Nul ne nous paraît l'avoir mieux vu, de son vivant, sous son véritable jour, que cette Mlle Massarelli, dont on ne sait rien sinon qu'on a trouvé une lettre d'elle dans la correspondance adressée à l'exilé de Motiers par ses admirateurs et conservée à la bibliothèque de Neufchatel. On croirait entendre une Mme Roland, plus clairvoyante sur les défauts de son grand homme. « Non, la solitude ne calme point l'âme et n'apaise point les passions que le désordre du monde a fait naître. Vous êtes encore plein du fiel qui vous éloigna de nos villes, plein des passions que vous condamnez dans les autres. Homme faible et superbe, votre orgueil vous a trompé s'il
vous a dit que vous ne deviez jamais être dupe... Ayez le courage de vous dire : je ne veux plus d'une misanthropie où l'on croit beaucoup faire pour la sagesse en faisant tout pour la vanité ! »
Écoutons-le plutôt se confesser à lui-même et sans témoins, dans ces précieux inédits de sa plume qui ont été publiés en 1861 par Streckeisen-Moultou, descendant d'un de ses plus imperturbables dévots : « Je ne me soucie point d'être remarqué, mais, quand on me remarque, je ne suis pas fâché que ce soit d'une manière un peu distinguée, et j'aimerais mieux être oublié de tout le genre humain que d'être regardé comme un homme ordinaire ! Je passe pour un homme si singulier, que, chacun se plaisant à amplifier, je n'ai, pour me faire valoir, qu'à m'en remettre à la voix publique ! »