C'est pas facile.
De parler de sa profession de soignant.
Infirmier, aide-soignant, dans le fond du décor avec encore derrière, la femme qui fait le ménage dans la 103.
Et puis, tout autour, les malades, les patients, les vieux. Ces gens qui décarochent, qui se souviennent plus comme il faut, qui n'arrivent plus à bouffer seul.
C'est pas facile de parler de ça et, pourtant,
Sammy Sapin se propose de le faire en à peine 80 pages chez les jeunes éditions le Clos Jouve.
Si vous connaissiez le
Sammy Sapin loufoque et ultra-inventif de
Faites comme si vous étiez morts, voici un nouvel aspect d'un auteur décidément surprenant.
Infirmier, une vie
Dans
J'essaie de tuer personne,
Sammy Sapin dévoile les dessous de son métier d'infirmier sous forme de poèmes, de rimes, de non-rimes, de mots et de phrases saisis à la volée.
En 72 morceaux, comme autant d'haïkus rallongés, l'auteur vous offre des bouts de son expérience professionnelle, des morceaux de sa pensée et des pleines poignées de ses émotions.
Ce résultat brut et expérimental laisse pourtant la place à l'authenticité, la sincérité.
Cette catastrophe quand on doit sonder quelqu'un et qu'on a l'impression d'avoir 8 méats en face de soi, cette dichotomie sadisme-empathie que l'on ne pense pas conciliable dans ce métier glorifié, ces rencontres étranges qui durent quelques phrases et qui marquent pourtant au fer blanc.
Dans cette suite de poèmes à la marge, on capture des patients en tant qu'humains et des humains en tant que patients, des gens qui vivent et qui meurent, qui rient et qui pleurent.
Entre les lignes, de l'amour, de la culpabilité, de la douleur, de la colère.
Sammy Sapin n'épargne rien et offre un panoramique de son travail en noir et en couleurs.
Projecteur sur l'oublié
Mais ce qui touche certainement le plus dans ce style insaisissable, c'est sa capacité à tenir les gens du fond, ceux qui, habituellement, n'occupent pas le premier rôle des séries télés ou des journaux.
Les patients, vieux, déments, sales mais si poignants dans leur vulnérabilité.
Les aide-soignants et les femmes/hommes de ménage relayés en arrière-plan et qui valent certainement bien plus qu'un note de bas de page.
Sammy Sapin, sans langue de bois, passe tout le monde devant, sur la scène, le temps d'un poème, le temps d'un je t'aime (littéraire).
Y'a des drames dans ces cases, des petites choses qui vous étreignent le coeur mais Sammy ne s'attarde pas, il continue et décrit encore et toujours le bon et le mauvais, le supportable et l'insupportable.
C'est doux et saisissant, mais parfois aussi rageant et colérique.
En tout cas, c'est toujours humain de bout en bout.
Un ouvrage pour les soignants et pour les patients, qui ne rogne pas sur le style pour faire plaisir au tout-venant, c'est ce que promettent ces quatre-vingt pages touchantes, ciselées et sincères. Un grand
Sammy Sapin en somme.
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