littérature, avez en quelque sorte inventé le roman je vous baise les pieds pour avoir conçu cette figure espagnolissime, animée d’un culte de l’honneur espagnolissime, cette figure qui, si l’on croit l’esprit des peuples, personnifie à elle seule toute l’Espagne (jetez-moi au feu ces castagnettes ou laissez-les aux touristes nippons), cette figure fantasque, solitaire, ingénue, ingénieuse, cette figure poignante, pathétique parfois, mais jamais amère et souvent drôle à son insu, cette figure au grand cœur, irréductible à tout modèle, cette créature d’innocence qui nous redonne un peu de notre esprit d’enfance, cette créature de poésie dont les élans vers l’impossible restent toujours les nôtres ; cet étranger au monde qui en le découvrant se découvre lui-même, cet intrépide qui, pas sa liberté, nous donne la mesure de celle qui nous manque.
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Don Quichotte va errant, dans cet esprit bohème que les artistes du XIXème affectionnaient, ne s’installant nulle part, vivant de peu, mais libre, libre, libre et découvrant chaque jour les beautés de ce monde, ses hideurs, ses prodiges, ses nuits immenses et noires, et leurs apparitions.
Aurait-il pressenti que rien n’est plus triste qu’une vie sans dehors, sans ailleurs, sans mystère, sans rien qui la déborde et qui l’égare ? Et que la seule échappatoire, la seule salvation consiste dans la fuite ? (…)
Après avoir rompu radicalement avec son existence de confiné, le Quichotte vague donc, sans destination précise, sans terme arrêté, sans autres attaches que fictives, sans autre guide que le vent.
Ou mieux, il extravague.

Il va vers il ne sait quoi mais toujours vers l’avant, vers il ne sait quoi qui est plus important que tout mais qu’il ne sait quoi ni ne peut nommer.
Il « cervantise », dirait Juan Goytisolo
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Mais votre mérite le plus grand à mes yeux tient au fait que, en en détournant pas votre regard du terrible, en n’atténuant jamais les noires aspérités du réel, en rendant compte sans sourciller de la part nocturne des hommes, vous avez permis à la littérature de faire un bond considérable, dont nous ne sommes pas encore tout à fait remis.

Je ne peux m’empêcher de vous rapporter cette phrase d’un de mes écrivains préférés et qui vous doit beaucoup comme il l’a souvent déclaré : William Faulkner (…)
« Ecrire c’est comme craquer une allumette au cœur de la nuit en pleine forêt. Ce que vous comprenez alors, c’est combien il y a d’obscurité partout. La littérature ne sert pas à mieux voir.
Elle sert seulement à mesurer l’épaisseur de l’ombre.
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Vidéo de Lydie Salvayre
Rencontre avec Lydie Salvayre à l'occasion de la parution de Depuis toujours nous aimons les dimanches aux éditions du Seuil.


Lydie Salvayre, née en 1946 d'un père Andalou et d'une mère catalane, réfugiés en France en février1939, passe son enfance à Auterive, près de Toulouse. Elle devient pédopsychiatre, et est Médecin Directeur du CMPP de Bagnolet pendant 15 ans. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014).
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09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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