Lavander n'ignorait pas que, dans la troupe de garçons alignés devant lui, le jeune âge et les guenilles dissimulaient quelques petites filles poussées par leurs parents à cacher leur nature et à taire leur peur ; son coeur se serra, mais il se dit : "les temps sont difficiles pour tout le monde. Et qu'y puis-je moi, si le diable n'est pas mort?" en effet, qu'y pouvait-il ? Il secoua la tête et oublia les fillettes, le teint olivâtre et maladif de certains, comme l'absurde dangerosité de son examen idiot. Parmis ces douzes êtres faméliques (mais tous prêts à en découdre), l'un se montrait plus attentif et plus vif que les autres.
"Pour que tu ne nous oublies jamais, dit le Chef. Même quand tu seras devenu un grand et gros mossieur avec des lunettes, un plastron, une cravate et des chaussures cirees ! Lorsque tu auras des ennuis, comme toujours les adultes, il te suffira de jeter un œil sur ce lutin pour te rappeler que nous sommes là et qu'il n'y a pas que les ennuis dans la vie!"
C’était étrange comme un simple son ou une simple odeur pouvait ramener loin en arrière, faire renaître des personnes disparues, les rendre proche, comme si elles étaient en face de vous
Il est des “je t’aime” et des “merci” qui ne se disent qu’avec les yeux.
Où il est question des difficultés à mettre un mythe en action.
Ou comment l'ambition des lutins est contrecarrée par la frilosité des gens...
Les récits que préférait Le Falou étaient toujours inspirés des Vies des hommes illustres de Plutarque. "Le seul livre capable de mieux instruire un garçon que le meilleur des pères", disait-il.
Un jour, Harold posa une question d'enfant, c'est-à-dire moitié mieux qu'une question de philosophe [...]
"La bûche de Noël était un symbole qui se reportait au soir ou naquit Jésus. Le petit n'avait pour se réchauffer dans l'étable que le souffle chaud de quelques animaux et une bûche qu'on avait gardée précieusement pour le moment de sa venue. En souvenir de cela, à chaque Noël, on brûlait une bûche seule dans l'âtre. Avec le temps, ce simple morceau de bois prit un caractère magique: il fallait le choisir un an à l'avance, et toute l'année, il devait reposer à l'écart, à l'abri des intempéries. Le soir de Noël, avant de l'enflammer, l'on posait ses mains dessus et l'on mentionnait en silence ses voeux les plus chers pour l'année à venir; le lendemain, la bûche entièrement consumée, on récupérait ses cendres qu'on disposait dans des petits sacs à garder sur soi; c'était l'assurance que les voeux exprimés ne seraient pas oubliés par ceux qui pouvaient influer sur les hasards et les coïncidences de la vie ..."
p.128
Nous appellerons cela du "papier cadeau" ! Il faut qu'un présent soit une fête, avant même qu'on ne l'ait ouvert !
Bon. Là, cher lecteur, tu te demandes si l'auteur n'aurait pas eu jusqu'à présent deux ouvrages en préparation ; d'abord un conte à la sauce dickensienne, puis un autre roman fantaisiste et affranchi de tout réalisme ; et si, par l'esprit fatigué du même romancier, ces deux histoires ne se télescoperaient pas sous tes yeux, s'emmêlant d'une façon révoltante. Eh bien non !