Chaque odeur m'apportait la présence d'autres êtres, me donnant à comprendre que c'était cela, la saison : un parfum, la trace d'un instant de présence.
Désirer une orange en plein été, c’est désirer de vivre jusqu’à l’hiver, refuser de faire du moment présent la « dernière saison ».
Les hommes en quête de vie éternelle qui momifient les corps et ceux qui fabriquent les tomates séchées sont mus par un même désir.
Ainsi, il existe trois termes différents pour décrire l'état de saisonnalité d'un aliment : hashiri, sakari et nagori. Ils désignent l'équivalent de "primeur", de "pleine saison", et le dernier, nagori, de l'arrière-saison, "la nostalgie de la saison qui vient de nous quitter".
Chaque odeur m'apportait la présence d'autres êtres, me donnant à comprendre que c'était cela, la saison : un parfum, la trace d'un instant de présence.
Dans mon enfance, j'étais éprise de l'odeur d'encre et de papier qui se dégageait de chez l'imprimeur du quartier; de l'odeur moite et grisâtre de la bouche de métro, qui se dilatait à mesure qu'on s'y engouffrait comme une plongée en mer profonde; de la fraîcheur de l'air autour de la vieille clinique installée dans une maison de bois de style occidental, mélangée aux effluves de sirop médical, de bois humide et de camphre.
Pour citadine que je suis, j'avais toujours été sensible aux odeurs, qui sont d'abord la trace des activités de notre vie.
Nagori, littéralement "reste des vagues", qui signifie en japonais la nostalgie de la séparation, et surtout la saison qui vient de nous quitter.
On oublie qu'autrefois , on était aussi fragiles que les fruits et les légumes.
Dans nagori, attachement, nostalgie et temporalité se mêlent.