Créer de toutes pièces un personnage tel que celui de Jésus était une performance bien plus formidable que tous les miracles faits par Jésus, à supposer qu’ils aient existé.
Pourquoi alors, vous les croyants, êtes-vous si offusqués par ceux qui sont plus enclins à croire au poète qui a créé le personnage de Jésus, qu’au personnage de Jésus lui-même ? Tout ce qu’il y a de terrestre dans ce personnage, que ce soit le fait d’un poète ou d’un Jésus, est depuis longtemps dépassé. Ce qu’il y a d’impérissable dans ce personnage, quel qu’en soit l’auteur, traverse les siècles de sa lumière.
(p. 80-81)
Il faut déjà être un individu d’une certaine qualité pour ne pas confondre désir de liberté et envie de se décharger de toute responsabilité.
(p. 57)
A la base de notre rapport avec la vérité, il y a une erreur, une fiction, on serait tenté de dire un mensonge qui nous la fait considérer comme souhaitable, comme l’expression d’une perfection morale, ce qui n’est pas du tout le cas. La vérité, dans la mesure où elle n’est que de l’exactitude n’a
aucune signification morale.
Si tu te promènes avec une femme que tu aimes dans les rues d’une ville étrangère, tu as l’impression d’y être déjà depuis des années. Si tu te promènes avec elle dans une région que tu connais depuis déjà longtemps, tu crois te retrouver dans un monde fantastique et lointain.
(p. 44)
Ces derniers temps, la raison est mise à mal, elle est même carrément tournée en dérision par les mystiques, les occultistes et les personnes pieuses, parce qu’elle se révèle incapable de répondre à toutes les questions posées. En a-t-elle jamais eu la prétention ? Si tel était le cas, elle ne mériterait plus le nom de raison. Elle se connaît et connaît ses limites. Elle sait qu’elle n’est rien d’autre qu’une modeste lueur dans la pénombre de l’infini, et pourtant la seule qui soit à notre disposition. Bien sûr, sa clarté ne va pas très loin ; mais devons-nous pour autant la souffler comme une bougie et avancer dans le noir total, si nous ne faisons pas partie de ces bienheureux à qui suffit ce faible brasillement venu d’en haut ?
(p. 74-75)
La finalité de toute culture c’est de rendre superflue ce que nous appelons « la politique », mais indispensables à l’humanité les sciences et les arts.
(p. 69)
Certaines personnes sont juste suffisamment éclairées pour ne pas croire aux fantômes, mais pas suffisamment pour ne pas se demander s’il n’y en avait pas encore quelques-uns au siècle dernier.
(p. 81)
Vous n’adhérez à aucun parti ?
Non, je me réserve le droit de pouvoir mépriser tous les guignols, et surtout ceux qui sont de mon avis.
(p. 58)
Il est parfois possible de comparer l’humanité à une petite fille. Si un grand homme s’approche d’elle, elle est gênée, court dans sa chambre et continue de jouer avec ses poupées.
(p. 56)
Une revolution est une entreprise dans laquelle on exécute quelques centaines ou quelques milliers d’innocents, ou du moins ceux qu’il ne fallait pas, afin qu’un coupable, ou en tout cas celui qu’il ne fallait pas, arrive au pouvoir.
(p. 67)