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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Seul le mensonge est vrai, premier roman de Malik Sam, m'a emporté sur les pas de Nour, au contact de l'horreur et de la violence dont sont victimes les migrants et plus particulièrement les femmes.
Avec justesse et sans fioritures, l'auteur détaille le rôle des passeurs, ces hommes qui, au mépris de toute humanité, pour gagner toujours plus d'argent et assouvir leurs plus bas instincts, menacent, violent, torturent, séquestrent et tuent sans le moindre état d'âme.
C'est justement dans le camp de Choucha, au sud-est de la Tunisie, que se retrouve Nour, sauvée de justesse par un hélicoptère de l'armée nigérienne, en plein désert du Ténéré. Nour Rassool vient de Ouidah, au Bénin. Son histoire, pleine de drames, se révèlera tout au long du livre.
La vie dans le camp est difficilement imaginable mais, grâce à Nour et à son amie Loubna, je me rends un peu plus compte des souffrances imposées à ces enfants, à ces femmes et à ces hommes qui n'ont qu'un projet, traverser la Méditerranée pour venir vivre en Europe.
Seulement, avant de se heurter à nos lois de plus en plus sévères pour plaire à l'extrême-droite, tous ces gens doivent affronter un terrible parcours plein d'embûches et de pièges tendus par les passeurs. Ces migrants sont partis de chez eux en emportant tout l'argent mis de côté. Quand c'est le moment, ils sont prêts à faire confiance à n'importe qui.
Ces passeurs regroupés en mafias, surarmés, drogués au maximum, sont même acoquinés avec l'armée libyenne pour qu'elle arrête ceux qui ont réussi à embarquer sur des canots pneumatiques. Les guerres civiles, les révolutions avortées ou non, sur le continent africain, favorisent ce monumental gâchis.
À cela, s'ajoute le drame vécu par ces enfants nés dans un corps de garçon et se vivant comme fille. Répudiés, chassés, assassinés dans les pires souffrances, ils n'ont qu'une seule solution : fuir.
C'est là que Seul le mensonge est vrai si Nour ne veut pas sombrer dans cet abominable trafic de réfugiés. Pour pouvoir embarquer, il faut des papiers et d'abord être soigné par le docteur Andréa de Médecins Sans Frontières (MSF) oeuvrant au sein du HCR (Agence des Nations Unies pour les Réfugiés).
Que de souffrances ! Quelle honte ! L'île de Lampedusa, à trois cents kilomètres de la côte, représente un mirage, un espoir fou. Combien de migrants ont fini leur vie dans ce qui est devenu un véritable cimetière marin ! Quand une famille dont le père est chirurgien, part en toute confiance, Nour ne peut pas oublier le dernier regard de l'enfant s'en allant plein d'espoir…
Nour n'a que seize ans au début du livre. Elle pense sans cesse à Rhonda, sa soeur, et à Nanney, sa grand-mère, préférant oublier un père couard et une mère très violente. En pensant à celles qui l'aimaient, elle trouve la force de continuer tout en subissant les pires sévices, ne faisant pas toujours les meilleurs choix, préférant s'intégrer au système pour survivre.
Les face à face sont terribles. L'ambiance est souvent insoutenable mais, Malik Sam conduit parfaitement son récit en me happant jusqu'à la dernière ligne. Heureusement, le jardin de l'oasis de Tamaghza m'offre une respiration salutaire après des scènes d'une brutalité, d'une bestialité, d'une violence abjectes.
Cela nous oblige à poser les vraies questions au sujet des migrants, de leur exploitation scandaleuse par les passeurs, puis de leur accueil en Europe. Malik Sam, avec Seul le mensonge est vrai, nous permet d'ouvrir les yeux sur de nombreux problèmes qui n'ont pas fini d'agiter notre monde. Ainsi, il vaut mieux savoir avant d'énoncer des vérités toutes faites car Seul le mensonge est vrai, phrase attribuée à Khayan, poète, mathématicien, philosophe et astronome persan (1048-1131).
Je remercie Babelio et les éditions Eyrolles, collection Aparté, pour cette lecture qui va me marquer longtemps.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Nour est une survivante,
elle a survécu à son pays où l'homosexualité est une condamnation à mort,
au désert où sa jumelle est morte de faim et de soif,
aux passeurs, aux tirs des soldats en mer, à la noyade.
Nour est une guerrière,
elle attire la haine et la compassion, elle veut vivre, être ce qu'elle est,
elle est prête à tout pour y arriver.
Nour, dix-sept ans, est porteuse d'un lourd karma, c'est une femme piégée dans un corps d'homme.
Elle doit se cacher car c'est une double peine : les femmes sont violées, vendues et les homosexuels torturés, mutilés, assassinés c'est un monde sans pitié et Nour devra en faire parti.
Un long chemin l'attend entre barbarie avec des hommes fanatiques, drogués, assoiffés de sang et de pouvoir, corrompus jusqu'à la moëlle et parfois lueur d'humanité, quelques personnes l'aideront : Loubna, Rhonda, Zina, Hanane, Samsara…
Petit à petit, au gré des aléas de son périple Nour comprendra que parfois il faut faire confiance.
Bien entendu c'est aussi un témoignage sur les migrants, les camps qui perdurent depuis des années. Une actualité indigne de notre vingt-et-unième siècle. Tant d'argent est gaspillé pour les guerres, pour aller sur la lune alors que des êtres vivants n'ont nulle part où aller. Un livre qui m'a profondément affectée.
Quant à l'auteur, Malik Sam, c'est un grand conteur. Son récit est glaçant, dérangeant mais peut être très beau et porteur d'espoir. Nour dégagera sa force de ses déboires.
« Plus rien à perdre. Elle s'en fout de finir ici, au bord de ce puits desséché. Oui. Il est temps d'en finir. Mais elle aurait honte de partir ainsi. Trop honte de trahir ses chères disparues. Une vie pour une vie. Les ancêtres sont là autour d'elle. Ils l'accompagnent et lui donne la force. La meilleure manière de les honorer est de fixer l'ennemi droit dans les yeux. »
Un livre à lire absolument.
Merci aux Éditions Eyrolles collection APARTÉ, à Sam Malik et à Babelio pour cette Masse Critique Privilégiée.
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‘'Vous êtes une femme ? ‘'
La question du bénévole reste en suspens. Derrière, les gens dans la longue file s'impatientent. Alors la réponse tombe : ‘'Une femme''. Elle vient du Bénin, elle s'appelle Nour Rassool, elle voyage seule, elle a seize ans. C'est sa transidendité qui l'a jetée sur les routes, dans le désert, jusqu'à ce camp de réfugiés du sud de la Tunisie. Nour rêve de l'Europe, d'un endroit où elle pourra être elle-même sans risquer les coups et la mort. Mais la terre promise est difficile à atteindre. Dans le camp des femmes, il faut se méfier de tout et de tout le monde. Surtout ne pas se trahir, ne pas laisser deviner que son corps est celui d'un homme. Nour le sait, la haine est partout, la violence aussi. Malgré ses efforts, elle attire les regards. On se méfie d'elle, on dit qu'elle porte le mauvais oeil. On la sent différente, elle dérange. Alors Nour se fait discrète, invisible mais reste prête aux pires extrémités pour obtenir son passage vers Lampedusa. Dans un monde où l'humanité a cédé la place à la violence, la sauvagerie, la tyrannie, Nour tente de protéger son secret, de rester en vie et de gagner sa liberté.

Âmes sensibles, passez votre chemin ! Dans une langue percutante et hyper réaliste, Malik Sam raconte la tragédie des migrants. Ces hommes, ces femmes, ces enfants, jetés sur les routes de l'exil par les révolutions, les coups d'Etat, les guerres, les dictatures, la misère. Ou par la haine, comme Nour qui a fui une mère alcoolique et maltraitante et un pays qui condamne les homosexuels et les transgenres.
C'est une vérité crue qu'il nous jette à la figure. le visage de la violence et de la corruption. La nature immorale des passeurs tout puissants qui profitent de la détresse de ces pauvres hères. Les hommes sont du bétail. Les femmes sont des proies faciles. On menace, on séquestre, on viole, on assassine. On envoie à la mort des dizaines, des centaines de personnes, sur des bateaux de fortune qui prennent l'eau de toutes parts.
Les bénévoles de Médecins sans Frontières et le Haut-Commissariat aux réfugiés sont bien peu de chose faces à des gouvernements, des policiers, des garde-côtes corrompus, des passeurs drogués jusqu'à l'os et armés jusqu'au dents, un système qui ne reconnaît aucune loi, un monde où l'argent est roi.
Un roman dur et cruel, bouleversant de vérité qui raconte la souffrance, la déshumanisation des migrants mais aussi le difficile parcours de ceux dont la différence les condamne à une mort certaine.
Une claque, ou plutôt un coup de poing.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Eyrolles pour cette masse critique privilégiée.
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Nour est une jeune béninoise qui après de multiples violences familiales et policières va tenter de s'exiler vers l'Europe. Nour est une femme née dans un corps d'homme qu'elle abhorre. La liberté pour Nour c'est les robes et les talons, le maquillage et la danse. L'idéal de Nour est de pouvoir vivre sa vérité, de vivre ses aspirations, d'être elle-même.
Lestée de ses morts, dont elle porte en elle le souvenir, sa soeur, sa grand-mère, son grand-père, Nour va à la force de ses bras et de son mental traverser les pays d'Afrique jusqu'aux rivages de méditerranée et traverser simultanément une quantité d'épreuves violentes et abjectes.
Ce roman est le roman de tous les superlatifs engendrés par l'homophobie, la haine, l'horreur et la violence.
Seul le mensonge est vrai est d'un réalisme époustouflant qui nous oblige à nous poser les bonnes questions sur l'arrivée des migrants sur les terres européennes, sur le rôle odieux des passeurs qui s'érigent en cartels tout-puissants. Ce ne sont pas des personnes vierges de passé qui arrivent chez nous. Ce ne sont pas des personnes qui idéalisent nos conditions de vie ou qui viennent manger notre pain comme on entend encore autour de nous. Ces personnes ont déjà connu les souffrances extrêmes, les deuils prématurés, les viols, la faim, la maladie, elles sont animées par l'instinct de survie et non pas par de bas instincts vénaux.
Ce roman exsude la noirceur implacable de l'homme, l'homme qui dépasse la bête en exploits bestiaux. L'homme cupide qui avilit la femme et l'utilise comme un accessoire subalterne pour assouvir ses ambitions immondes.
La personnalité de Nour, sa force, son opiniâtreté et l'image de son corps androgyne flotteront longtemps sur mon épaule droite.
Merci babelio, merci les éditions Eyrollles pour ce roman puissant et efficace, qui malgré un propos tragique et funeste, est un excellent tourneur de pages.
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Un roman qui évoque de façon prenante, attachante, dure souvent, plusieurs thèmes de la souffrance humaine: celle horrible des migrantes et migrants venus d'Afrique subsaharienne, et celle non moins soutenable de celles et ceux qui, dans ces pays où l'homosexualité est un crime, découvrent leur transidentité. Un récit d'apprentissage aussi, qui, au travers de terribles épreuves, montre comment évolue et grandit Noureddine ou Nour, un jeune homme du Bénin qui se sent femme.

Après un prologue dont le lecteur comprendra le sens à la fin du récit, voici Nour qui arrive dans un camp de migrants et dont le dossier est rejeté par le HCR. Ce refus va la pousser à travailler pour les passeurs, ces sinistres et brutaux trafiquants de chair humaine, dont le chef, Amou, voit dans cette femme l'opportunité d'attirer les autres femmes, et potentielles clientes à la traversée de la Méditerranée. Mais une de ces traversées, accompagnée par Nour, est, comme beaucoup d'autres, un piège. Les pilotes des embarcations les abandonnent et les garde-côtes libyens, de mèche avec les passeurs, récupèrent les migrantes et les emprisonnent. Mais Nour trouvera, contre son gré, une main secourable, je n'en dis pas plus.

Ce qui est formidable et qui n'apparaît dans mon petit résumé, c'est la narration enlevée, faite de multiples péripéties, et de multiples protagonistes, certains inhumains jusqu'à l'abjection, d'autres rudes, avec leurs failles, mais remplis d'humanité et de bienveillance.
Et puis, il y a l'écriture, que j'ai trouvée vraiment magnifique, qui traduit, de façon constante, le flux des pensées et les souvenirs de Nour, et aussi d'autres personnages.

Oui, le roman est une force qui nous fait ressentir, souvent plus fort qu'un reportage télévisé ou qu'un écrit factuel, la « condition humaine » misérable des migrants.
Ces femmes et ces hommes dont l'espoir est de trouver en Europe un Eldorado, comme l'écrit si bien Laurent Gaudé, mais qui rencontrent en chemin, le pire de l'humanité. Viols, tortures perpétrés par les passeurs, mensonges et collusion avec les autorités du pays.
Ces femmes et ces hommes qui veulent échapper à la misère, à la brutalité de leur entourage, aux dangers de la guerre ou ceux liés à leur orientation politique ou sexuelle. Mais qui se trouvent confrontés, ce que le roman n'évoque pas, mais que nous savons, au rejet de cette population xénophobe qui est en train de prendre le dessus partout en Europe; population qui devait lire ce livre, mais je sais, c'est bien triste, elle ne le fera pas et préfère ne pas savoir, c'est tellement plus confortable.

Pour finir, je voudrais remercier l'Équipe de Babelio qui m'a retenu pour la lecture de ce livre, et les Éditions Eyrolles pour l'envoi d'un exemplaire de ce beau roman, que je ne suis pas prêt d'oublier.
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3 et 13 novembre, 14 et 28 décembre, 75, 128, 26 et 244 personnes, Tarente, Ortona, Livourne, Bari. Ce sont les dates des derniers sauvetages en mer fait par l'Océan Viking le bateau de SOS Méditerranée, le nombre de personnes secourues et les port qui ont accepté de les faire débarquer. Oui débarquer car parler d'accueillir aujourd'hui est pratiquement devenu un délit tout comme aider.
A l'heure où certains légifèrent dans des salons entre deux petits fours et quelques négociations nauséabondes avant de se rassembler en une assemblée au relent d'affront national et humain, à l'heure où ces gens sont prêts à considérer l'immigration comme un marché aux bestiaux où l'on va choisir qui aura le droit de vivre selon qu'on aura besoin de lui ou pas pour faire des travaux que le blanc ne veut pas faire, à l'heure où la vie n'est plus cotée en bourse, il y a des Nour un peu partout sur la planète qui, quoi qu'en pensent les gens comme il faut, ont et prennent le droit de vivre librement et dignement en venant en France ou n'importe où ailleurs.

Nour, c'est le personnage principal du roman de Malik Sam, « Seul le mensonge est vrai » et quand je dis roman je devrais dire l'excellent roman de Malik Sam.
Nour c'est… c'est avant tout un cumul d'emmerdements. Nour c'est Nouredine, ado frêle venant du Bénin qui fuit une mère alcoolique et violente, qui fuit la misère mais pas que…
Nour ça veut dire lumière et c'est féminin et quand on nait garçon au Bénin (comme dans tant d'endroits dans le monde) et qu'on aime s'habiller des robes de sa mère, disons que la retraite même à 60 ans on a très peu de chance de la connaître un jour…
« Seul le mensonge est vrai », c'est le parcours de cette enfant vers le vivant, c'est un combat contre l'intolérance, contre la corruption. Itinéraire parsemé d'embuches où se mêlent les intérêts des passeurs, des policiers, des gardes cotes Libyens, des migrants tout ça orchestré par le HCR et les politiciens. Un jeu de dupes où la compassion et la solidarité ne résistent jamais longtemps à l'argent, au profit et au pouvoir. Petits arrangements entre « hainemis », alliances de circonstance, trahisons, tous les moyens sont bons pour s'enrichir d'un coté ou bien pour survivre de l'autre.

A l'heure où le bon sentiment dicté par le politiquement correct devient nuisible à la liberté et joue dangereusement avec le feu en renforçant l'extrême droite un peu plus chaque jour, à l'heure où les belles paroles ne restent que paroles, à l'heure où l'indignation ne survit pas au premier spot de pub, au premier jeu télé ou au résultat du foot, à l'heure où chacun se sent impuissant et préfère se voiler la face devant tant d'outrages fait à la vie, il y a des femmes et des hommes qui vont sauver des gens en mer, des gens qui vont aider, accueillir, d'autres comme Malik Sam qui vont par un livre tenter d'ouvrir les yeux de lecteurs, de leur faire prendre conscience de l'horreur que vivent certains d'entre nous, si près de nous.

Malik Sam bouscule par ses mots. Violence, drogue, abus de pouvoir, armes, sexe, trafics, esclavage, l'insécurité permanente et la mort qui rodent à chaque coin de page. Oui ça dérange notre confort ce petit tour dans les bas fonds de l'humain.
Ca ne changera pas le monde ni le vice ni la soif de pouvoir et d'argent des « uns puissants » car l'intolérable, quel que soit le domaine, repousse nos limites d'acceptation et de résignation un peu plus chaque jour mais chaque jour aussi, il y a des gens qui s'éloignent des lois des Hommes pour respecter celles de la Vie et ce livre est un appel à honorer ces dernières.

Merci à Babelio et aux éditions Eyrolles pour l'envoi de ce livre et merci à Malik Sam de l'avoir écrit.
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Il m'est difficile de conseiller un livre aussi éprouvant et pourtant, c'est ce que je vais tenter de faire en quelques lignes, parce qu'un bon roman, c'est un roman qui provoque des émotions, même si ces émotions sont douloureuses.

Lorsque les médias se font échos des bateaux de migrants coulés en plein coeur de la Méditerranée entraînant dans la mort des dizaines de femmes, d'hommes et d'enfants, nous ne voyons que l'horreur sans songer bien souvent à ce qui les a conduits sur ces rafiots surchargés dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Dans son roman « Seul le mensonge est vrai », Malik Sam revient sur le périple des migrants en proie à la cruauté et la cupidité des passeurs pour qui la vie humaine n'a que la valeur qu'il peuvent en tirer.
L'auteur s'attarde sur l'histoire de Nour, seule et perdue dans un camp de migrants. Originaire du Bénin, elle a fui son pays pour préserver son secret et enfin vivre dignement.
Ce roman nous oblige à vivre le pire aux côtés des migrants, à nous poser des questions, à nous remettre en cause.
L'écriture de Malik Sam est d'une grande force pour décrire l'horreur, certaines scènes sont éprouvantes mais nécessaires pour comprendre le calvaire que certains êtres se permettent de faire subir à leurs semblables.

Je remercie très vivement Babelio et les Editions Eyrolles pour cet envoi.


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Babelio Masse critique janvier 2024
Seul le mensonge est vraiMalik Sam****
Au départ c'était l'attente, seule, sans promesse, sans espoir, avec du vent, de la sécheresse et de la poussière ces deux dernières faisant minutieusement leur travail.
Nour, un nom comme un murmure, celle qui le porte a fière allure, droite comme une flèche, souple comme un roseau et sans concessions, comme une condamnation à… vie.
L'histoire est apparemment simple par sa radicalité : Nour quitte son pays, le Bénin, où sa « différence » est condamnée « La question semble simple pourtant. Homme ou femme ? Elle voudrait expliquer que justement rien n'est simple »p.23, encore moins la vérité.
Mais le chemin que parcourt la jeune femme vers ce point lointain où la vie est acceptée et respectée, où elle pourra marcher droite, la tête haute, est long, dur, sinueux chaque tournant un guet-apens, chaque avancée s'arrête au bord du gouffre, chaque larme avalée démultiplie une nouvelle force.
Désastre, horreurs, bassesse, ignominie, vengeance et haine, sauvagerie au-delà de l'inimaginable et de l'insupportable. Et pourtant l'histoire de l'homme les a tous connus et pas une seule fois. Devenue cynique, l'histoire nous rappelle, à sa façon ouvertement brutale que nous en sommes les artisans.
L'histoire ne fait pas d'analyse des faits ou des états d'âme, pas de psychologie, en empruntant la voix du narrateur, elle nous présente les images telles quelles, les actes des hommes dans la lumière de leur vérité cruelle.
J'apprends que l'auteur Malik Sam est musicien et traducteur de formation. Ma lecture me dit que ce roman s'en nourrit énormément, une symphonie féroce et déchirante de cordes et cuivres, un rythme haletant, une tonalité grave où la grosse caisse revient souvent pour annoncer l'inévitable. Les phrases sont courtes, d'une fausse sécheresse, brûlantes d'un feu menaçant de tout calciner et en même temps prometteur d'une force de vie insoupçonnable.
Nour se réfugie, traverse des pays, fait des étapes et des rencontres avec des passeurs et leurs proies sacrifiées, et à chaque rencontre le même personnage souvent sous masques différents : la mort enveloppée dans sa cape noire de peur. La peur de se faire injurier, dévoiler, battre, violer, la peur d'être soi-même. Mais « il faut faire mine »p.47, « jouer le jeu, prétendre » p.48, serrer les dents et les poings, ouvrir grands les yeux et avancer, toujours aux aguets. A qui faire confiance ? La vérité, le mensonge, comment choisir ? Comment savoir ? « C'est le monde tel qu'il est »p.53 et on entend souvent « je ne l'ai pas inventé », c'est vrai, il n'est pas inventé, nous l'avons créé de toutes pièces. Juger ? Comment ? Qui ? Peut-on juger ? C'est quoi le mensonge ? C'est quoi la vérité ? « Il est parfois des mensonges plus vrais que la plus vraie des vérités » p.54.
Les réfugiés se retrouvent par centaines dans des camps, arrêts temporaires, expériences amères. Il faut se protéger, paraître ce qu'ils ne sont pas, mais derrière ce «mensonge» la vérité ressort par petits éclats qui font «étrange» «une fille étrange, courageuse, mais étrange, elle a les larmes aux yeux, souvent pour rien»p.55
Nour est seule avec son secret, elle voudrait oublier mais « l'oubli de soi est un luxe qu'elle ne peut se permettre »p.56 « Elle doit se méfier de tous. Et de toutes. Mais surtout d'elle-même »p.57. Escalade de la peur et de l'endurcissement du corps et de l'âme, chaque jour l'apprentissage de la survie payé au prix d'un corps abîmé, d'une âme mutilée.
« Nour avait été scolarisée sur le tard. Elle avait rapidement compris que les mots étaient une arme… Tout n'était qu'une question de sons, d'accent et d'intonations… En maîtrisant les mots, Nour pouvait faire mine. Se dissimuler. Observer, imiter, s'adapter, elle le fait depuis son plus jeune âge. Garder son identité, c'est en changer tout le temps. »p.58 « Seul le mensonge est vrais, dit Khayam »p.59 « Mentir. Prétendre. Ils se cachent de la peine. Nour le sait, la douleur et la peine finissent toujours par te rattraper. Nulle part où échapper. Ils dansaient tous au bord du vide » p.60
Nous les hommes avons créé un système et l'avons lancé tout puissant, maintenant il se retourne contre nous, c'est la loi du boomerang. Nour ne connaissait que la moitié de cette affirmation, le boomerang elle l'a connu après, au prix fort, toujours.
Nour c'est une dur à cuire, elle veut vivre, de toute sa force, rien ne peut l'enfreindre. Elle avance.
Et si le mensonge n'était qu'une vérité de nous-mêmes que nous ignorons ? Seule le mensonge est vrai, leitmotiv comme un fil rouge brûlant tout au long du roman, comme une blessure qui ne veut pas cicatriser.
Les phrases martèlent, enchaînent les coups, se réjouissent de cogner dur, échappent au narrateur, font leur loi. « Elle crie. Les hommes se jettent sur elle. Nour se roule en boule. Ils la piétinent à coups de talons. Ils s'acharnent sur ses flancs à coups de poings. Sur son dos, ses fesses. Ses cuisses. Ses bras. Elle a tout le corps tabassé. Elle n'y voit plus. Elle veut se redresser. Un coup de pied dans le ventre la soulève du sol. Sa tête cogne contre le plancher. Un choc énorme sur l'arrière du crâne. Des étincelles devant les yeux. Tout s'obscurcit. Elle s'évanouit. »p.108
Nour, elle-même et une autre tout à la fois. Son regard avec le regards des autres, miroirs et rêves échangés, rêves que personne ne peut nous arracher. Nour, la femme-homme est reconnue comme force virile ! Son malheur, paradoxalement, semble l'aider à se relever et à continuer à avancer. Elles aide les autres, les accompagne, leur donne la confiance, faible mais réelle.
Nour vit sur ses gardes, et l'écriture pulse de cette vibration qui vient des tripes, monte jusqu'à la surface et se tient prête à exploser à tout moment. « Personne ne peut l'approcher. Inaccessible et secrète. Toujours dissimulée. Elle avance. Insensible et froide. Sa réputation la précède. »p.127. le cauchemar est au présent, le rêve pour le futur.
Les phrases ne veulent plus de verbe, plus d'action, tout est figée, paralysé par la peur et l'attente, par la froideur d'un regard menaçant sous le poids d'un instant d'où la mort peut sortir en vainqueur. le « pas de problème » du prédateur est pire que la mort, est une défaite agonisante, toujours en guerre contre elle-même.
Nour, ils parlent tous de toi, mais qui te connaît vraiment ? Tu es toujours sur tes pattes, chaque jour additionne un mouvement lent, lourd et dangereux, la vie est un fil ténu et un fil de rasoir.
Les pages se suivent comme une lente marche dans le noir sous les coups durs, avec la peur, une nuit sans fin avec des éclats de feu, ceux de la colère. Les phrases martèlent durement, les mots heurtent, le rythme rapide et sec arrête la respiration, l'horreur est de tous les temps.
Seul le mensonge est vrai, il te garde en vie.
Sur le canevas de cette folie meurtrière l'auteur réussit à créer des espaces d'intimité, secrets, discrets, comme une sorte de protection et encouragement pour les personnages d'un passé maintenant lointain, ou d'un regard bienveillant, une vraie séduction pour le lecteur.
Des fois l'histoire prend la forme d'un documentaire, informations rapides, courtes, essentielles, un panorama complet d'une grande tache que ce siècle porte avec lui. L'homosexualité, l'immigration, l'injustice barbare. Comment croire à l'homme quand c'est l'homme qui a fait tes blessures ?
L'histoire le sait, elle se répète, les hommes le savent aussi, et reproduisent les mêmes erreurs à l'infini, « Ils élèvent des murs et bâtissent des forteresses . Imposent des frontières ».p.362
« Les hommes sont les mêmes partout. Ta liberté les dérangera toujours. »p.363
Nour n'écoute plus, n'a plus peur. Elle avance.
Un très grand merci à la Masse Critique de Babelio et aux Editions Eyrolles pour ce beau cadeau et l'occasion de découvrir une plume de qualité, d'une éblouissante force et d'une finesse inouïe d'analyse.
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Que voulez-vous qu'il fit contre trois gendarmes qui l'ont violé une nuit dans une cellule de Ouidah au Bénin, contre sa mère, Yvette qui l'a frappé jusqu'au sang avec un ceinturon, contre les tabassages, les rires de ceux n'admettaient pas que Nour, née garçon puisse afficher une identité féminine !
A 16 ans, elle a fui le Bénin avec sa jumelle Rhonda pour aller en Europe concrétiser son désir d'être une femme !
En route vers la Lybie, elle est arrivée dans un camp de réfugiés de Choucha ou elle a attendu en vain la validation de sa demande d'asile, mais devant ce refus : elle a décidé "de passer coûte que coûte" et elle est allée faire la rabatteuse de réfugiés pour le compte d'Amou et Anton ! Elle a laissé son amie Loubna la rebelle lutter pour aider les migrants, le docteur Andréa , le CHR et, au péril de sa vie, de la découverte de sa véritable identité sexuelle : elle a MENTI.
Cependant, elle regrette pour le petit Souleymane, pour sa soeur, pour Reza qui l'a aidée et comprise, pour tous les femmes qu'elle a envoyées sur la mer sur des canots dégonflés. Elle s'est droguée pour pouvoir avancer, et elle a mis de l'argent de coté dans sa petite boite en fer, puis elle a été emportée dans un centre de détention dirigé par Bosso, un ex de Boko Haram et ses miliciens qui sont des trafiquants de chair humaine. Ses péripéties ne sont pas terminées car un Soldat la kidnappe et la conduit au Relais ou Hanane, une avocate dirige un dispensaire dans le désert ! Arrivera t'elle à se faire aider pour subir une opération de réassignation en Europe ?
Malik Sam nous présente l'itinéraire d'une survivante, et au fil des 363 pages, il nous fait vivre le triste sort des réfugiés mais aussi celui des passeurs sans foi ni loi qui les exploitent. Un premier roman d'un grand réalisme avec des phrases acérées qui racontent la souffrance, la peur, la déshumanisation des migrants livrés à des hommes sauvages et cruels.
Je remercie Nicolas de Babelio et les éditions Eyrolles pour l'envoi de ce grand livre de la M.C.P.

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Hier encore des migrants se sont noyés : femmes, hommes, enfants. On a les chiffres. La fiction de Malik Sam leur donne un visage, une identité, une histoire et c'est d'une violence extrême.
Le prologue donne le ton : abandonnés dans le désert de Ténéré survivent 2 personnes sur 22 , le chauffeur et un clandestin de 15 ans. Ce jeune trans avait fui le Bénin avec sa soeur jumelle, morte dans ses bras.
On le retrouve dans le camp de Choucha en Tunisie après un passage dans les geôles libyennes, sous sa nouvelle identité Nouk . Elle veut des papiers pour gagner l'Europe et être enfin libre de son corps.
Les conditions de vie sont épouvantables malgré l'action des humanitaires entravée par les fonctionnaires du pays d'accueil. Les migrants sont alors à la merci des passeurs. Ivres de pouvoirs, d'argent, de drogues et de femmes violables à volonté, ils n'ont plus rien d'humains et envoient à la mort les êtres les plus fragiles.
Pour tenter de gagner l' Europe, Nour participe à leurs trafics, en vain. C'est un nouvel enfer qui l'attend.
Naufragée, elle se retrouve mourante dans un centre de détention libyen et ne doit sa survie qu'à l'action désespérée d'une femme qui s'asperge d'essence et provoque l'incendie des lieux.
Finira-t-elle par traverser la mer ?
Ce roman est à désespérer de l'humanité mais il est porté par une langue superbe, coupante, réaliste, nécessaire.
Merci à Babelio et aux éditions Eyrolles pour ce livre que je ne suis pas prête d'oublier!
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