Citations sur Vienne au crépuscule (31)
J'entame de nombreux projets, mais je ne termine rien. En général, l'achèvement m'intéresse rarement. Il faut croire que par nature j'en ai trop vite terminé avec les choses.
– (…) Il est incroyable de voir combien les gens réfléchissent peu sur ce qui se passe dans leur voisinage immédiat, si une occasion extérieure ne les y force pas. Et la plupart des hommes ne se doutent même pas de ce qu’ils savent, de ce qu’ils savent au fond d’eux-mêmes, sans vouloir se l’avouer.
(p. 378-379)
"Il suffit de peu de chose pour réveiller le mépris de nous-mêmes qui continuellement sommeille en nous, et quand cela se produit, il n'est pas de crétin, de crapule avec qui nous ne contractions dans notre for intérieur une alliance contre nous-mêmes."
Quand on n'est pas un génie, il vaut mieux être un honnête dilettante qu'un ... artiste bouffi d'orgueil.
À peu d’individus, à très peu, il était donné la disponibilité intérieure formidable permettant de ressentir chaque expérience comme nouvelle et unique leur conférant la force de supporter la conscience de se retrouver, pour ainsi dire, à chaque instant dans un monde nouveau. Et pourtant, à celui-là seul qui surmonte la lâche tendance à enfermer chaque événement dans des mots, à celui-là seul la vie, la vie multiple, la vie merveilleuse, révèle son vrai visage.
(p. 377)
Il s’apercevait que les petites inexactitudes dont il se rendait parfois coupable dans ses récits comptaient peu en regard du halo de mensonge indestructible que chaque souvenir sécrète de lui-même pendant le court trajet des lèvres de l’un à l’oreille de l’autre.
(p. 239)
Dans le secret de son coeur, Georges prononça un tendre adieu à tant de jours de bonheur et de souffrance dont la rumeur lui semblait se perdre dans cette vallée qu'il quittait maintenant pour longtemps, et, d'un même mouvement, il adressa son salut aux lendemains mystérieux qui par le vaste monde accueillaient de leurs fanfares sa jeunesse.
Par une nuit de mai d’un bleu marine, ils étaient étendus dans deux chaises longues de toile sur le pont du bateau qui les conduisait à Gênes. Un Français âgé aux yeux clairs, leur vis-à-vis pendant le dîner, demeura un moment auprès d’eux, il leur fit observer les étoiles suspendues dans l’infini comme de lourdes gouttes d’argent. Il cita les noms de quelques-unes d’une manière courtoise, obligeante, comme s’il se croyait tenu de faire les présentations entre les étincelantes voyageuses du ciel et le jeune couple.
(p. 238-239)
- Vous aimez la solitude ?
- Il est difficile de répondre à une question aussi générale.
Le dernier mot ? Est-ce que ça arrive que quelqu'un ait le dernier mot ? On discute seulement pour soi-même, jamais pour convaincre autrui. Pouvez-vous croire que Thérèse eût admis finalement qu'un homme raisonnable ne puisse jamais, au grand jamais, adhérer à un parti ! ou que j'aie dû lui accorder que ma neutralité en politique provenait de ce qu'il me manque une conception du monde ? Que dites-vous de tout le verbiage autour de cette expression ? Comme si elle signifiait autre chose que la capacité et la volonté de voir le monde dans sa réalité, c'est-à-dire de le contempler sans être troublé par une opinion préconçue, sans le besoin de tirer d'une expérience personnelle une nouvelle loi ou de l'insérer dans un texte existant. Mais pour les gens une conception du monde n'est rien d'autre qu'une espèce supérieure d'activité du caractère, pour ainsi dire, une activité du caractère dans le cadre de l'infini.