Citations sur Dorian, une imitation (13)
Dorian s'arrêta sur le seuil, la hanche saillante, le visage maussade, les cheveux en bataille. Wotton se tut, percevant une présence. Les deux hommes se tournèrent vers ce nouvel Adonis, et tout fut dit en quelques regards. Leur évaluation fut chaleureuse, la sienne froide, leur réévaluation plus chaleureuse encore, la sienne glaciale. C'était le triangle attendu, le triangle éternel : Baz aimerait toujours Dorian, Wotton n'aimerait jamais Dorian mais le désirerait constamment, Dorian tromperait Baz et n'aimerait jamais personne.
Je me sens en phase avec le monde. Absolument. Il semble qu'il soit en phase terminale comme moi.
Je n'ai pas besoin de trembler pour penser, je tremble pour penser.
J'ai une qualité, une seule : je hais les petites choses et toutes les grandes idées. J'exècre le soi-disant "art" du XXe siècle, je l'exècre passionnément. Qu'on roule en boule toute cette toile, toute cette peinture, ce plâtre, cette pierre, ce bronze et qu'on les jette dans la pissotière toc de Duchamp. A part quelques remarquables exceptions - Balthus, Bacon, Modigliani -, les artistes de notre temps ont été à mille lieues de la beauté ou de toute représentation significative de la forme humaine.
Il aimait à croire que ce qu'il cherchait dans un amant n'était ni un visage, ni une silhouette, encore moins un style. (Beurk ! Trop pouf, trop précieux, trop chiqué, trop cliché. Le style ! Ce seul mot pouvait susciter des centaines de neuvaines sur son rosaire intérieur du mépris.) Non, ce que cherchait Wotton, c'était de l'argile mortelle qu'il pût modeler et façonner jusqu'à une netteté formelle qu'il ne trouvait pas chez lui-même. Henry Wotton voulait seulement être quelqu'un par procuration.
Il était tellement insubstantiel que le tuer revenait à effacer un personnage d'un roman nul.
On a souvent tendance à s'intéresser davantage à l'assassin qu'à la victime. Les assassins restent toujours avec nous, n'est-ce pas ? - tandis que les victimes s'effacent sans gloire dans l'ombre et ne réapparaissent que dans la peau des éventuels acteurs qui interpréteront leur rôle pour le besoin d'une reconstitution télévisée. Reconnaissez que, faute de mieux, vous inviteriez plus facilement un assassin que sa victime à boire un verre, même si l'instinct de conservation vous incite à cacher tout objet contondant, y compris les pique-olives.
Comme tous les libéraux, elle avait une agilité de chèvre pour se hisser sur les hauteurs de la morale au nom de la souffrance des autres.
Quand je t'entendais parler d'Andiii, il y a cinq ans à Londres, je pensais que ce mec et sa fameuse coterie avaient un certain charme, mais maintenant je les ai vus et ils sont aussi creux que n'importe quelle clique de vieux pédés n'importe où dans le monde. Une vieille perche flétrie, avec ses cicatrices d'acné et ses perruques de rasta blanc et son magnétophone et son Polaroid à la con, qui déblatère en zozotant sur telle ou telle célébrité : "Ouah, Dorian, tu ne trouves pas qu'il est fantastique..." Tu parles, fantastique, quand c'est juste un acteur de télé de série Z qui le fait saliver.
La monogamie est à l'amour ce que l'idéologie est à la pensée : un manque d'imagination.