AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791041415588
168 pages
Points (19/01/2024)
3.31/5   84 notes
Résumé :
Comment se faire un nom ?
Comment émerger de la masse ?
Comment s’arracher à son insignifiance ?
Comment s’acheter une notoriété ?
Comment intriguer, abuser, écraser, challenger ?
Comment mentir sans le paraître ? Comment obtenir la faveur des puissants et leur passer discrètement de la pommade ? Comment évincer les rivaux, embobiner les foules, enfumer les naïfs, amadouer les rogues, écraser les méchants et rabattre leur morgue ? ... >Voir plus
Que lire après Irréfutable essai de successologieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,31

sur 84 notes
Paraître ou ne pas être ?
Parcoursup propose des milliers d'orientations mais pas un seul cursus ne répond à l'ambition des nouvelles générations : avoir du succès. On peut trouver des cursus pour à peu près tout, de toiletteur pour poisson rouge à épilateur de poils dans la main (DRH), mais pas un diplôme ne délivre les clés du succès. Appelez le serrurier ou Passe-partout.
Lydie Salvayre, dans sa grande mansuétude et sa plus élégante férocité, répare cet oubli et propose un manuel d'arrivisme qui est pour un Narcisse ambitieux, ce que les 4 accords Toltèques sont aux mamans pandas qui tricotent en position du lotus.
Avec le sourire en coin et la plume acérée, la romancière résume l'époque en expliquant aux naïfs que le bonheur ne passe plus par le travail ou la vie de famille mais par le succès. Ce dernier correspond de moins en moins souvent à la reconnaissance d'un talent ou d'un dur labeur. C'est bien trop fatiguant, trop lent, pour un résultat incertain. Et le problème de la postérité, c'est qu'on passe souvent à côté de son vivant. Un selfie devant sa tombe ne flatte pas trop son compte Instagram. Non, le succès est passé du stade de la reconnaissance à celui d'objectif impatient.
Lydie Salvayre dresse les portraits de fameux spécimens, de la bookstagrammeuse siliconée et Dubaïsée, à l'homme influent qui n'est riche que de son fric jusqu'à diverses variétés d'écrivains adeptes de mondanités qui partagent tous la même appétence pour la mise en scène de soi.
Avec la finesse d'un auteur de bibles de développement personnel et de psychologie positive, la romancière enrichit ses profils de concepts et de conseils magistraux sur l'art de paraître, la meilleure façon d'écraser son prochain, de privilégier les amitiés utiles ou fuir l'effort et toute contrariété.
La romancière n'en est pas à sa première oeuvre misanthrope puisqu'elle avait déjà prodigué « Quelques conseils utiles aux élèves huissiers » dans un précédent ouvrage ou un « Petit traité d'éducation lubrique » qu'on peut trouver dans un angle mort de librairie. Si, si, celui qui brûle les yeux et qu'on feint toujours d'ignorer.
Côté succès, Lydie Salvayre, pour laquelle je ne sais jamais où il faut placer les y, a eu la notoriété laborieuse jusqu'à son Goncourt De circonstance, comme l'a titré de façon peu aimable un journal au moment de son attribution. Cela fait quand même plus de quarante ans qu'elle écrit avec bonheur pour un public fidèle dont je fais partie même si je dois concéder quelques lectures adultères.
Cet « irréfutable essai de successologie » dont l'ironie du titre devrait suffire à satisfaire tous les mauvais esprits, est une petite merveille revigorante qui se moque des paillettes en toc.
J'aurai aimé qu'elle s'attaque à d'autres totems mais les trompettes de la renommée attirent beaucoup de variétés d'embouchés.
Commenter  J’apprécie          10312
S'il n'était autrefois que « la conséquence et non le but d'une oeuvre ou d'une action », les priorités se sont aujourd'hui inversées : « le succès est la nouvelle religion. » C'est lui désormais « le but et non la conséquence », le Graal moderne accessible au plus commun des mortels, pourvu que, même sans talent aucun - « Tout vient prouver, en effet, que le caractère le plus propice au succès est de n'en avoir aucun (talent) et qu'écrire du rien sur du rien (...) ne dessert nullement votre ascension vers les cimes » -, il sache faire siennes certaines règles. Ces règles, Lydie Salvayre les a cyniquement rassemblées en une satire vitriolée, qui, prenant la forme d'un vrai-faux manuel du savoir-réussir, nous renvoie, grotesques Narcisses, à l'inanité de nos impostures.


Ecrivains de tout poil, éditeurs tendant à « privilégier les déjà privilégiés, et à négliger les déjà négligés », journalistes et animateurs dotés de « la désinvolture et de l'élégance crâne d'un Cyril Hanouna », hommes influents qui usent « de leur esprit comme de leur fortune : ne le dépensant que sciemment et à la seule condition qu'il rapporte », ou encore influenceuses « bookstagrameuses » aux « dimensions inversement proportionnelles à celles de l'esprit » et qui vouent « une dévotion toute particulière à leur gueule, à leurs seins, et par-dessus tout à leur cul, qui, comme le rumsteak chez le boeuf, semble constituer à leurs yeux le morceau de choix » : nul n'échappe aux féroces coups de griffe et de plume, gantés d'esprit et d'une élégance d'écriture volontiers désuète, qu'en exutoire à son exaspération et à sa révolte, l'auteur assène avec jubilation, dans un exercice rhétorique aussi sévère que railleur.


Sans même verser dans l'outrance ni la caricature, ses observations caustiques font mouche et construisent un inventaire, ô combien peu flatteur, des différents profils à l'oeuvre dans le monde des livres et de la littérature. Et même si le rire nous emporte, la consternation n'est jamais très loin sous le sarcasme, lorsque tout cela se résume en brochettes d'égos boursouflés, rassemblés en coteries motivées par l'arrivisme bien plus que par la promotion d'oeuvres de qualité, et en un marketing de l'inculture et de la médiocrité, où la notoriété se bâtit sur le brillant de l'apparence et grâce à la supercherie de ces « nouveaux territoires virtuels » où l'on peut « affirmer, sans preuves vérifiables, que vos produits s'arrachent ; les gratifier de vertus qu'ils ne possèdent en rien ; vendre pour authentiques de faux objets de marque ; cameloter la poudre dite de perlimpinpin ; gonfler outrageusement le chiffre de vos likes ; et faire accroire, pour résumer, n'importe quel bobard. »


Alors, comment atteindre au succès quand on est écrivain ? Les recommandations de Lydie Salvayre dans cette parodie de manuel pour les apprentis de la réussite les inciteront peut-être à réviser leurs priorités s'ils n'ont « pas de goût pour le tapin, ni pour les laisses autour du cou » et si, comme Marcel Proust, ils préfèrent penser que « les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l'obscurité et du silence. » Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8722
Après avoir tourné la dernière page de ce livre, je l'ai jeté au loin et j'ai repris le maquis.
En cela, j'ai suivi les conseils de son autrice, Lydie Salvayre.
Cet "irréfutable essai de successologie" est paru en janvier 2023 aux éditions du "Seuil".
Mais qu'est-ce donc que la "successologie" ?
On connaîssait la "potachologie" inventée dans les années 60 par les deux scientifiques - ô combien vulgarisateurs ! - qu'étaient Cabu et Goscinny.
Mais in fine que peut-il bien se cacher derrière le terme de "successologie" ?
C'est une science nouvelle, sur laquelle Jean-Paul va s'appuyer pour tendre du jarret, pour pousser du coude, pour relever la tête, bref, pour devenir quelqu'un.
L'expérience semble avoir démontré, qu'après avoir été imprégné suffisamment de "successologie", Jean-Paul, dont personne n'avait jamais entendu parler auparavant, est devenu l'homme providentiel, celui que la bonne fortune et le talent ont daigné montrer du doigt.
Que Dieu me savonne et que Jacques Higelin me pardonne !
Mais si vous voulez être prêts pour 2023, il va falloir être en place.
Finis les à-peu-près !
On a été trop cool, trop libéral, trop laxique ...
Hold tight ! Hold tight ! Hold tight !
Lidye Salvayre est une exploratrice de la socio, une aventurière des grandes et mornes plaines du comportement de ses contemporains.
Comment se faire un nom, et le faire briller aux mille feux de la réussite ?
Comment émerger de la masse, et s'arracher de son insignifiance ?
Tout un programme !
Ce serait le plus vieux rêve du monde.
Mais de quel monde ?
Celui que décrit Lidye Salvayre existe-t-il ailleurs que derrière l'écran de la télévision ?
C'est celui que l'on y entrevoit les soirs de désespoir où, faute de n'avoir plus rien à lire, on va jusqu'à se faire les dernières étiquettes du frigidaire, le manuel de montage du dernier meuble entré dans la maison.
Les portraits brossés, dans cet "irréfutable essai de successologie", le sont à grands coups de palette.
La caricature est dressée en effigie.
Il y a tir groupé sur quelques ambulances attardées d'un monde vain qui ne sait même pas qu'il n'existe plus.
Et, ce livre que j'avais attrapé pour rire, ou tout au moins pour sourire, a des accents d'aigreur qui évoquent des règlements de compte et des mises à mort trop faciles.
Est-il vraiment charitable de se moquer à ce point de l'inculture lorsqu'elle est érigée en spectacle ?
L'influenceuse, les types d'écrivains, les critiques littéraire, et cetera et cætera ...
Et puis, quel drôle de rapport que celui que Mme Salvayre entend entretenir ici avec ses lecteurs qui sont alternativement, et peut-être dans le désordre, hélés comme ses agneaux, ses candides, ses bichons, ses taurillons et même par quelques autres affectueux petits noms d'oiseaux.
Mme Salvayre, la lectrice sexagénaire de Cauvigny-sur-Orge ne vous remercie pas !
Le karcher est-il soluble dans la citation ?
N'est-il pas un peu naïf de ne découvrir le "réseautage" qu'en 50ème page ?
Autant de questions que me pose et de réflexions que m'impose cet "irréfutable essai de successologie" qui, pour n'être peut-être pas aussi irréfutable que ça, n'en est pas moins un moment de lecture aussi agaçant que son époque, aussi bien écrit qu'inévitable dans cette même époque.
Le code-barre a ses raisons que la raison ignore !
Au final, ce livre dégage une vision de la littérature qui n'est pas la mienne et d'un monde qui m'est étranger.
Je l'ai lu entre sourire et grimace, étonnement et incrédulité.
Ce qui n'est déjà pas si mal, convenons-en mes lapereaux.
Du reste, when I come home late at night
I get my favorite dish, fish !
C'est vous dire ...

Commenter  J’apprécie          522
Lydie Salvayre serait-elle passé à l'ennemi, à savoir les nombreux et apparemment prolifiques auteurs qui grenouillent dans le rayon développement personnel ?

Le doute est permis... Elle va en effet s'employer à convaincre ses lecteurs de laisser tomber leurs vieux préjugés. L'époque est à l'arrivisme le plus décomplexé, il faut donc apprendre à surfer sur cette vague si l'on souhaite devenir une célébrité.

Dans ce pamphlet, qui évite tout "name dropping", Lydie Salvayre règle leur compte aux influenceurs de tout poil qui règnent sur les réseaux sociaux, et aussi à quelques grands patrons qui restent influents dans les media traditionnels.

Ce court essai ne m'a pas pourtant pas paru tenir entièrement la distance. C'est sûrement par ce que j'ignore presque tout du monde des agités du clic qui se mettent en scène dans des vidéos virales.

Lire (y compris des choses légères) me paraît beaucoup plus essentiel que passer des heures à grappiller des infos croustillantes sur le net.

Je dois toutefois convenir que les goûts des plus jeunes changent. Je consulte régulièrement le site editstat pour voir ce qui se vend le plus en librairie et je me rends compte que j'ignore tout de beaucoup des titres qui sont cités dans cette liste. Je suppose que ces ventes en masse venues de nulle part sont en effet initiées par du "buzz" sur les réseaux sociaux...
Commenter  J’apprécie          403
Les moeurs de ce siècle

Tout à la fois pamphlet et pastiche, cet essai de Lydie Salvayre nous propose toutes les recettes pour avoir du succès. Né d'une saine colère, ce petit bijou d'ironie vacharde est admirablement bien ciselé.

Il serait bien dommage de suivre l'ultime conseil de Lydie Salvayre, «jetez au loin ce livre», tant sa lecture est réjouissante. Avec son humour vachard, sa grande érudition et son sens de la formule, son essai vaut vraiment le détour.
S'il ne faut pas hésiter à se plonger dans cet « Irréfutable essai de successologie », c'est d'abord parce que nous avons affaire à un ouvrage littéraire, à un style inimitable, à des phrases ciselées.
Ensuite, parce que ce panorama de notre société, qui fait la part belle au superficiel et à la course à la notoriété, est une mise en garde qu'il ne faut pas négliger. Car qui peut affirmer qu'il n'a jamais vu son visage se refléter dans ce miroir aux alouettes? N'a jamais cédé à la facilité en s'abrutissant devant une émission de télé racoleuse ou en se noyant dans les réseaux sociaux avec une belle collection d'émojis à la clé.
En forçant le trait et en nous encourageant à pousser le bouchon encore plus loin, Lydie Salvayre nous suggère qu'il y a sûrement mieux à faire, même si les miettes butinées sur les réseaux sont «bien plus faciles à digérer qu'un pavé de 600 pages».
Construit comme un vrai-faux manuel de développement personnel, le livre nous propose ses recettes en intertitres et en caractères gras, nous offre la conduite à tenir, le tout complété de quelques remarques très loin d'être anodines.
Bien entendu, ce guide est accompagné de portraits bien sentis de ces champions toutes catégories du succès, à commencer par l'influenceuse qui fait son miel des réseaux sociaux. Suivront le capitaine d'industrie en homme influent, toute une série d'écrivains – un milieu que Lydie Salvayre connaît fort bien, des débutants aux tueurs – les critiques et bien entendu, l'homme politique qui n'est pas avare lui non plus de flagornerie et de compromissions.
On pense bien entendu aux moralistes qui depuis Horace en passant par Rabelais et La Bruyère ont su railler avec talent les moeurs de leurs confrères et de la Cour qui se pressait autour des monarques. On y ajoutera Jonathan Swift qui a soufflé à Lydie son titre en proposant en 1699 un Irréfutable essai sur les facultés de l'âme.
Du coup, comme l'a si bien écrit Frédéric Beigbeder dans Le Figaro, «le retour de Lydie Salvayre à la satire est une bonne nouvelle: si elle a envie de stigmatiser le milieu littéraire, cela prouve qu'il existe encore. (…) Son Irréfutable essai de successologie est absolument réjouissant de bout en bout. On en prend tous plein la gueule.» Dans la bibliographie de l'écrivaine, il vient se placer dans la lignée de Quelques conseils utiles aux élèves huissiers (1997) et Portrait de l'écrivain en animal domestique (2007), mais aussi pour la vivacité du style à Rêver debout (2021).
Alors non, il ne faut vraiment pas jeter au loin ce livre à la langue si férocement chatoyante, aux citations habilement semées, à la mauvaise foi si brillamment mise en scène. Il faut le lire et le relire. Car alors nous ferons partie d'une caste bien particulière, celle des «lecteurs véritables», infime partie de la population «qui n'a pas le cerveau saturé d'informations incessantes et sans lien les unes avec les autres» mais garde «un contact intime, direct, charnel, avec les oeuvres littéraires».


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          371


critiques presse (9)
Telerama
19 avril 2024
Cet essai-pamphlet-traité est à mettre au programme de toutes les écoles et de tous les menus mondains afin de préserver tout un chacun des faux-semblants et des mauvaises habitudes à ne pas prendre. À la condition, bien sûr, de saisir le second degré.
Lire la critique sur le site : Telerama
Telerama
22 février 2024
Dans cet Irréfutable essai de successologie, Lydie Salvayre épingle et dynamite avec une joie souveraine les petites et grandes manœuvres déployées pour atteindre la célébrité, la notoriété, bref, cette maladie virale qui n’épargne aucun des cercles plus ou moins pensants.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
23 janvier 2023
Le propos en est simple, qui part d’un constat d’évidence : le succès est aujourd’hui le seul critère, semble-t-il, pour juger de la qualité d’une vie ou d’une œuvre. Il se mesurerait exclusivement par le nombre de likes d’un post ou les chiffres de vente d’un livre, qui empêcheraient toute autre manière de concevoir l’idée de réussite…
Lire la critique sur le site : LeMonde
SudOuestPresse
19 janvier 2023
Dans un essai truculent, Lydie Salvayre décoche des flèches acides sur les imposteurs de tout milieu en mal de célébrité. Jouissif de la première à la dernière ligne
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
OuestFrance
16 janvier 2023
Précisons que cet essai parodique, avec ses rubriques, ses citations, ses conseils, son style, serait à mourir de rire s’il n’était pas si vrai !
Lire la critique sur le site : OuestFrance
NonFiction
09 janvier 2023
Lydie Salvayre nous invite avec cet essai à éviter les écrivains et écrivaines à succès...
Lire la critique sur le site : NonFiction
LaLibreBelgique
06 janvier 2023
Avec une ironie décapante, Lydie Salvayre, détaille les intrigues utiles à la conquête du succès.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
06 janvier 2023
La romancière, lauréate d'un prix Goncourt, postule dans son nouveau livre que sans succès un écrivain n'existe pas.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesInrocks
03 janvier 2023
Dans Irréfutable essai de successologie, sous couvert de livrer ses conseils pour réussir au pays des écrivain·es, l'autrice signe un pamphlet drôle, acide et politique.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
Il est devenu, aujourd’hui,
tout à fait superflu de lire,
je puis vous l’affirmer sans la moindre nostalgie.
Nos cerveaux saturés d'informations incessantes et sans lien les unes avec les autres, ne disposent, en effet, que d'une part réduite d'attention aux œuvres littéraires. Et le nombre de lecteurs véritables, je veux dire de lecteurs ayant un contact intime, direct, charnel, avec elles, ne représente plus qu'une infime partie de la population.
Tous les autres dont vous êtes, j'ose l’espérer, se satisfont fort raisonnablement des miettes qu'ils butinent sur les réseaux, bien plus faciles à digérer qu'un pavé de 600 pages.
Ce qui ne les empêche pas d'exhiber, comme on le fait d’un trophée, l'ouvrage qu'ils ont commandé sur Amazon sans avoir pris la peine de l'ouvrir.
Cela, mes amis, représente un progrès vertigineux dans l’histoire des hommes. p. 140
Commenter  J’apprécie          111
Le succès va principalement aux livres qu’on ne lit pas mais dont les réseaux sociaux se font abondamment l’écho. (…)
Gardez à l’esprit que seul, encore, un dernier carré de fanatiques et de vicieux s’emmerde à déchiffrer des ouvrages d’esprit, à les méditer, à les approfondir, à les comprendre amoureusement ou à les incomprendre. Leur extinction est proche.
Commenter  J’apprécie          272
"Fatiguée de ce monde je demande à mourir, lassée de voir qu'un homme intègre doit mendier quand à côté de lui des nullités notoires se vautrent dans le luxe et l'amour du public, qu'on s'amuse à cracher sur la sincérité, que les places d'honneur sont pour les plus indignes, qu'on offre des corps vierges à des désirs brutaux, qu'on couvre d'infamies le juste diffamé, qu'un fort devienne infirme au pouvoir du difforme, que l'art est bâillonné sous un règne arbitraire, que des singes en docteurs décident du génie, qu'un être simple et vrai est traité de stupide, que le bien asservi est esclave du mal...
Fatiguée de tout ça, je veux quitter ce monde sauf que si je me tue, mon amour sera seul." William Shakespeare
Sonnet LXVI
Commenter  J’apprécie          112
Définition du succès
Le succès est le remède universel longuement recherché pour guérir du malheur.
Si je place cette définition en tête du présent chapitre, c’est que trois raisons m’ont conduite à cette formulation que j’estime très vraie et très incontestable.

1. La première, tirée d’un grand nombre d’observations, me permet d’avancer que :
le succès embellit,
le succès anoblit,
le succès bonifie,
le succès enhardit,
le succès purifie,
et vous lave des bassesses, mesquineries et saloperies commises par le passé, car :
Le succès possède d’excellentes facultés détergentes.
Le succès vous confère l’estime, la considération et le respect, et fait de vous l’ornement de votre famille, son joyau, son trésor, son magot.
Le succès, de surcroît, vous confère indéniablement du sex-appeal, ce qui m’amène à affirmer que :
Le succès est aphrodisiaque.
Le succès, en accordant de la valeur et du brillant à tous vos gestes et paroles, en vous apportant la consistance dont vous étiez privé, en vous faisant apparaître sous un jour plus avantageux, vous dote, par là même, d’une haute idée de vous-même, satisfait exquisément votre ego, congédie du même coup vos soucis parasites, et décuple ainsi les facultés de votre esprit.
Le succès a aussi ce pouvoir, injustement ignoré, de vous rendre bon, serviable et même charitable. Parfaitement !
Le succès, en enrageant la concurrence, vous vaut un certain nombre d’ennemis dont l’existence, c’est attesté par nos plus brillants neurologues, constitue un excitant remarquable pour vos facultés mentales, qu’il fouette et revigore tout à votre avantage.
Enfin et surtout, le succès immunise contre la mort.

En résumé, le succès, par un phénomène que je n’hésiterai pas à qualifier de transsubstantiation, fait passer pour intelligent l’individu le plus con, pour séduisant le plus moche, pour aimable le plus odieux, pour honnête le plus malhonnête et pour immortel le plus piètrement mortel.
Autant de prodiges qui me permettent d’inférer que ce ne sont plus désormais ni l’art, ni la politique, ni les anciennes croyances qui déterminent notre présent.
C’est, sans contredit, le succès.
Le succès est la nouvelle religion.

2. La deuxième raison, et non la moindre, est que le succès, infailliblement, enrichit.
D’où il s’ensuit que, dans cette nouvelle religion, c’est aux riches, mes anges, que le ciel est promis.

Nous savions depuis longtemps que l’argent gouvernait le monde, et que :
Seuls les imbéciles créent pour une autre raison que l’argent,
ainsi que l’affirma le très pertinent Samuel Johnson dans son Art de l’insulte et autres effronteries.
Mais il est tout à fait nouveau que, loin de s’opposer à son règne ou de coupablement s’y résoudre, le genre humain, avec une unanimité et une ferveur sans égales, s’y plie désormais avec délice, exaltant ses bienfaits et claironnant ses vertus.
Le monde a beau changer, les désirs des humains demeurent invariables et limités à cinq, écrivait Euryloque. Pour ma part, je place au premier rang ce désir religieux d’être riche et célèbre.

Il suffit, du reste, de visionner quelques clips de rappeurs américains mondialement connus, pour constater que l’époque n’est plus aux pudeurs virginales devant la suprématie de l’argent et les money makers.
Si tu m’parles fric, j’suis toujours en déclic, chante Pussy Dundee.
Et son refrain fameux J’veux prendre d’l’oseille jusqu’à l’infini, ouais ouais, est devenu le cri de ralliement de la plupart d’entre eux.
Quant à l’expression de leur douleur mâtinée de révolte, elle se marie admirablement yeah yeah avec les bagouses en diamant qu’ils exhibent à chaque doigt, et les grosses chaînes en or qui ornent leur poitrine.

Je ne donnerai qu’un exemple : la fortune d’Ultra Love évaluée à ce jour à 1 milliard de dollars. Tu mesures frérot ! de la beuh à la pelle ! une Rolex pour chaqu’ jour ! une Ferrari qui fonce ! et une pute à gros luc qui t’suce sur ordre ! le paradis sur terre !
Commenter  J’apprécie          10
Notre homme influent a en effet compris qu’il fallait, pour triompher, dominer et asseoir son pouvoir, allier la ruse du renard à la férocité du fauve. Intriguer et faire peur. Capable donc de brutales transactions menées le plus souvent grâce à d’indécelables entourloupes et un opportunisme des plus ondoyants, il se félicite intérieurement à chacune de ses victoires et ne peut concevoir que tous ne soient, devant lui, confits d’admiration.
Il se pense considérable. Son entourage, un quarteron de faibles qu’il a expressément choisis en raison de leur faiblesse, ne fait que l’en convaincre. Tous lui cèdent et tous le remercient de n’être pas infâme. Il peut néanmoins se montrer odieux, son passe-temps favori consistant à rappeler à ceux qui sont ses obligés qu’ils sont ses obligés ; à leur faire briller de grandes espérances, puis de but en blanc, comme ça, sans crier gare, à violemment les annuler ; à flatter leur ego pour mieux ensuite le flétrir ; à vanter le talent des uns pour amoindrir celui des autres ; à attiser leur inquiétude par quelques phrases énigmatiques ; ou à les rabrouer sans le moindre motif. (…)
Un autre enfin de ses plaisirs est de défendre mordicus un avis le lundi, et le mardi un avis tout contraire, sans autre motif que de déstabiliser ceux qui ont adhéré à sa première opinion. Façon de prouver que c’est lui, et lui seul, qui dicte le sens (dicter du latin dictare dont est issu dictatura). Lui seul qui décide des choses. Lui seul qui est craint et obéi. Et lui seul, donc, qui détient le pouvoir.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Lydie Salvayre (74) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lydie Salvayre
Rencontre avec Lydie Salvayre à l'occasion de la parution de Depuis toujours nous aimons les dimanches aux éditions du Seuil.


Lydie Salvayre, née en 1946 d'un père Andalou et d'une mère catalane, réfugiés en France en février1939, passe son enfance à Auterive, près de Toulouse. Elle devient pédopsychiatre, et est Médecin Directeur du CMPP de Bagnolet pendant 15 ans. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014).
--
09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
+ Lire la suite
autres livres classés : succèsVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (255) Voir plus



Quiz Voir plus

Lydie Salvayre

Née en ...

1939
1948
1957
1966

12 questions
26 lecteurs ont répondu
Thème : Lydie SalvayreCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..