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Quelle est la marque du plus grand courage? S'affronter à soi-même, dénouer l'écheveau des problèmes non résolus, des histoires non dites, et même des tentatives de solution. Et voilà ce qu'a tenté Goliarda Sapienza, et qu'elle exprime dans le fil de midi.
Je ne reviens pas ici sur Lettre ouverte, premier texte de ce volume, qui a fait l'objet d'une traduction plus récente, toujours par l'excellente Nathalie Castagné, et dont j'ai écrit une critique par ailleurs. le deuxième texte de ce volume s'intitule donc le fil de midi et le volume entier porte le titre de le fil d'une vie.
Nous sommes au début des années 1960. Et Goliarda vient de subir des traumatismes terribles. Elle a fait une tentative et suicide et a été traitée aux électrochocs ce qui lui a occulté une partie de la mémoire. Elle s'engage alors dans une psychanalyse dont le fil de midi est le récit. Un récit poignant. Car comme toujours Goliarda ne cache rien, elle dévoile, d'abord à elle-même, son propre cheminement. Au centre de sa quête, la lutte pour la liberté, vis-à-vis du fascisme bien sûr, mais aussi des principes inculqués par ses parents socialistes athées. C'est la recherche d'une voie qui ne serait qu'à elle.
Au sortir de la guerre, elle fut actrice de théâtre et de cinéma. Elle était la compagne de Citto Maselli, cinéaste communiste. Au début des années 1950, elle se consacra à soigner sa mère, Maria Giudice, militante socialiste depuis le début du siècle, qui avait travaillé avec Gramsci, et qui sombra dans la folie dans les dernières années de sa vie. Rien de tout cela ne lui permettait d'exprimer ce qu'elle était personnellement et singulièrement.
C'est l'écriture qui lui donna cette possibilité. Mais l'écriture sans concession de Goliarda l'empêcha de percer dans le milieu littéraire italien, cadenassé et dogmatique, des années 1960-1970.
Ses récits sont directs mais tendres en même temps. Elle creuse le sens de ses relations avec autrui, et en particulier ici avec le médecin qui la psychanalyse d'une manière peu orthodoxe. Elle décrit ce qui lui arrive avec une sincérité confondante où le lyrisme n'est pas absent. Cela donne un texte splendide. On peut y voir rétrospectivement une préparation à son chef d'oeuvre, L'art de la joie, mais il a toute sa valeur par lui-même. les auteurs qui se racontent d'une manière passionnante pour autrui sont rares. Goliarda Sapienza en fait partie.
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Ce livre contient les deux premiers ouvrages de Goliarda Sapienza, deux autobiographies rédigées à l'issue de sa période fortement dépressive scandée par deux tentatives de suicide, par l'abandon de sa carrière de comédienne, suite à la folie puis au décès de sa mère, à celui de son père, à l'éloignement de son premier conjoint Citto concomitant avec les conséquences du XXe Congrès du PCUS. Après la première tentative, l'autrice est soumise à une thérapie d'électrochocs qui lui fait perdre la mémoire, au point qu'elle court-circuite dans son esprit ce « soin » psychiatrique sien avec l'arrestation et la torture subies par son père pour antifascisme, alors qu'apparemment son propre engagement dans la Résistance (dont il n'est pas du tout question ici) ne l'a pas conduite à une arrestation. Néanmoins, sous la tutelle de Citto, Goliarda Sapienza est prise en psychothérapie quotidienne par un très illustre psychanalyste ; le déroulement de celle-ci finira pas s'éloigner de la déontologie et s'avérera catastrophique. Il est évident que la motivation de ces deux textes réside dans l'entreprise de recouvrement de sa mémoire incitée par la psychanalyse.
Le premier livre, _Lettre Ouverte_ possède d'ailleurs de nombreuses caractéristiques qui font penser à une induction psychanalytique : elle s'adresse à un lecteur qui pourrait tout aussi bien être l'analyste lui-même, et contient des fragments de souvenirs, depuis l'enfance, transcrits tels qu'ils se présentent, en mêlant le récit factuel à l'onirisme, sans que soit respectée une stricte chronologie. le texte rassemble des anecdotes comportant de très nombreux personnages, à l'image de son environnement familial formé d'une très nombreuse fratrie recomposée dont elle était la cadette (dix demi-soeurs et demi-frères, d'autres enfants qui s'avéreront être des enfants naturels de son père, reconnus de façon posthume...), et d'une multitude de parents et d'amis de ses parents, tous les deux socialement et politiquement actifs et estimés. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce premier volume n'est pas lourdement à charge de ses parents, il ne met pas en évidence de graves sévices ni d'événements fortement traumatiques ; à l'inverse, il décrit une fratrie complice et joyeuse, un environnement culturellement fertile et épanouissant, plein de stimuli et de liberté pour tous. Néanmoins, entre les lignes, on peut ressentir la très grande sévérité – presque un puritanisme – d'une mère qui élève Goliarda dans un surinvestissement intellectuel et un déni de la féminité de peur qu'elle ne devienne « une femmelette ». de même, un vague relent incestueux plane autour de la figure paternelle, trop exubérante et opposée à la mère. Enfin, se révèle de manière précoce une orientation homosexuelle brutalement contrariée chez la jeune Goliarda, amoureuse de Nica.
Là où se termine _Lettre Ouverte_ commence _Le Fil de midi_, ce qui indique la pertinence du choix éditorial d'avoir réuni les deux titres : Goliarda a été admise à l'Académie des arts dramatiques à Rome avec obtention d'une bourse d'études, elle quitte Catane et se rend donc dans la capitale accompagnée par sa mère. Toutefois, le style et je dirais aussi la puissance expressive du second volume diffèrent du et surpassent incontestablement le premier : en effet, dès le troisième chap., est introduit le « réveil » amnésique de Goliarda suivant l'électrochoc, et dorénavant le récit se présente comme une sorte de verbatim de sa psychanalyse, qui laisse une place au moins aussi importante aux remémorations de l'autrice – souvent sous forme de narration de ses rêves – qu'aux interprétations de son analyste, les deux produisant conjointement une reconstitution cohérente et contruite de son passé. Jamais je ne crois avoir lu compte rendu plus suggestif et précis d'une analyse, peut-être même pas dans _Les Mots pour le dire_ de Marie Cardinal ! (La note étoilée de ma lecture constitue donc une moyenne arithmétique fidèle de la dissymétrie entre les deux textes...).
Le résultat de la lecture sans discontinuité de ces deux ouvrages complémentaires sert donc le but de remettre en perspective notamment la figure de la mère, Maria, qui en ressort peut-être plus accablée qu'elle ne le mérita dans la vie, jugée principale responsable des lourdes vulnérabilités mais aussi in fine de la force vitale formidable de l'autrice qui décide, de façon farouchement volontaire, de s'inventer une méthode propre créer « un art de la joie » - titre du grand roman à venir. Il faut préciser aussi que, par-delà l'hétérodoxie impardonnable de l'analyste, dont la culpabilité flagrante eût pu être fatale à l'autrice et jette en tout cas une lumière d'opprobre sur la pratique psychanalytique tout entière, sur sa dangerosité dès lors qu'un petit écart est commis, la puissance explicative de ses interprétations (celles de l'homme et celles de sa science) est totalement séduisante. Si les circonstances biographiques de l'autrice n'avaient pas été tellement exceptionnelles, eu égard à l'époque et au milieu dans lequel elle a grandi, à commencer par les personnalités des parents, on pourrait presque être tenté de prendre l'histoire de l'enfance et de la jeunesse de Goliarda Sapienza comme un modèle d'éducation féministe et libertaire réussie, et l'histoire de sa psychanalyse comme un modèle de thérapie également réussie car capable de « guérir » et de transformer un suicide en une méthodologie d'édification du bonheur de chaque jour (par l'écriture)...
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Le livre rassemble "Lettre ouverte"où l'auteur s'adresse directement à ses lecteurs et "Le fil de midi",entretiens avec son psychanalyste.
Lettre ouverte est le résultat d'un très pénible et douloureux travail de recherche intérieure qui a comme objectif de "faire de l'ordre"parmi les nombreux souvenirs embrouillés de ses vingt premières années, pour finalement affronter une réalité qu'elle n'a pas été capable de comprendre avant, et d'accepter ensuite. Elle a besoin de se libérer " des choses laides qui sont dedans";
Le dualisme ordre-vérité et mensonge -vérité revient souvent dans toute son oeuvre.
Les épisodes font clairement référence au climat politique et social.
Son père est très attentif à ne pas permettre aux institutions de contaminer l'esprit pur et prometteur de sa fille avec leur idéologie fasciste.

Le fil de midi est le roman douloureux d'une femme qui a perdu la mémoire suite à des électrochocs. Il s'axe donc autour d'une expérience psychanalytique que Goliarda affronte après sa dépression et une tentative de suicide.
Sont merveilleux: le style :excentrique,visionnaire,impudique et très courageux ,;
le rythme qui bouleverse toute chronologie,
le final.
Ce dernier paragraphe est un hymne à l'indépendance,au caractère sacréde l'individu, une criante déclaration d'amour pour la vie;
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Un magnifique livre où une femme hors normes se confie. Elle avait une personnalité fragile, un peu trouble mais surtout elle débordait de vie. Si parfois le récit, à cause des évènements subis, ou simplement de sa personnalité devient incompréhensible, il en reste plein de poésie.
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Un ouvrage complexe, dont la lecture est parfois difficile. le premier livre "Lettre ouverte" traite de son enfance, et le génie de cette auteure est de nous faire ressentir des émotions d'enfances avec un coeur d'enfant. Une enfance particulièrement difficile, en pleins fascisme, dans une famille atypique. le récit est parfois décousu et nécessite une bonne concentration. Légèrement Parsemé de croyance populaire et particulièrement chargé en émotivité !
La seconde partie"Le fil de midi" est construite comme un entretiens avec son psychanalyste lors de son analyse faite à 40 ans après une tentative de suicide, elle nous éclaire sur beaucoup d'aspects de sa personnalité.
Cette femme est une auteure très douée, mais je conseille comme première lecture son roman "L'art de la joie" que je considère comme un chef d'oeuvre. Néanmoins le fil d'une vie est loin de manquer d 'intérêt c'est un excellent récit autobiographique, très riche émotionnellement et culturellement.
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Deux récits : lettre ouverte et le fil d'une vie, extraits de ses cahiers, autobiographiques. Son enfance au sein d'une famille socialiste, anarchiste et antifasciste entre une mère autoritaire et un père adoré puis détesté, elle se retrouve solitaire dans un monde qu'elle a du mal à comprendre, dans l'éveil de sa sexualité qu'elle refoule. Dans le deuxième récit, elle évoque ses conversations avec un psychanalyste après ses tentatives de suicide, la mémoire défaillante suite aux électrochocs. Lecture un peu laborieuse, surtout la deuxième partie. de beaux passages dans le premier récit.
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