La transparence impossible

Deux personnes voulant se comprendre l'une l'autre jusqu'au plus profond d'elles mêmes, sont comme deux miroirs disposés l'un face à l'autre, se renvoyant sans cesse leurs propres images, de toujours plus loin, dans une sorte de curiosité désespérée, jusqu'à finir par se perdre dans les limbes d'un lointain sans espoir.

La force purifiante de la vérité est si grande que sa seule recherche suffit déjà à régénérer l'air ambiant; la force destructrice du mensonge est si terrible, qu'une simple tentation suffit à empoisonner l'atmosphère.

On doit avoir le courage d'exprimer des évidences. On ne réfute pas une platitude en reconnaissant qu'il s'agit d'une platitude. La plupart des vérités sont des platitudes, et on les dénigre moins parce qu'elles sont des platitudes que parce qu'elles sont souvent des vérités irréfutables et inconfortables.

La plupart des bonnes actions sont faites par vanité, par scrupule, sous la pression d'une peur plus ou moins consciente; rares sont les bonnes actions qui viennent directement du cœur. Or même celles-ci répondent davantage à notre propre intérêt qu'à celui d'autrui, car elles ne sont rien d'autre que les versements provisoires pour une dette énorme dont nous ne serions jamais capables de nous acquitter entièrement.

Il n'y a pas de grandes différences entre les actions voulues et celles auxquelles nous avons été contraints. Si nous avions le courage, ou la modestie, ou les années nécessaires pour remonter les actions voulues jusqu'à leur cause première, nous saurions que nous avons aussi été contraints à ce que nous avons voulu.

On peut très bien se passer du concept de Dieu, finalement. Malheureusement pas du mot.

Les militaires pourraient parfaitement vivre sans la guerre. Les manoeuvres leur suffiraient. Seuls les diplomates en on besoin.

Nous ne percevons jamais qu'un certain nombre d'enchaînements de causalité, et en plus jusqu'à un certain point seulement, alors que chaque instant que nous vivons représente le point de recoupement d'un nombre infini d'enchaînements de causalité qui viennent de l'infini et se poursuivent dans l'infini.

La raison se connaît, et connaît ses limites. Elle sait qu'elle n'est rien d'autre qu'une modeste lueur dans la pénombre de l'infini, et pourtant la seule qui soit à notre disposition. Bien sûr, sa clarté ne va pas très loin; mais devons-nous pour autant la souffler comme une bougie et avancer dans le noir total, si nous ne faisons pas partie de ces bienheureux à qui suffit ce faible brasillement venu d'en haut?

D'abord il y a l'envie de disputer, et ensuite seulement arrive l'objet de la dispute. C'est la même chose avec l'amour et la haine. Et si cette envie tourne d'abord dans le vide, une loi immuable fait qu'on ne tarde pas à voir arriver un individu ou un objet pour combler automatiquement ce vide.