«
le Mur » est un recueil de cinq nouvelles de longueur variable, paru en 1939
Si vous avez apprécié l'engouement et la joie de vivre de «
La Nausée », vous ne serez pas dépaysé avec ce « Mur » au nom tellement symbolique et évocateur :
le mur c'est la fin sur laquelle se fracassent tous les espoirs, c'est le bout de l'impasse, c'est le non-retour.
Autant dire qu'on ne lit pas «
le Mur » comme on lit « La Gloire de mon père » « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance » comme disait
Dante.
le Mur est un livre sombre et désespéré, qui comme «
La Nausée », illustre la théorie de l'auteur sur l'absurdité de l'existence. L'auteur définit ces cinq nouvelles comme « cinq petites déroutes tragiques ou comiques... Toutes ces fuites sont arrêtées par un mur », (quand il dit « comiques », il faut le prendre au sens sartrien, c'est à dire « un peu moins tragiques ».
Ces cinq nouvelles n'ont pas été écrites à la même époque, et la construction du recueil en fait foi : la première et la dernière ont des résonnances très contemporaines (en 1939), alors que les trois autres n'ont pas une assise temporelle bien définie :
«
le Mur » est l'histoire d'un condamné à mort dans les geôles de Franco. Il attend qu'on le fusille d'une seconde à l'autre Un coup du destin (une ironie du sort, une absurdité) le fait échapper au « mur » des fusillés… C'est sans doute la meilleure nouvelle du recueil, la plus prenante, la plus saisissante.
« La chambre » raconte l'histoire de deux couples bourgeois. M. et Mme Darbédat n'ont plus grand-chose à se dire, mais ils s'inquiètent du couple formé par leur fille Eve et son mari Pierre. Pierre est fou, et Eve envisage de le tuer avant qu'il ne devienne idiot.
« Erostrate » relate la genèse d'un crime gratuit (Comme Erostrate qui mit le feu au temple d'Ephèse) destiné à mettre fin à une existence insipide et monotone, et motivé par une « haine viscérale des hommes ».
« Intimité » ou les états d'âme d'une jeune femme frustrée mariée à un impuissant
«
L'enfance d'un chef » ou comment Lucien, un personnage lambda, plutôt falot et même artificiel peut devenir un antisémite convaincu. Un roman d'apprentissage à l'envers. C'est la nouvelle la plus longue du recueil. Elle a une résonnance toute spéciale en 1939.
Ces cinq nouvelles sont les seules qu'écrira
Sartre dans toute sa carrière. Paradoxalement, dans le genre romanesque, c'est ce qu'il a fait de mieux : «
La Nausée » tout comme « Les Chemins de la liberté » sont d'une nature difficile à lire tant les considérations philosophiques alourdissent le récit. Ici le style fluide, familier (et souvent trivial) fait que le lecteur ne décroche pas. Pour autant, il ne sympathise pas avec les personnages, dont aucun n'est véritablement positif, sauf peut-être dans le premier récit.
A sa sortie, ce recueil fit scandale par sa description presque obscène des scènes d'intimité, et par la verdeur, pour ne pas dire la vulgarité des dialogues. le fait aussi de prendre comme « héros » des marginaux (condamnés, à morts, malades mentaux, obsédés de toutes sortes…).
Aujourd'hui c'est un classique.