Si Ludovic Talmond, 56 ans, se retrouve le mercredi 10 juin 1998 au Stade de France, stade apparu il y a seulement quelques mois à St Denis, au Nord de Paris, pour le match d'ouverture du Mondial, ce n'est pourtant pas parce qu'il aime le foot, mais parce qu'il est au travail. Il est là en qualité de directeur délégué du Groupe bien connu dont il porte le nom, qui couvre tout le secteur de la parfumerie et du cosmétique, « chargé de recevoir nos invités dans la loge luxueuse que nous avons réservée pour les neuf matches de la compétition », la finale étant prévue le 12 juillet.
Chaque chapitre porte la date de chacun de ces neuf matches et se déroule lors de ces journées avec bien sûr en apothéose la fameuse finale qui clôt le roman !
L'épouse de Ludovic, Lily, ayant disparu du foyer depuis deux jours, Ludovic, sur les conseils de sa soeur Sophie fait appel à Danielle issue d'un milieu plus modeste, de Juifs algériens, qu'il connaît depuis les bancs du lycée
Montaigne, à Paris, mais qu'il n'a pas revu depuis 1968.
Celle-ci, devenue éditrice, possède sa petite maison d'édition. de plus elle parle couramment le japonais et ainsi Ludovic va pouvoir profiter de ses compétences pour mener les négociations avec un certain Kiyo, détenteur d'une guitare ayant appartenu à
John Lennon qu'il souhaite vendre, une Gibson J-160E ! Il faut dire que Ludovic est passionné par les Beatles qu'il a connus personnellement avant qu'ils ne deviennent ce groupe mythique et que, de plus, il est un collectionneur quasi obsessionnel, passion transmise par son grand-père. L'acquisition de cette
Pièce unique va se révéler un véritable enjeu pour nos deux protagonistes Danielle et Ludovic.
Par de nombreuses remémorations et évocations de souvenirs,
Alain Schmoll nous entraîne à la fois dans leurs vies respectives bien différentes mais néanmoins complémentaires. Dans ce retour dans le temps, Mai 1968 occupe une grande place, avec à la fois les événements qui ont eu lieu et leurs répercussions pour le groupe Talmond, mais aussi la politique algérienne menée par le Général de Gaulle et les agissements du SAC, Service d'action civique.
Il me semble, à la lecture de ce roman, que l'auteur ne peut être qu'un admirateur passionné des Beatles, tant il décrit dans le détail et à merveille l'ascension de ce quatuor musical britannique originaire de Liverpool. Et, s'il fait dire à son narrateur que le foot n'est pas sa tasse de thé,
Alain Schmoll nous fait cependant revivre d'une manière assez originale, le parcours de l'équipe de France vers son premier titre mondial remporté à domicile qui n'est pas des plus aisés.
Avec beaucoup de psychologie, il croque de beaux portraits des deux héros ainsi que des autres personnages.
J'ai particulièrement aimé lorsque Ludovic a du se tourner vers de plus jeunes personnes lors du match Italie - Autriche, celui-ci ne semblant pas passionner les invités des loges. Il se retrouve alors seul représentant de l'état-major du Groupe et ce n'est pas pour lui déplaire. Il se sent enfin investi d'une mission dont il va d'ailleurs très bien s'acquitter, sachant faire la promo des produits de la société en vantant leurs bienfaits sur les sportifs, racontant des anecdotes tout en faisant partager sa passion pour la musique à son jeune public, citant Cliff Richard, n'hésitant pas à chanter, à se déhancher, mimant un jeu de guitare, pour en venir enfin à sa rencontre avec
John Lennon en personne. Son auditoire rit, applaudit, bref, est conquis. Une séquence vraiment jouissive dans laquelle le naturel de notre homme s'exprime enfin.
Pièce unique permet de pénétrer au sein d'un grand Groupe et d'entrevoir quelques recettes pour le faire fructifier, dépensant une fortune pour des opérations de communication, telle la location de cette loge, ceci afin de remercier leurs Partenaires et ceux qui contribuent à sa réussite et à sa prospérité. Un bouquin que je trouve néanmoins un peu trop centré sur ces industriels, n'abordant à aucun moment les ouvriers qui sont pourtant, il me semble, au moins autant méritants que ces fameux invités !
L'intérêt de ce récit se trouve cependant dans la confrontation des souvenirs d'il y a trente ans entre cet homme et cette femme, attachants chacun à leur manière et il faut attendre la fin du roman pour enfin entrevoir des perspectives plutôt inattendues. Une fin que j'ai trouvée particulièrement excellente, réussie et surprenante au possible !
Je remercie
Alain Schmoll pour m'avoir permis de découvrir ce roman très original et très rythmé.
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