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Citations sur Un fils obéissant (93)

À cette époque, tous les après-midi, en quittant l'hôpital, je partais étudier à la bibliothèque Masséna, aujourd'hui rebaptisée bibliothèque Romain Gary. La plupart des tables étaient occupées par des étudiantes en lettres et il flottait là un esprit bohème à des années-lumière de l'ambiance de compétition délétère qui régnait à la bibliothèque de la faculté de médecine. Les murmures des conversations tournant autour de Keats et de Mallarmé exhalaient un parfum d'ailleurs, m'entraînaient en terre inconnue, vers un monde où j'avais l'illusion que l'accomplissement intellectuel importait plus que la réussite et le statut social. J'observais, fasciné, mon entourage disserter sur des sujets tels que « La notion de persona ou de l'auteur implicite ; problème d'ironie narrative », ou « La place du je autodiégétique dans les récits hétérodiégétiques », questions dont je ne saisissais pas le sens, mais qui possédaient l'attrait que devaient avoir jadis, pour les aventuriers, les dialectes parlés par les autochtones des contrées inexplorées.
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Du bas de la rue enfla un bruit de moteur qui attira mon regard sur un vieux break rouge un peu cabossé, au volant duquel je reconnus Jean-Marie Le Clézio. Avant que j'aie à me demander s'il fallait m'interposer sur sa route, la voiture ralentit pour s'immobiliser quelques mètres devant moi. Jean-Marie Le Clézio en sortit. Il semblait plus grand encore que les photos le laissaient imaginer. Tandis qu'il approchait du portail d'une austère bâtisse à la façade sobre et rustique, je fonçai sans la moindre hésitation en sa direction et, parvenu à sa hauteur, je déclarai :
« Jean-Marie Le Clézio, bonjour. Laurent Seksik, j'écris. »
Il me jeta un regard surpris, à demi amusé, mais où ne se lisait aucune trace de moquerie, me tendit une poignée de main ferme et bienveillante.
« Quel genre de livre écrivez-vous ? demanda-t-il de sa voix grave et posée, son regard perdu dans le lointain.
— Des romans, confiai-je d'un ton ému. Je veux devenir romancier, j'ajoutai, cherchant une approbation à ma démarche.
— C'est une noble idée. »
Il s'ensuivit un long silence. L'essentiel avait été dit.
« J'étudie aussi la médecine », finis-je par dire pour relancer la conversation, et ignorant si dans son esprit les deux choses pouvaient aller de pair.
Je retins mon souffle, attendant son verdict.
« Il existe une belle tradition de médecins-écrivains, affirma-t-il, levant en une phrase le dilemme qui me rongeait. Si vous le souhaitez, poursuivit-il, adressez-moi votre roman, je vous dirai ce que j'en pense. »
Je remerciai du fond du cœur.
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À peine la voiture avait-elle démarré que j'avais fondu en larmes, première crise de pleurs d'une série qui, depuis un an, paraît ne jamais vouloir prendre fin et me saisit à l'improviste quand un souvenir détourne le cours des pensées ordinaires, pour, semblable au chien de garde d'un troupeau, les reconduire vers le passé.
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Il flottait dans l'assistance un mélange d'enchantement et de tristesse, un mélange d'enchantement et de tristesse, un parfum d'émerveillement que ton seul souvenir posait sur les visages et qui honorait ta mémoire mieux que tous les discours que j'aurais pu tenir.
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Il faut que le lieu où tu reposes garde l'éclat de ta présence.
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Je ne suis pas sûr que tu aies raison, Laurent. Pour te dire le fond de ma
pensée, je ne crois pas que littérature et psychiatrie fassent bon ménage. (...)
Il me semble que la fréquentation quotidienne de l'imaginaire ne s'accorde
pas avec la pratique journalière de la folie. Il y a là comme un voisinage
trop intime, une proximité presque incestueuse. La folie dévastatrice des
patients domine toujours la folie douce de la fantaisie créatrice. Et puis
notre métier est un sacerdoce. soit tu seras un excellent psychiatre et un
mauvais écrivain,soit ce sera l'inverse. Dans le premier cas, bien sûr, ce serait
moins grave, un mauvais écrivain n'a jamais tué personne. Mais tu auras
meurtri tes rêves, ce qui est au fond un autre crime...(p. 111)
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Depuis quelques semaines, Laurent, on dirait que tu as perdu notre humour juif.
-Je savais qu'on pouvait perdre son honneur, mais j'ignorais pour l'humour juif. (p. 171)
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Ce long discours en forme de bilan d'une vie pesaient sur ma conscience parce qu'ils étaient proférés avec la solennité des adieux et d'une voix donnant l'impression que mon père délivrait là son testament. (...)
J'interprétais sa crainte de manquer à son devoir comme l'ultime réplique du séisme qu'avait été la mort de son père. (p. 168)
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Elle ajoute que ça ne l'intéresse pas de rencontrer de nouveaux amis pas plus que de revoir ses anciens, c'est peut-être d'ailleurs la raison pour laquelle elle veut un animal, parce que la compagnie de ses semblables ne lui apporte plus rien, la compagnie des hommes en particulier, qu'elle trouve tous prétentieux, inconstants et frivoles, qui lui parlent comme s'ils voulaient lui refourguer un PEL, alors qu'elle aimerait les entendre prononcer des serments d'éternité, mais l'éternité, ça ne dit plus rien aux hommes (p. 103)
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- Tu as suivi quelques-uns de mes conseils, mais visiblement pas celui d'entamer une analyse. Tu as peur que cela ne nuise à ton inspiration ? (...)
-J'ai bientôt cinquante ans. Je crois que je ferai sans.
-C'est dommage, tu manques une des plus exceptionnelles aventures humaines de ce temps. Mais peut-être la littérature est-elle un autre moyen de se connaître et de se révéler à soi-même. (p. 112)
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