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Citations sur Le fil d'une vie (19)

8. [FM] « "[…] Mais vous verrez que petit à petit je vous aiderai à vous débarrasser de ce froid qui vous recouvre... il faut que nous dissolvions cette glace par l'intelligence." Mais lui aussi avait froid, je le voyais devenir chaque jour plus blanc, un visage de neige, les lèvres serrées en une ligne noire tremblaient parfois, les doigts dépouillés de leur anneau flocons de neige... et l'hiver vient frapper, vient frapper à ta porte, veux-tu savoir ce qu'il t'apporte ? Une corbeille de blancs flocons... ces flocons tremblaient parfois ? Son regard me fixait parfois brûlé de gel... il me fixe maintenant mais ne me voit pas... il ne me voit pas, tremble et se lève, il va partir... non, il ne part pas, il a froid et tremble, il se brisera de froid... et il tomba dans mes bras, brisé, et chercha de la chaleur en moi. Je sentis sur ses lèvres affleurer cette chaleur, il se réchauffait à mes lèvres... un cercle de couleurs, l'arc-en-ciel se referma autour de nous et les couleurs de ce cercle tournoyant se fondaient jusqu'à devenir le noir profond d'une nuit d'été sans étoiles. (p. 302)
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7. [FM] « Les femmes en grappes informes agrippées à la fontaine... il n'y avait plus d'eau, je ne me lavais pas depuis des mois, les sœurs avaient rationné l'eau... il faut que je m'enfuie... mais où ? À l'Académie, je ne pouvais y aller, les fascistes m'avaient cherchée... le directeur m'avait appelée... il y avait combien de mois, combien d'années ? "Eh oui, malheureusement, Goliarda, cette année tu ne pourras pas suivre les cours ni passer l'examen de fin d'année. Ils te cherchaient, ils cherchent ton père et ta mère, mais ne t'inquiète pas, nous tiendrons compte de cette année, quand l'enfer sera terminé nous organiserons un petit examen pro forma et nous t'admettrons en troisième année, comme si tu avais suivi les cours. Quant à la bourse d'études, ne t'inquiète pas, nous te la donnerons quand même. Sauf que, pour ta sécurité, tu ne peux pas rester dans cette pension, on ne sait jamais. Je t'amènerai chez des religieuses que je connais et qui cachent plusieurs personnes. […]" Peppino s'était échappé de prison et était venu à Rome quelques jours avant que les Américains ne débarquent en Sicile... et maintenant à coup sûr il courait dans les rues... […] la résistance s'organisait... en dehors de la prison ils ne le reprendraient plus, je le savais. Maria était en sûreté chez Adelina. Je n'avais pas peur... je ne me lavais plus depuis des mois et j'avais faim... » (p. 290)
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5. [FM] « Ils l'avaient sûrement tué. Tremblant de cette certitude qui enflait dans mon sang, je fixai un point indéfini mais précis du parterre et commençai ce branlement de tête qu'avait cette folle : ce branlement continu, précis et monotone à peine esquissé entraîna derrière lui des applaudissements longs, compacts, de tout le public. Maria émue s'approcha au milieu des visages qui tendaient vers moi pour me féliciter. _Elle s'approchait, elle fixait un point indéfini mais précis sur ma tête ; les yeux enfoncés sans orbites, effrités sur le front et les tempes osseuses et gonflées de serpents agonisants : elle balançait la tête, sans me voir maintenant du fond du couloir blanc de carreaux de faïence, tapissé de corps et de visages tordus de femmes aux bouches grandes ouvertes, aux jambes écartées, aux mains nouées en cent nœuds l'une à l'autre, aux cheveux morts et frémissants comme des fils à haute tension. Elle me parlait, maintenant : "Il est inutile que vous continuiez à venir ici pour raconter de pieux mensonges. Je n'ai pas besoin de réconfort inutile, trompeur. Goliarda a été prise par les fascistes comme Licia, Olga, Ivanoe et ils sont en train de la torturer, je le sais."_ » (pp. 192-193)
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4. [FM] « "Ah oui ? Elle a vraiment dit ça ? Et après ? Qu'est-ce qui s'est passé après ?
"Mais vous le savez !" Pourquoi me demandait-il ce qu'il savait déjà ? "Vous le savez : vous êtes venu me voir quand j'étais en prison. Vous le savez. Ils m'ont arrêtée moi aussi, et ils m'ont torturée comme papa... non, pas vraiment comme lui. Lui, ils le battaient, et moi ils me mettaient sous une machine qui me faisait me cogner contre des fers pointus. Vous voyez comme je suis encore couverte de bleus ? Et puis ils me plongeaient dans l'eau chaude. Mais je n'ai pas parlé. Je ne vous ai pas trahis. J'avais tellement peur quand Citto venait me voir. Mais je ne m'inquiétais pas de cette peur. Papa m'avait dit que lui aussi avait peur, mais ça ne l'avait pas empêché de ne trahir personne... […] Et quand Citto venait, je faisais semblant de ne pas le connaître comme Peppino l'avait fait avec ses camarades." » (p. 183)
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3. [LO] « Folie, comme l'appelèrent ces hommes blancs sans regard. Maintenant je vois pourquoi elle t'a explosé dans les mains justement quand ton ennemi est tombé, détruit comme tu l'invoquais. Lui tombant, s'est rompue la tension d'acier pour laquelle tu as vécu en te rendant étrangère à toi-même, à ta chair ; le contradicteur tombant, tu es restée muette et seule, avec les faits de ta vie dépouillés de la cuirasse qui te permettait de ne pas prêter attention aux détails, aux virgules de ton histoire. Et nue avec toi-même, avec les passivités féminines, les tendres émotions de tes douces épaules, de ta forte poitrine, les digues que ton intelligence avait élevées entre toi et toi se sont rompues, lâchant un flot de peurs que tu avais ignoré avoir. Comme toutes les femmes, étant intelligente, tu devais l'être plus qu'un homme. Mais on n'échappe pas à sa nature : on peut bien sûr l'affamer, la contraindre au silence, y compris pour longtemps ; mais tôt ou tard sa faim la pousse au-dehors avec les dents, les ongles effilés et elle vous déchiquette les chairs et les veines.
[…]
Ma façon de la soigner était une vengeance. Enfin je l'avais en main, cette femme qui m'avait dominée toute ma vie : je pouvais la laver, la tenir dans mes bras, la caresser, elle qui auparavant était si avare de tendresse. Je pouvais l'empêcher de manger : c'était la seule chose, car elle avait le diabète, qui lui donnait désormais de la joie. Je me vengeais de ce qu'elle m'eût trahie avec la folie. Je me vengeais en lui faisant voir comment on prend soin d'une fille : en le lui faisant voir à elle, qui ne s'occupant que de mon esprit m'avait pour le reste négligée de toutes les façons. C'était cela, mon remords. Remords de la contraindre à garder en vie ce corps déjà mort. Et elle le savait. » (pp. 153-155)
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1. [LO] « Avec terreur, j'allai voir ma mère. "Maman, j'ai compris mes limites. Qu'est-ce que je peux faire ? Si au moins tu m'apprenais à faire du crochet." "Bien sûr, Goliarda, je vais te l'apprendre. Mais ne t'inquiète pas : chacun d'entre nous a tellement de limites, des limites assignées par la nature, par le milieu où l'on est né ; mais si on a la volonté, chacun finit par trouver sa voie. Pense à Démosthène : il bégayait... Ces petits cailloux dans la bouche... Quelle volonté, ce Démosthène ! Quelles sont tes limites, selon toi ?" Je lui racontai sœur Maria, sœur Norma, mes mains. "Mais Goliarda, tu n'es peut-être pas encline à la religion, mais tu n'es pas pour autant une femmelette. Tu ne peux pas encore savoir ce que tu es. Cherche. Tu pourrais devenir médecin, avocat comme ton père ; prépare-toi à devenir syndicaliste comme moi, pour le jour où le fascisme finira. Ou encore à être artisan : viens, voyons si tu as des qualités au moins pour ça." Et, chose étrange, elle riait. Le fait qu'elle rie – elle ne riait pas toujours de tout comme papa – me rassura : si elle riait, ça ne devait pas être grave. Si elle riait, je n'étais pas encore une ratée. » (pp. 92-93)
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Ne cherchez pas à vous expliquer ma mort, ne la cataloguez pas pour votre tranquillité, mais tout au plus, pensez en vous-mêmes : " elle est morte parce qu'elle a vécu".
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C'est vrai, Ivanoe, la mort n'est pas seulement une amputation. En mourant, Ercole a emporté dans son cercueil toutes les émotions de tendresse et de crainte que sa rigueur, son intelligence m'avaient collé dessus comme des sédiments, et que, fatalement, il mélangeait au lait fertile de sa voix. Et c'est pour cela que je le remercie aujourd'hui de m'avoir libérée et de m'avoir rappelé comment on meurt. On meurt pour laisser le meilleur de soi-même à ceux qui ont su vous connaître. (Et je sais que lorsque ce sera mon tour, ce sera juste et utile, pour moi et pour les personnes que, les aimant, j'ai nécessairement opprimées.) Tu as raison, Ivanoe, il ne faut pas craindre la mort, mais le crime présent dans la nature, et qui tue par traîtrise, prématurément.
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