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Citations sur Gringo (8)

L'homme, c'est celui qui compte le temps, comme si un éternel "quelque chose" était là-bas, plus loin, au bout ... de quoi ? Comme si quelque chose n'était pas là, et qu'est-ce qui n'est pas là ?
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L’expérience de la vie humaine sur une terre
ne se joue pas pour la première fois maintenant.
Elle a eu lieu des millions de fois avant
et le long drame se répétera des millions de fois encore.
Dans tout ce que nous faisons maintenant,
tous nos rêves, nos accomplissements rapides ou difficiles, nous profitons subconsciemment de l’expérience d’innombrables précurseurs,
et notre labeur fécondera des planètes inconnues de nous et des mondes pas encore nés.
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(pp.217-218)
Pourtant la terre ne tremblait pas.
Qu’est-ce qui se passait donc?
Les savants pas encore syncopés disaient que c’était la mutation. Mais la mutation de quoi? Qu’est-ce qui mute ? Quel organe?
Ils se palpaient les poches, le ventre, mais ce n’était pas là.
Ils se palpaient la tête, mais ce n’était pas là non plus, à moins que ce ne soit une mutation de mémoire ?
Et ils secouaient la tête, secouaient la tête, comme Gringo et Rani, là, sur le boulevard.
Et c’était si RIEN, tout d’un coup …
Rien, là, sur le boulevard, avec deux pattes et un complet-veston.
La mutation, c’est quelque chose qui mute, mais là, c’était le rien qui mute, c’était la mutation dans rien. Le rien, c’était le lieu de la mutation. Et est-ce qu’on peut être à la fois chenille et papillon ?
C’était ce moment du rien-entre-deux.
Et ils se regardaient, ils se regardaient, et comme ils avaient laissé leurs yeux noirs rouler sur le pavé, ils se sont assis par terre à côté de leurs yeux, ils se sont assis par terre avec leur NON dans le coeur, ils se sont assis dans un rien brûlant, parce que si ça ne brûlait pas, ce n’était plus rien du tout, c’était la mort debout et en complet-veston.
Une flamme.
De quoi, pour quoi, on n’en sait rien.
Ils sont entrés dans l’homme de flamme.
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(pp.213-214)
Il y Il y eut un silence effrayant dans cette foule arrêtée.
Gringo serrait la main de Rani comme à travers des vies de condamné à mort, des barreaux et des barreaux sans fin et des nuits de supplicié à attendre les pas dans le couloir. Et puis l’aube avec un cri d’oiseau, on ouvre la porte.
Gringo a crié.
Il a crié du fond des morts sans fin, des corps étranglés, des corps battus, violés. Du fond des nuits et des nuits sans rémission, du fond des coeurs et des coeurs troués.
Alors la foule a regardé encore une fois d’où venait ce cri. Elle a regardé dans son coeur tout d’un coup. Elle a regardé sa nuit tout d’un coup.
Ses yeux noirs ont roulé par terre.
Il y avait une flamme dedans.
Un petit quelque chose.
Un enfant a crié. Un autre enfant a crié.
Ils ont laissé tomber leurs livres, laissé tomber leurs serviettes noires. Ils ont laissé tomber leurs bras.
Une minute nulle.
Puis Rani a murmuré comme une somnambule, avec un tout petit souffle, un tout petit cri au bout : « Non! »
Un tout petit cri de rien.
Et leurs yeux de flamme se sont ouverts.
Alors un formidable cri a saisi la terre et du fond de la mort, ils ont crié : N O N !
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(pp.210-213)
Il y eut un silence.
- Ils aiment leur douleur, ils ne veulent pas la lâcher. Tiens, regarde, je vais te montrer.
Brusquement, ils se retrouvèrent tous les deux sur le boulevard d’une grande ville.
Une foule immense, grise, interminable.
Tout d’un coup, Gringo y était.
- Non, Mâ ! Non !
Personne ne les voyait.
- Ce n’est pas possible, Mâ, pas possible ! Oh ! Je ne vais pas encore une fois descendre ce boulevard, prendre le métro, recommencer les gestes, tous les gestes…
Mâ ne disait rien.
Soudain Rani est apparue en jean, sa queue de cheval au vent, toute rose comme après une course.
Je me suis bien amusée ! J’ai accroché une ficelle dans les cornes de Chacko et on a glissé-glissé dans la neige …
Elle s’et arrêtée net.
- Mais qu’est-ce que c’est que tout ça ? Qu’est-ce qu’ils ont tous ? … Mais c’est fou !
Elle a attrapé Gringo par le bras et l’a secoué :
- C’est fou ! Mais dis-moi que c’est fou …
Gringo ne disait rien.
- Voyons, Gringo …
Elle regardait à droite, regardait à gauche.
Maintenant, des larmes se sont mises à couler sur ses joues. Elle secouait la tête sans dire un mot, c’était tout voilé, c’était affreux. Et des hommes, encore des hommes, avec leur serviette sous le bras, des femmes, encore des femmes, sur leurs souliers pointus.
Gringo ne disait rien, il regardait.
Il regardait à se faire éclater les yeux avec une douleur si profonde dans le coeur, comme s’il avalait des morts et des morts et des douleurs sans fin et des milliers d’ombres, là, les bras ballants, au bord d’un trottoir pour toujours, à travers des vies et des vies d’ombres, pour rien, avec un métro au bout, et on recommence : La Motte-Picquet -Grenelle, tout le monde descend, mais c’est de la blague ! on remonte toujours. Et ça continue.
- C’est effrayant, murmura Gringo.
Rani ne disait plus rien, elle était blanche comme une morte, les deux mains serrées sur rien.
Mâ ne disait rien. Elle regardait. Puis Elle s’est approchée de Rani, doucement, et lui a dit avec une tendresse infinie :
- Tu veux retourner voir Chacko ?
Rani a secoué la tête. Elle était perdue dans une sorte de cataclysme et secouait la tête, secouait la tête comme une somnambule.
- Et toi, petit, tu veux ?
Gringo a secoué la tête, secoué la tête.
Puis il a pris la main de Rani, regardé cette foule, regardé Mâ :
- Je reste pour crier avec eux !
Alors il s’est retourné vers cette foule grise, et il a poussé un cri si déchirant que toute cette foule s’est arrêtée subitement comme si son propre coeur criait.
Ils se sont retournés. Ils ont regardé à droite, à gauche. Ils ont regardé encore. Ils avaient deux trous noirs à la place des yeux. Ils ont regardé leur abîme tout d’un coup.
Il y eut un silence effrayant dans cette foule arrêtée.
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(p.210)
À cet instant Psilla a débouché devant eux. Elle est allée tout droit vers une espèce d’amas de cailloux au milieu de la clairière, elle s’est penchée un peu et elle a brûlé de la résine dessus. Gringo n’y comprenait rien.
Tu vois, dit Mâ, ils ont fait un trou et ils m’honorent.
Puis Elle a pouffé de rire comme une petite fille :
- Je suis bien honorée.
Gringo était sidéré.
- Mais tu n’es pas là-dedans!
- Mais si mon petit, je suis aussi là-dedans.
- Mais ce n’est pas vrai !
- C’est vrai pour eux. Ils me gardent sous clef; comme ça, je ne suis pas dangereuse!
- Mais enfin, qu’est-ce qui t’empêche de sortir de là! Tu fais sauter tout leur truc, et tu sors.
- Ils seront épouvantés, mon petit.! Ils en mourront debout. Je ne suis pas si méchante ! Je pouvais très bien aussi ne pas rentrer dans leur trou.
- ??
- Ils le voulaient comme cela. Écoute, mon petit, tu n’as encore rien compris à leur filet. Je ne suis pas là pour faire des miracles ahurissants, je suis là pour les pousser à sortir de leur filet. Bon. Eh bien, il faut une dose raisonnable de suffocation pour qu’ils veuillent en sortir. Alors je les suffoque peu à peu — ou plutôt ils se suffoquent eux-mêmes.
- Mais toi, là-dedans, qui es-tu?
- La douleur de la terre.
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UN JOUR, QUAND LA TERRE ÉTOUFFERA
(pp.61-63)

Elle rit, et son petit rire était si délicieux, comme une cascade claire parmi les siècles figés. On aurait dit qu’Elle avait quinze ans.

— Attends, soyons sérieux...

Elle tira des plis de sa robe un petit paquet soigneusement plié dans une étoffe de soie, l’ouvrit. Il y eut un chatoiement bleu. Et Elle passa autour du cou de Gringo une guirlande de lapis-lazuli.

— Tu vois ça ...
Elle posa son doigt sur chaque pierre en pressant fort contre la poitrine de Gringo.
— Chaque pierre sur le chemin, chaque pierre pour une vie...

Et ses doigts coururent sur la guirlande.

— Mais au bout de toutes les pierres, il y a l’anneau qui relie tout. Chaque pierre pour une question, chaque pierre pour une réponse. Mais au bout... il y a autre chose... Autre chose.
— Dis-moi !
— Mais on ne dit pas l’autre chose, petit : on la fait.
— Comment ?
— Et comment le petit gecko court-il sur ses pattes ? — J’ai assez couru dans une peau d’homme, Mâ.
— Tu veux devenir un homme ? une hirondelle ?

Gringo resta à considérer l’hirondelle; ce n’était pas mal, une hirondelle...

— Mais une hirondelle pour toujours et toujours ?
— Ah! voilà, petit...Quelque chose qui sera tout : une hirondelle, un petit lézard, un caillou rond — une guirlande d’hommes, une guirlande de quoi d’autre ?
— Plus de guirlande ! Chaque seconde pleine !

Elle eut un sourire de malice :

— Ils disent qu’il faut aller au ciel pour ça, ou au pays des morts.
— Ce n’est pas vrai, tu le sais bien, tu me l’a dit mille fois, j’ai mille papyrus dans mon coffre! Tu m’as dit tant et tant de secrets. Mâ, je suis ton scribe. Mais les sagesses sont vieilles, j’ai vingt-six ans et j’ai soif.

Le visage de Mâ devint grave. Elle ferma les yeux. Son corps semblait s’emplir de lumière comme le vase l’albâtre sous la flamme.

— Écoute, petit... Ils me disent vieille... et j’attends depuis si longtemps qu’ils veuillent bien autre chose. J’ai des millénaires et j’attends. J’ai des trésors d’aventure. Mais qui a soif, petit, sauf de petites merveilles et de progéniture heureuse? Qui croit en plus que l’homme ?
— Je crois.
— Que feras-tu, tout seul d’une autre espèce parmi les vieilles tribus ?
Un silence est tombé. On entendait le bruit étouffé des gongs. Grigne se sentait lourd, soudain, comme s’il portait le poids du monde avec ses gongs, ses morts, ses marchés d’épices dans un grouillement bavard.
— Quel est le secret du changement, murmura-t-il ?Où est le Passage ?
— Un jour, quand la terre étouffera de sa science d’homme et de ses myriades barbares...

Alors elle leva ses grands yeux de diamant sur Gringo.

— Tu seras là, je t’appellerai. Maintenant, va, on nous attend.

Gringo posa son front sur ces genoux. Il lui sembla fondre dans un brasier blanc.
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Montre-moi 172 hommes — autant qu’il y a de pays— qui VEUILLENT VRAIMENT arrêter la pendule ?
J’ai entendu quelques petits zzt-zzt par-ci par-là. Toi-même, tu m’as dit que c’était l’heure : c’est « cette fois-ci ».
Puis Gringo s’est arrêté, ses mots sont tombés. Il revoyait cette cour sous des projecteurs blancs, ces fusillés ici, ces pendus là, ces prisons et ces prisons dans tous les catéchismes du monde, cette énorme prison hygiénique et mathématique avec ice-cream et saxophone, ces colonnes grises et grises qui montaient à l’assaut d’un ciel sans oiseau, avec quelques casques et capsules pour changer de lune et battre leur métronome sous d’autres ionosphères : clic-clac, clic-clic-clac, sur Vénus et Neptune et la Constellation d’un Cygne éteint.
Alors Gringo eut un cri :
Mâ ! Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible!…
Et c’était comme toute la terre qui criait dans un seul petit coeur d’homme, oh! si futile.
Mâ eut un sourire et caressa les cheveux de Gringo.
J’avais besoin d’un cri, petit, un seul cri vrai pour défaire la magie qu’ils ont inventée. Car je ne fais pas de miracles : je défais seulement ce qu’ils ont ajouté.
Puis elle laissa son regard errer sur cette foule.
Je vais te montrer la non-magie, le monde sans leur magie, tel qu’il est.
Et Elle prit la main de Gringo et de Rani.
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