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Simone Schwartz –Bart dans Pluie et vent sur Télumée Miracle, annonce la couleur dès la première page : si on lui en donnait le choix, elle choisirait de mourir ( enfin, son héroïne) en Guadeloupe : « Pourtant, il n'y a guère, mes ancêtres furent esclaves en cette ile à volcans, à cyclones et moustiques, à mauvaise mentalité. Mais je ne suis pas venue sur terre pour soupeser toute la tristesse du monde. »
Et je vais moi aussi annoncer la couleur : j'ai peiné à lire ce livre et je n'ai pas vraiment compris puisque je ne connais pas la culture des Antilles, les contes, les chansons, les traditions, les croyances, les végétaux dont j'ai dû chercher les noms dans le dictionnaire (acomat, courbaril, adégonde, dont je comprends bien qu'ils ne peuvent être traduits) et surtout, la manière imagée et charmante de parler, et incompréhensible à la fois.

Un exemple entre autres : La grand mère va voir une amie voyante et lui parle de son rêve.
-Quel rêve demande la voyante ?
-J'en fais un pied de chance dit la grand mère, et je te l'amène à respirer ».
Puis elle déclare à notre héroïne :
« -sois une vaillante petite négresse, un vrai tambour à deux faces, laisse la vie frapper, cogner, mais conserve toujours intacte la face du dessous. »
Pour cogner, ça cogne, dans ce village de Guadeloupe, morts violentes, incendies ravageurs, famine, grande pauvreté et souffrances. Il faut bien trouver une raison à cette carence aggravée par la sécheresse, à ces récoltes infructueuses, aussi la magie africaine est un recours : les morts côtoient les vivants, les esprits maléfiques rodent, le bonheur n'est jamais acquis, il faut prendre au sérieux les malédictions, la sorcellerie peut aider ( mais dans le cas cité plus haut, la sorcière ne sait pas !).


Et du côté positif, l'Afrique lègue des manières d'agir : se métamorphoser en animaux, laisser les morts en paix et ne pas les accabler par notre chagrin, s'abriter sous des arbres ( le flamboyant où déjeunent Elie et Télumée, le prunier de Chine où elle se réfugie), et chanter, et danser, avec cette intelligence foncière d'ensoleiller sa vie .
Et aussi de superbes phrases sur la beauté noire :
« Quand elle se tenait assise au soleil, il y avait dans la laque noire de sa peau des reflets couleur de bois de rose. Lorsqu'elle bougeait, le sang affluait à sa peau, se mêlait à sa noirceur et des reflets lie-de-vin apparaissaient à ses pommettes. »

« Ses yeux se posaient sur vous comme un écharpe de soie et sa bouche enjôleuse, son rire en cascade, sa peau sombre aux ombres violettes s'imposaient à toute femme qui le croisait dans la rue, par hasard. »

Parmi les images récurrentes, la présence constante de l'eau. Télumée plonge toute habillée avec son amoureux dans la rivière, elle s'asperge souvent d'eau mélangée à des plantes. Les filles à l'âge adulte ont leurs propres voiles pour naviguer, et Victoire sa mère fantasque fait glisser sa barque sur les eaux de la vie d'une manière inadéquate. Mener sa barque à travers les tourmentes, les vents contraires et les désolations.
L'amour, an fait, consiste en la comparaison avec des arbres ou des fruits. Elie, le premier amoureux la compare à un beau fruit à pain mûr, la grand mère lui demande de devenir comme un filao, de rayonner comme un flamboyant, et de gémir comme un bambou.
Et son dernier amant ( le premier s'étant transformé en vent car elle n'est plus une femme, mais un nuage et l'ayant donc chassée de la case) la compare à une feuille de siguine sous la pluie.
Je me suis posé une petite question : SSB a t elle, comme son héroïne, répondu à son mari André Schartz- Bart, qui lui déclarait les premiers émois de son coeur:
« le couteau seul sait ce qui se passe dans le coeur du giraumon »?


Femmes courageuses certes, de cette « lignée de hautes négresses », dans ce monde si peu attrayant, mais qu'on ne me parle pas de résilience : elles acceptent leur sort, la pauvreté, résignées à se faire frapper par « leur zèbre », elles ne peuvent rien contre la désolation de toute l'ile, les morts qui frappent, la faim, la mendicité, le travail chez les blancs. Il y a bien des couleurs, des fruits exotiques, des odeurs de vanille, mais, jusqu'à la fin, pas d'espoir.
Pluie et vent, oui. le miracle, je ne vois pas.
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Télumée vit pauvrement dans la campagne guadeloupéenne, aux côtés de sa grand-mère, Reine Sans Nom. Pluie et vent sur Télumée Miracle est un roman sur les femmes de l'époque. Au début du XXe siècle, c'est la fin de l'esclavage mais les Blancs font toujours travailler les Noirs durement, comme dans la canne à sucre. Elles doivent travailler leur terre, profiter des courts moments de bonheur et faire face aux malheurs quand ils tombent sur vous sans avoir eu le temps de s'y préparer.

Mes parents sont nés en Guadeloupe, j'aime beaucoup revenir à mes origines et savoir comment on y vivait là-bas, même s'ils m'en ont beaucoup parlé (mais plutôt les années 70). J'ai beaucoup aimé ce livre qui raconte la vie de ses femmes guadeloupéennes qui résistent aux injustices morales et sociales de leur époque. Leur vie est difficile et pourtant, elles relèvent la tête et reprennent le chemin. J'ai été portée par l'écriture poétique, les métaphores fleuries, par les chants de l'île, les petits actes de sorcellerie et l'amour. Mais il y a comme un goût amer quand on repense à toutes ses souffrances... Un roman dur mais nécessaire. Un bel hommage à ces femmes, ce roman a reçu le prix Elle des lectrices de 1973.



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Télumée a été élevée par sa grand-mère. Toute sa vie, Télumée essaiera de continuer cette lignée de femmes talentueuses. Télumée connaîtra l'amour, les rêves et finira seule mais souriante. Ce roman nous entraîne dans le monde de l'esclavage mais également chez ces femmes qui ont une telle force de caractère que rien ne leur fait peur. Elles se battent de toutes leurs forces, moralement parlant. Un roman passionnant !

Lien : http://promenades-culture.fo..
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Télumée vit en Guadeloupe, avec sa grand-mère, Reine sans Nom. Son arrière-grand-mère, Minerve, était esclave puis a été affranchie. Malgré cela, le poids de l'esclavage pèse sur les femmes de la lignée et Télumée le ressent encore fortement. Toute sa vie, qui nous est racontée ici, elle doit se battre pour exister, chaque bonheur reçu n'est jamais définitif. Malgré cela, Télumée trouve dans les enseignements de sa grand-mère et dans l'amour qu'elle lui a prodigué, la force de continuer.

Cette lecture m'a souvent remis en mémoire "La légende d'une servante" de Paula Fox que j'ai lu il y a quelque mois. Là aussi, il était question d'une petite fille des Caraïbes, de son amour pour sa grand-mère et de sa nostalgie pour son île, une fois qu'elle avait été emmenée à New-York. Ici, Télumée reste sur son île, se bat pour construire son bonheur avec Elie, puis le quitte pour échapper à sa violence et à sa folie, puis reconstruit un autre bonheur, pour un temps.

C'est encore une fois un parcours de femme qui est raconté ici par Simone Schwarz-Bart, dans une langue entre l'écrit et l'oral, qui exploite la culture créole, ses croyances et ses proverbes pour chaque situation de la vie. Une vie difficile, de travail et de souffrances, à laquelle Télumée tient pourtant, jusqu'au bout.
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Il s'agit de la vie d'une femme noire de Guadeloupe , contée par elle-même. Et d'abord elle nous raconte la vie de celles qui l'ont précédées, sa mère et surtout sa grand-mère Toussine, dite la Reine Sans Nom. La mère de Toussine a encore connu l'esclavage ; Toussine a eu ses moments de bonheur et de douleur, mais elle est très heureuse de prendre chez elle Télumée, notre héroïne lorsque Victoire, sa mère, se met en ménage avec Haut-Colbi, un nègre caraïbe. La petite fille va aimer et aider sa grand-mère au quotidien. Elle doit travailler, et comme sa grand-mère ne veut pour rien au monde qu'elle aille le faire dans une plantation, elle la place comme domestique dans une famille blanche. Télumée va compter les jours, mais elle supporte cette difficile expérience grâce à son amour pour Eli, son camarade d'enfance, qui lui a promis de venir la chercher lorsqu'il aura fini de construire leur case. Et il tiendra parole. Nous suivons ainsi la vie de Télumée jusqu'à sa vieillesse, dans ses moments heureux comme malheureux, et ces derniers sont de lui les plus nombreux, peu de possibilités de vivre correctement étant offerts aux noirs dans le monde de Télumée. Entre les désordres climatiques, la pauvreté, le manque et la dureté du travail, l'alcoolisme, surtout des hommes, et leur violence, la jalousie et les mesquineries des voisins, les moments heureux sont rares, mais d'autant plus marquants. Télumée a appris de sa grand-mère une philosophie de la vie qui tend à se réjouir de ce que l'on a, et à ne pas se plaindre, à essayer de pardonner à ceux qui vous ont fait souffrir.

Le livre n'est à aucun moment misérabiliste, il essaie de donner de la dignité aux personnages qu'il décrit, aussi déshérités soient-ils. le spectre de l'esclavage et de ses souffrances plane en permanence sur la communauté, d'autant plus que pour subsister les anciens esclaves dépendent toujours de leurs anciens maîtres, qui possèdent plantations et terre, alors qu'eux-mêmes n'ont que leur corps à vendre pour subsister. Les relations entre les femmes et les hommes semblent particulièrement difficiles, surtout pour les femmes, qui souvent subissent violence, abandons, et qui doivent se débrouiller seules pour élever les enfants et faire subsister la famille. Mais le bonheur peut surgir lorsqu'on ne l'attendait plus, d'autant plus que l'on capable de se contenter de peu.

Un très joli livre, plein de vie et de verve, qui raconte de façon sensible et émouvante la vie de cette femme, de toutes ces femmes, et finalement de toute une communauté. J'ai été étonnée par l'écriture, car il n'y a pas vraiment d'expressions créoles, quelques tournures ou un vocabulaire tout au plus un peu inusité, cela dit ce n'est pas du tout gênant pour la crédibilité et cohérence du récit, et la langue de Simone Schwarz-Bart très fluide et inspirée, contribue dans une large mesure à la réussite du livre.
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Cap sur la Guadeloupe, moi qui n'y ai jamais mis les pieds, avec ce roman de Simone Schwarz-Bart. Dans une atmosphère unique fortement ornementée d'images et de métaphores, c'est l'ascendance et la vie de Télumée qui nous est offerte comme un fruit précieux. D'enfant insouciante sous un beau ciel bleu, elle grandira au gré des nuages prenant conscience de ce que véhicule dans ce monde le fait d'être incarnée dans ce corps de femme, mais aussi de descendante d'esclaves. Entourée d'aïeules indépendantes et fortes, celle qui fut tour à tour verre en cristal, libellule ou fleur de coco deviendra tige de bambou qui ploie mais se redresse sans cesse, la musique de la vie battant plus fort encore dans son coeur. Attachante, valeureuse et portée par une prose sublime, légère comme une bruine qui perle délicatement sur l'âme ; on suivrait Télumée au bout du monde, sous les tempêtes de tous les ouragans, pour assister encore et encore à ses miracles.
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Dépaysement total!

Télumée m'a emportée dans sa case de planches juchée sur 4 pierres, au bord de la forêt non loin des champs de cannes. plongée dans l'inconnu d'une végétation tropicale  d'orangers à colibris, canne congo, cochléarias, makanga, malaccas, mombins, mahoganys, courbarils....Il faudrait que j'emporte cette liste dans un jardin botanique pour vraiment voir à quoi ces végétaux ressemblent . le décor est exotique avec des parfums, des odeurs inconnus, une cuisine dont j'ignore les saveurs.

Le style de Simone Schwarz-Bart est différent de tout ce que je connais, imagé, riche de mots inconnus. Je découvre une langue qui ne m'est pas familière avec des tournures étranges, que je comprends (mais pas tout) d'une grande richesse qui me transporte ailleurs. Ne pas tout comprendre, deviner, me ravit, un peu comme ces films en VO que j'écoute avec attention mais où des phrases entières m'échappent. Je suis sous le charme.

Je découvre un monde, une histoire, héritage de l'esclavage qui  poursuit les gens à travers les générations.

Des personnages hors du commun me séduisent! 

Une très belle lecture!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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J'aime ces livres où on se laisse embarquer autant par l'histoire que par la qualité de narration de l'auteur.
En effet,  la plume de Simone Schwarz-Bart est belle...presque chantante, et surtout émouvante.

C'est bien simple j'ai tout aimé de ce voyage en Guadeloupe ! D'ailleurs cette excursion m'en a rappelé un autre, qui m'avait tout autant plu, dans une autre île. Celle de la réunion, à travers le récit de Lisiane Bernadette Thomas dans son roman Le souffle des disparus

J'y ai trouvé cette même authenticité, cette même force de caractère chez les personnages. Des destins de femmes fortes que la vie n'épargne pas.
Et puis cette touche créole dans les dialogues, la vie du quotidien et les croyances ça me régale ! Dépaysement assuré. 

Et pour finir ce que j'ai beaucoup aimé aussi c'est que malgré la rudesse de leur vie le ton n'est jamais plaintif, au contraire même c'est le courage qui prône dans ces vies injustement difficiles.

A lire pour qui aime se sentir pleinement embarqué dans un décor où on devine les paysages et les odeurs =)
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Les critiques les mieux appréciées rendent très bien ce qu'on peut apprécier dans ce livre.
Je l'ai reçu quelques semaines après un séjour de 10 jours à la Martinique.
On imagine mal, lorsqu'on n'y est pas initié, à quel point l'esclavage peut encore imprégner le vécu des descendants des esclaves plusieurs générations plus tard.
J'ai beaucoup apprécié le style d'écriture de Simone Schwartz-Bart où tout est rapport à la nature, les rires se répandent au fond des ruisseaux ou par delà les mornes, l'attirance de l'amour naissant est “ma corde autour de tes reins” qui petit à petit se raccourcit, les métaphores font le récit tout autant que les relations humaines autour de Fond-Zombi.
La relation de Télumée à sa grand-mère est magnifique. La présence de man Cia, mi-personne réelle, mi esprit, est un mystère puissant.
Un réel plaisir de se laisser transporter dans cette histoire où toutes folies et toutes bontés sont légitimes.
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Un roman qui retrace la vie de Télumée, de sa mère et de ses enfants et qui raconte plus qu'une vie, plus q'une biographie: c'est toute une époque, tout un pays qui est relaté ici. Les descriptions sont magnifiques, il y a de la chaleur, tout le soleil des Antilles, mais aussi la pluie, le vent et la misère des gens comme des coeurs. Cette femme est une lumière dans la tourmente, un symbole du "potomitan" qu'est la femme antillaise.
Le roman est tout de même un peu long, l'histoire parfois complexe et il faut avoir un minimum de culture créole mais c'est un beau classique à lire.
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