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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nour, 17 ans, vient du Bénin. Née femme dans un corps d'homme, son identité transgenre lui attire haine et outrages dans son pays. Avec sa soeur jumelle, elles décident de fuir, de traverser le continent et la Méditerranée pour gagner l'Europe et le droit pour Nour de vivre sans se cacher.

Leur parcours est une traversée du désert, au propre et au figuré. Sauvée in extremis par des soldats nigériens au milieu du Ténéré, Nour aboutit dans le camp de migrants de Choucha en Tunisie, un camp géré par le HCR, à un jet de pierre de la frontière libyenne.

Convaincue que révéler sa transidentité l'exposerait à nouveau à une cruelle ségrégation, aussi bien de la part des femmes que des hommes, Nour se fait passer pour une femme, avec toutes les difficultés que cela entraîne en l'absence de traitement hormonal digne de ce nom : pilosité, voix rauque, nécessité de porter des vêtements amples pour cacher ce qu'elle a en trop ou en trop peu. Elle est tellement décidée à garder jusqu'en Europe le secret de sa véritable identité et de sa tragédie personnelle que, dans le cadre de sa demande d'asile, elle ne raconte pratiquement rien de son parcours. Et, forcément, sa demande est refusée par le HCR, faute d'éléments justificatifs. Désormais rejetée dans le camp de ceux qui n'ont aucune chance de passer légalement en Europe, elle devient rabatteuse pour des passeurs libyens sans scrupules, qui lui promettent des papiers à condition qu'elle leur ramène suffisamment de candidates à la traversée.

A ce stade de désespoir, il n'est plus question que de survie. Nour comprend vite que la plupart des femmes qu'elle pousse dans des canots pneumatiques en direction de Lampedusa se noieront ou seront interceptées par les garde-côtes libyens et jetées dans d'infâmes prisons. Mais, obnubilée par son rêve d'Europe et de liberté, elle fait taire son dilemme moral, devient impitoyable et détestable, s'isole de plus en plus, refuse de voir les rares mains qui se tendent encore vers elle. Dans ce milieu ultra-violent, elle ne croit plus guère à l'humanité.

Pour être relativement bien renseignée sur les parcours migratoires, je pense que « Seul le mensonge est vrai » est malheureusement très réaliste, et que toutes les horreurs qu'il donne à lire sont largement plausibles. Pas de doute que l'auteur s'est bien documenté sur son sujet. Il y a non seulement la terrible épreuve de la traversée du Sahara, la promiscuité de la vie de sans-papier en Libye et dans les camps de migrants, la corruption des autorités locales qui empêche le travail humanitaire, la cruauté des passeurs qui n'ont rien à perdre et qui menacent, violent, torturent, réduisent en esclavage et tuent sans états d'âme. Mais je me demande si le plus cynique, le plus amoral, le plus innommable, ne se trouve pas dans l'attitude de certaines autorités européennes (en l'occurrence italiennes à l'époque de Salvini en particulier), qui finançaient la Libye pour repousser les bateaux de migrants vers les côtes africaines (les opérations de push-back).

Par ailleurs, je ne peux m'empêcher de me demander ce qui se serait passé si Nour avait osé révéler sa transidentité au moment de sa demande d'asile à Choucha. Et j'ai des doutes sur la vraisemblance de son « camouflage » en femme (quid des poils de barbe, par exemple?) dans des conditions de vie aussi sordides et précaires.

Quoi qu'il en soit, « Seul le mensonge est vrai » emmène au coeur d'une violence difficilement soutenable. le style de l'auteur est à l'image de son sujet : des phrases dures, acérées, brutales, cassantes, qui parlent de déshumanisation et d'intolérance. Et même si quelques lueurs d'espoir semblent surgir pour Nour, il ne faudrait pas perdre de vue que les migrants restent bien trop nombreux à se décomposer au fond de la Méditerranée ou à croupir dans des camps de rétention sur ses rives. Forteresse Europe, honte à toi.

En partenariat avec les Editions Eyrolles via une opération Masse Critique privilégiée de Babelio.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Merci beaucoup à Babelio pour cette masse critique privilégiée et aux Éditions Eyrolles – Aparté pour cette belle lecture.
Cette histoire nous raconte le parcours de Nour, de sa fuite du Bénin à ses tentatives pour gagner l'Europe. Un voyage très difficile fait de rencontres, de pertes et de moments très durs.
Fuyant le Bénin avec sa soeur, laissées pour mortes dans le désert, seul Nour sortira vivante. Elle échouera dans le camp de réfugiés de Choucha où elle espère obtenir ses papiers pour l'Europe, mais elle sera déboutée.
Il ne reste plus qu'une solution, les passeurs. Ces hommes sont imbus de leur personne et se croient tout permis dans le camp (viols, vol d'argent, violence). Nour va travailler pour eux, mais elle ne perd pas son objectif, regagner l'Europe, afin de se faire opérer et vraiment devenir femme. Dans ce camp, être une femme, pactiser avec le diable n'aide pas, ni la drogue.
Nour Arrivera-telle à survivre et passer en Europe ?
Arrivera-telle à se libérer ?
Un sujet d'actualité, pour tous ces migrants qui veulent aller en Europe et que l'on entasse dans des bateaux aux risques de se noyer.
Ce dur voyage à effectuer pour la liberté, tel est le sujet de ce livre, ainsi que la quête d'identité pour Nour. Naître homme, mais se sentir femme et le vouloir absolument
Un livre dont l'écriture est fluide et que l'on n'a pas envie de lâcher. Nour est un personnage attachant et également, certains personnages secondaires.
Un premier roman poignant, très documenté, dont le sujet est bien d'actualité et qui ne laisse pas indifférent.
Un roman qui marque et que l'on n'est pas prêt d'oublier.
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Merci aux Éditions Eyrolles et à Babelio pour cet éprouvant et passionnant voyage.

Prologue, juin 2012. Seul le mensonge est vrai commence par nous entraîner dans le désert du Ténéré où des migrants ont été abandonnés par les passeurs qui devaient les accompagner à bon port. Les voitures sont en panne, ils n'ont plus d'eau. La situation tourne au tragique : deux seulement seront retrouvés vivants par des militaires. le premier chapitre nous transporte quelques moins plus tard, en décembre de la même année. Nour Rassol et sa soeur jumelle ont quitté le Bénin dans l'espoir d'une vie meilleure, bien sûr, mais surtout pour fuir la peur, l'intransigeance et le refus de la différence. Maintenant, devant le bénévole qui l'interroge, Nour hésite sur la réponse à donner. Alors, homme ou femme ? Nour va trancher. Ce corps n'est pas le sien : « Femme », répond-elle.
***
Le roman de Malik Sam plonge le lecteur dans l'horreur dès le prologue. L'écriture est souvent brute, voire brutale, hachée parfois, mais parfaitement adaptée au sujet incroyablement dur, violent et sans doute réaliste en ce qui concerne le sort des migrants et les actes des différents protagonistes. On a beau connaître par des articles, des reportages, des témoins, le type d'épreuves que ces hommes et ces femmes traversent, il me semble que ce roman aide à comprendre l'insondable détresse doublée de l'infinie détermination des réfugiés qui sont mis en scène ici, plus encore celles des femmes exposées aux violences de toutes sortes. On ne suit pas seulement les réfugiés, d'ailleurs, mais aussi des passeurs, des trafiquants de toutes sortes, des militaires et des « officiels » corrompus, des aidants désespérés qui continuent vaille que vaille au risque de se perdre eux-mêmes... Pour ma part, entre autres choses, je n'avais pas mesuré la place prépondérante de la drogue, qu'il s'agisse de consommation ou de trafic. Cependant, j'ai eu de la difficulté à croire à la situation de Nour. Dans des conditions pareilles, avec la promiscuité imposée par la vie du camp, la pénurie d'eau, le manque d'espace, la quasi-absence des médicaments adéquats et l'impossibilité de s'isoler, que la transformation sexuelle déjà amorcée puisse quand même avoir lieu m'a semblé impossible et a enlevé de la crédibilité à l'ensemble. N'empêche, c'est un premier roman, et c'est remarquable.
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Camp de Choucha, sud-est de la Tunisie, décembre 2012, des dizaines de langues différentes se croisent, Elle s'appelle Nour, elle vient du Bénin. Elle n'a plus de pays, sa famille l'a rejetée. Elle n'est pas comme les autres, enfermée dans un corps qui n'est pas le sien. Elle doit passer coûte que coûte en Europe.
Dans ce premier roman, Malik Sam nous décrit avec réalisme la vie dans un camp de réfugiés. La violence extrême où les femmes ne sont que des bouts de viande, l'exploitation de cette misère par les passeurs, la corruption des militaires. Un récit terrible où tout sonne juste porté par la force du personnage de Nour qui subit humiliation sur humiliation et qui pourtant reste debout. L'écriture précise, rude et brutale font que cette fiction nous interpelle sur le sort des migrants.
Merci aux éditions Eyrolles et à Babelio de leur confiance.


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Sur la route d'une migrante fuyant le Bénin, cette marche éprouvante, terriblement marquante, débute en juin 2012 par un prologue. Un prologue qui assèche, en plein désert du Ténéré au Niger.
Sous l'harmattan soulevant le sable du désert, les corps desséchés d'hommes, de femmes, d'enfants. le sable orangé recouvrant rapidement les cadavres. Un véhicule en panne et des passeurs sans aucun état d'âme qui laissent agoniser ceux qui voulaient atteindre la Lybie. Deux survivants dont un jeune clandestin.
Six mois plus tard, dans le camp de Choucha en Tunisie, ce jeune a prévu de s'appeler Nour Rassool.
Personne ne sait qui est Nour et il faut qu'il en soit ainsi, qu'elle cache sa véritable identité afin de pouvoir passer en Europe. Elle dissimule son corps amaigri, son torse plat et ses hanches trop étroites derrière des vêtements amples. Elle surveille tout, le danger peut jaillir de partout. Nour évite toutes rencontres, toutes paroles, tous regards. L'attitude à adopter pour sa vie « se faire oublier. Disparaitre. » Juste se faufiler puis répondre aux questions de celui qui doit l'orienter vers le camp des hommes ou celui des femmes. Homme ou femme ? Une question difficile pour elle mais elle décide, en accord avec ce qu'elle ressent depuis toujours, de se déclarer femme. On pressent dès lors qu'elle sera victime d'une double peine : calvaire du migrant et peur permanente que l'on découvre qui elle est réellement.
Derrière son allure frêle et sa faiblesse apparente, sa détermination est sans faille : obtenir les papiers de demandeur d'asile, passer coûte que coûte.
Alors lorsque sa demande est rejetée, que lui reste-t-il à faire ? Un passage vers l'Europe n'a pas de prix. Est-elle prête à faire taire toute humanité en elle ?

L'écriture saccadée de Malik Sam avec ses phrases morcelées diffuse et accentue la tension chevillée au corps de Nour ainsi que celle qui gravite autour d'elle. À tel point que, parfois, j'ai dû interrompre ma lecture pour faire descendre cette tension.
Cette route si accidentée, ces routes de migrants, sont montrées dans toute leur laideur, dans toute leur horreur, dans toute leur abomination. À la cupidité et la violence s'ajoutent ici le mépris, le rejet et la haine de la différence.
« le monde des hommes est un univers de violence et de domination. Qu'on ne vienne pas lui parler de la bonté de l'être humain. Quand on t'arrache ta dignité par lambeaux. »
Dans le camp, l'hostilité est omniprésente. À l'extérieur, les passeurs tout-puissants, d'une extrême violence, assoiffés d'argent et de pouvoir font le trafic des réfugiés. Les femmes sont de la marchandise qu'ils n'hésitent pas à violer et à tabasser. Quant aux militaires et aux gardes-côtes, les bakchichs les rendent efficacement conciliants.
Ce rivage tunisien est un théâtre d'horreurs avec ses canots rafistolés, tombeaux en puissance, se délestant parfois tragiquement de leurs passagers.


Comment ne pas souffrir des épreuves subies par Nour ? Elle doit faire face aux regards méfiants des femmes, aux oeillades haineuses des hommes, aux dangers entre réfugiés. Ses gestes, sa démarche, sa voix ne doivent pas la trahir. Maintenir le contrôle, tout le temps. Elle ne peut pas avoir le réconfort d'une amitié, ne pas se lier, même avec Loubna, une Syrienne qui a perdu tous les siens.
« Aucune pitié à attendre. Elles ont connu les prisons des Libyens. Les viols et les tortures. La haine déborde de leurs yeux durs. Lassées des horreurs vues ou supportées, elles veulent venger une soeur, une mère ou une fille violée, battue et torturée par les passeurs ou les hommes des Katibas. »
Toutes les promesses sont mensonges.
Quelques flashs de son passé surgissent, rapides, avant que le lecteur finisse par connaître les grandes lignes malheureuses de son enfance. Elle se revoit blottie contre sa soeur Rhonda, sa grand-mère Nannay contant des histoires de la forêt sacrée à Ouidah, quelques moments heureux vite assombris par ce ressenti de ne pas être née dans le bon corps.

De nombreux romans sur les conditions épouvantables de l'exil politique ou économique existent déjà. Celui-ci se démarque par son héroïne dont la motivation pour quitter son pays est de fuir le rejet et les humiliations. Elle incarne toutes les personnes qui ont un conflit entre leur physique et leur être, qui aspirent à la tolérance de la différence.
Je remercie les éditions Eyrolles ainsi que Babelio pour cette lecture. Pour ceux qui aiment l'objet livre, un petit mot sur la couverture, légèrement texturée, que j'ai trouvé très agréable au toucher.
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Grâce aux éditions Eyrolles et Babelio, que je remercie chaleureusement, j'ai eu le plaisir de lire dans le cadre d'une masse critique privilégiée : Seul le mensonge est vrai de Malik Sam.
Nour Rassol est une jeune femme de 17 ans née au Bénin, dans la peau d'un garçon. Sa transidentité lui vaut la haine et les coups de son entourage.
Lorsqu'elle comprend que sa vie est en jeu, Nour décide de fuir.
Son objectif : atteindre l'Europe, où elle pourra effectuer une opération de réassignation.
Mais le périple vers le nord est long, et semé d'embûches.
La jeune femme, qui s'habille et se grime pour faire oublier son corps d'homme, arrive finalement dans le camp de réfugiés de Choucha, à la frontière lybienne.
A l'enregistrement, sa demande d'asile est refusée, son genre non reconnu.
La voie légale n'ayant rien donné, Nour s'engage auprès des passeurs cruels qui lui promettent les papiers et le passage en Europe. Elle va devoir se battre pour survivre, et réaliser son rêve de liberté.
Seul le mensonge est vrai est un premier roman très fort nous relatant le parcours des migrants attendant dans les camps.
Nour est une jeune fille, elle s'assume comme tel, mais elle est née dans un corps d'homme. Consciente qu'elle risque sa vie, elle décide de quitter le Bénin pour atteindre l'Europe où elle espère pouvoir se faire opérer et vivre plus sereinement. Mais le parcours pour y arriver est semé d'embûches. La liberte a un prix, Nour n'a pas fini de le découvrir.
Quand elle se retrouve dans un camp de réfugiés à la frontière lybienne, tout devient encore plus compliqué pour elle..
Je n'ai pas envie de trop en dévoiler sur ce personnage qui m'a beaucoup touché. Impossible de rester indifférente face à Nour, son parcours, sa volonté, sa personnalité..
Nous avons ici un premier roman dont l'écriture est incisive, percutante.
C'est violent, parfois difficile à lire.. comme la vie que les migrants mènent tous les jours est difficile à vivre !
Seul le mensonge est vrai est poignant à lire et touchant également. Il nous raconte la violence à l'état pur, la souffrance.. C'est difficile à imaginer que les migrants vivent vraiment ainsi. C'est cruel et ça fait froid dans le dos.
Je recommande ce roman, qui fût une sacré claque, et que je note quatre étoiles.
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A travers le récit du périple migratoire d'une adolescente africaine qui désire à tout prix rejoindre le continent européen, le roman décrit sans aucun ménagement la réalité du calvaire enduré par un grand nombre de femmes candidates à l'exil.

La longue route de l'exil est périlleuse. La peur chevillées au corps, il faut tenter de survivre dans la précarité et l'insécurité d'un camp de transit, risquer de se faire emprisonner ou capturer pour être vendues comme esclave, quand ce n'est pas de se faire assassiner. Subir la barbarie pour quand même finir noyées en pleine mer ou déshydratées dans le désert.... On voit combien il est difficile pour ces femmes de rester en vie. Dans cet enfer comment est-il possible pour celles qui y arrivent de préserver leur intégrité mentale ? Et même morale en ce qui concerne l'héroïne de cette histoire. Car son identité sexuelle aggravant considérablement la dangerosité de sa situation, elle doit mentir, être en permanence sur ses gardes et prendre des décisions très contestables d'un point de vue intellectuel. Ceci dans l'unique espoir de tenter de sauver sa peau.

Malik Sam signe ici un premier roman choc, tout en tension dramatique et souvent très violent, dans lequel la fiction s'appuie sur la réalité d'une criminalité à grande échelle, organisée autour du trafic de migrants par une mafia de passeurs, de miliciens ou autres djihadistes, tous plus cruels les uns que les autres. Certaines scènes révoltantes de terreur, de viols et de tortures rappellent douloureusement un massacre de masse très récent dont l'horreur fait à nouveau douter de la nature humaine. On se demande d'où lui vient cette barbarie.
« Les hommes de Bosso sont pires que des bêtes. Les animaux tuent pour vivre. Pas Bosso. »
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Tout commence dans le désert du Ténéré où une colonne de migrants - mal accompagnés et abandonnés- vont mourir les uns après les autres. Sauf un jeune clandestin que l'on va retrouver dans le camp de Choucha au sud de la Tunisie.
Et là "bienvenue" en enfer tant l'endroit est glauque, violent, sans concession. Dans ce camp se trouve Nour, qui a une histoire compliquée. Mais il ne veut pas en parler. Nour qui dans ce camp va vraiment devenir elle et se retrouver avec les femmes. Nour l'enfant né dans un corps d'homme mais qui ne lui correspond pas. Et puis il y a ce mauvais choix pour cette jeune noire parti du Bénin qui intrigue et cristallise la haine et la défiance. Quand elle sera du côté des passeurs le livre prend une dimension encore plus tragique et immonde.
Un livre dur, une plongée dans l'horreur que vivent ces gens. Surtout femmes et enfants dans cette histoire. Meurtres, viols - nombreux-, noyades bien sûr.
Les pourris qui promettent beaucoup mais qui ne veulent que l'argent, les autorités qui ferment les yeux contre quelques billets.
C'est un voyage éprouvant que de lire ce roman. L'histoire on la connait par quelques infos, des photos, des faits divers...
Là c'est l'humanité qui en prend un coup. On a la nausée. Nour semble bien détestable, si violente, prête à tout pour sauver sa peau. Quelques rares personnes donneront un semblant d'espoir à ce drame humain. Mais les salauds sont nombreux et j'ai refermé ce livre un peu hébétée. Sonnée par tout ce que je venais de lire.
Une mise au point utile mais je ne voulais pas en savoir autant. Je l'ai trouvé vraiment dérangeant. Ce monde est terrifiant.

merci à Babelio et à Eyrolles pour cet envoi.
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Nour n'a que 15 ans lorsqu'elle quitte Ouidah, en serrant la main de sa soeur Rhonda. Elle se sépare de ses nombreux souvenirs, les lumineux avec sa grand-mère et sa maison dans la forêt, et les plus sombres avec la violence de sa mère et les insultes. Nour est une fille née dans un corps de garçon. Elle ne cherche que la liberté d'être elle-même, ce qu'on lui refuse catégoriquement au Bénin. Mais le chemin va être difficile, très difficile… Pour Nour, devenir enfin qui elle est, aura un prix…

Je tiens à remercier @eyrolles_romans pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une masse critique @babelio_ . C'est une histoire qui mérite d'être mise en lumière tant elle a besoin d'attention et d'intérêt.

Seul le mensonge est vrai est le premier roman de Malik Sam. C'est l'histoire terrible de Nour qui fuit son pays, et qui arpente les déserts, les prisons, les camps et les planques de passeurs pour atteindre son but : l'Europe.
Nour est prête à tout. Elle ne veut plus des insultes, des coups, des viols. Elle rejette la honte, le déshonneur, l'humiliation. Elle efface les cris, l'enfermement, l'abomination.

Mais ce qu'elle va trouver sur son chemin n'a rien de doux, de simple, d'ordinaire. Ne faisant confiance à personne, elle va refuser toute main tendue, toute aide généreuse, toute amitié innocente. Elle va devoir accepter de passer du mauvais côté, ceux qui promettent un avenir alors que seule la mort attend son dû.

Seul le mensonge est vrai est l'histoire terrible d'un monde violent que rien arrête. C'est la quête d'un ailleurs au prix de sa vie, de son âme. Entourée de fantômes, Nour affrontera chaque obstacle avec courage, parfois sans honneur, mais elle a fait une promesse : elle vivra…
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Quand la fiction décortique la réalité, sonde des parcours singuliers et se fait témoignage, elle peut ouvrir les yeux de ceux qui ne voient  que ce qu'ils veulent voir.
Que ceux qui enragent de voir arriver des migrants dans leur pays, que ceux qui n'hésitent pas à bafouer les lois de la solidarité, que ceux qui veulent limiter les droits d'accès à la protection universelle maladie, que ceux qui veulent fermer leurs frontières à tous ceux qui souffrent, lisent le livre de Malik Sam.

L'héroïne du roman s'appelle Nour, elle a 17 ans et elle est née dans un corps d'homme. Elle a fui le Bénin avec sa soeur jumelle parce qu'elle était maltraitée par sa famille et menacée de mort à cause de sa transidentité.
L'écriture est percutante et hyper réaliste. le roman est conçu à la fois comme roman d'aventure, dans la mesure où l'on suit le parcours de Nour comme une succession de péripéties, mais aussi et surtout comme un témoignage, puisque le lecteur perçoit Nour comme une personne réelle et non comme un personnage.

Ce qui fait la force du roman, c'est que l'auteur adopte plusieurs points de vue, tous documentés et réalistes, sur la question de la migration. Celui des migrants et plus particulièrement des femmes, celui des trafiquants d'êtres humains qui font du désespoir des populations exilées leur fonds de commerce, celui des humanitaires qui tentent d'aider avec leurs faibles moyens, celui des fonctionnaires qui se contentent d'appliquer des procédures et celui des militaires souvent corrompus et complices des passeurs.

Malik Sam aborde de front la question de l'immigration et dénonce la responsabilité des états européens , qui privilégient un traitement sécuritaire à une approche humaniste des phénomènes migratoires. 
" Les Européens étaient disposés à débourser des millions d'euros en embarcations, armes et munitions pour protéger leurs plages. Les migrants eux, ne demandaient qu'à se débarrasser de leurs maigres economies pour passer. Ils étaient tous prêts à payer pour ce que lui, Amou, le chef incontesté de la brigade 48, faisait le mieux. Tordre, avilir et corrompre. "

L'auteur fournit de nombreux renseignements sur le système des passeurs et sur des organisations mafieuses qui font régner la terreur en pratiquant viols et tortures. La violence est crue, d'autant plus insoutenable qu'elle s'ancre dans une réalité qui a été validée dans des reportages, interviews et témoignages de migrants.
A aucun moment, il ne cède à la tentation d'esthetiser la barbarie et utilise au contraire un langage purement descriptif et des phrases nominales pour accompagner le choc de la description.
"Son amie est défigurée. le visage couvert de larges ecchymoses brunes. Elle a les lèvres fendues. Un bleu gonfle le haut de sa pommette. Son nez et sa bouche saignent. Des griffures sur le cou. le tee-shirt en lambeaux dévoile son ventre meurtri. le pantalon est baissé, sa culotte déchirée, mise de travers sur ses genoux, rouges de sang. Une cicatrice violacée parcourt l'intérieur de ses cuisses. "
Comme dans les conflits armés, les femmes sont victimes de viols systématiques et répétés et subissent des traumatismes incommensurables." Pour eux, les femmes ne sont que des bouts de viande, qu'on tabasse pour les ramollir. "

" Les pères des pères de ces mêmes hommes dirigeaient les convois d'esclaves à travers le désert. (...) Tout va plus vite, mais on ramasse toujours des cadavres sur le bord des routes. Et les marchands musulmans sont tous de bons croyants. Comment font-ils ? "
Hormis ceux qui battent, violent et tuent par plaisir, il est parfois difficile de distinguer complices et victimes.
Nour en fera l'expérience après l'échec de sa demande d'asile alors qu'elle accepte de devenir rabatteuse pour les passeurs. Comme elle, certains passeurs doivent travailler pour des organisations afin de gagner l'argent pour leur propre traversée ou sont des migrants résignés, qui ont tenté plusieurs itinéraires pour rejoindre leur destination et connaissent les différentes routes qui « marchent » ou ne « marchent pas ».

Ceux qui organisent les transferts laissent parfois le soin aux victimes elles-mêmes de manoeuvrer ces navires. Lors de leur tentative avec les passeurs égyptiens, Nour et les autres femmes sont abandonnées seules sur un Zodiac avec quatre femmes aux commandes, dont deux qui sont habilitées simplement parce que leurs maris étaient pêcheurs. Les migrants qui prennent le commandement du bâteau sont aussi théoriquement des passeurs, puisqu'ils jouent un rôle dans ce voyage, pour lequel ils ont obtenu une réduction du prix, mais ils sont également des victimes lorsqu'ils portent en plus la responsabilité d'un échec.
Ainsi, à plusieurs reprises, les personnages du roman brisent toute tentative manichéenne de représenter le monde en revendiquant avec conviction le " ni tout blanc, ni tout noir ".

Parmi les différents profils de migrants évoqués, ceux qui migrent pour des raisons économiques et politiques sont les plus nombreux. Son amie Loubna a fui la guerre en Syrie et d'autres femmes de toute l'Afrique noire ont également été contraintes de partir.
Mais les persécutions peuvent aussi être religieuses ou culturelles.
En Afrique, les minorités sexuelles et de genre sont fortement condamnées, voire criminalisees.
Le choix de Nour comme héroïne du roman donne encore davantage de sens à ce parcours de migration.
"La question semble simple pourtant. Homme ou femme ? Elle voudrait expliquer que justement rien n'est simple. Elle pourrait lui raconter. Les cris et les insultes des élèves de sa classe à Ouidah en rang dans le couloir pour l'accueillir. Pédé, pédé. Et les séances d'exorcisme dans l'église, enfermée une semaine durant. Les prières des évangélistes pour extirper le diable hors de son corps. Et le pasteur qui lui répétait que c'était contre Dieu. Contre la nature. Qu'on naît homme ou femme. Mais pas entre les deux. "

En tant que victime de transphobie, le portrait de Nour me semble juste et convaincant. L'auteur évoque avec respect et empathie les efforts de Nour pour adapter son quotidien à son identité de genre, mais surtout pour cacher les marqueurs masculins comme le sexe comprimé par du scotch et les poils qu'il faut raser régulièrement. Les difficultés sont d'autant plus grandes qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement hormonal et ne peut utiliser que des pilules contraceptives. On imagine aisément l'angoisse générée par ce secret si lourd à dissimuler dans de telles circonstances et les violences encourues s'il était découvert.

Sans entrer dans une polémique sur les liens entre littérature et témoignage, le roman de Malik Sam s'envisage comme la description d'une réalité contemporaine douloureuse. Documenté et crédible, son regard sur les mécanismes en oeuvre dans le business des migrants et sur la transidentité sonne juste et ne céde pas à la facilité du voyeurisme lucratif.
Je remercie Masse critique privilégiée et les éditions Eyrolles pour l'envoi de ce roman.
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