AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,64

sur 84 notes
J'ai eu l'occasion de lire de nombreux livres sur le nazisme et sur toutes leurs horreurs.Ce livre est pour moi le plus dur,le plus difficile;peut-être parce qu'il s'agit d'enfants et de handicap.J'ai eu beaucoup de mal mais à la fois beaucoup d'envie car ce livre est écrit avec beaucoup de respect.
Je le conseille vivement.


Commenter  J’apprécie          240
On entre dans ce récit comme dans un long tunnel, une chape de plomb autour du corps et on avance douloureusement, souvent plein d'effroi, mais l'idée de repartir en arrière ne nous vient pas en tête. Impossible, il faut aller jusqu'au bout de cet enfer que nous ne faisons que parcourir des yeux. Pour ceux qui l'ont vécu. Pour ces enfants qui sont passés entre les murs du Spiegelgrund.

En janvier 1941, Adrian Ziegler , 11 ans, franchit les grilles du Spiegelgrund. Situé en plein coeur de Vienne, cette clinique spéciale est destinée à accueillir des enfants présentant des troubles psychiatriques ou neurologiques graves, doublée d'une maison de correction pour jeunes délinquants . "C'est le dernier échelon, le degré le plus bas, le lieu où atterrissaient les damnés". Il y restera trois ans et demi.

Derrière cette façade rassurante où médecins et infirmières promettaient à des parents désemparés que désormais leurs enfants étaient entre de bonnes mains, se dressait en fait un établissement où l'équipe médicale assassinait systématiquement les jeunes patients, répondant aux objectifs de la politique eugénique nazie : "Lutter contre les individus malsains et non viables afin d'offrir aux individus sains un nouvel espace vital".
L'Autriche, depuis 1938, est en effet annexée par l'Allemagne et fait partie du 3ème Reich. En cela, elle répond elle aussi aux exigences du programme nazi d'euthanasie des handicapés et "asociaux" qui précéda d'environ deux ans le génocide des Juifs. Son but était d'éliminer ce que les eugénistes et leurs partisans considéraient comme « vie indigne d'être vécue » : les personnes atteintes de handicaps psychiatriques, neurologiques ou physiques qui, croyaient-ils, représentaient un fardeau génétique et financier pour la société et l'État allemands. A ceux-ci s'ajoutèrent ensuite toute personne simplement née de parents alcooliques ou criminels, des jeunes vagabonds, des orphelins. Un décret signé de la main d'Hitler officialise ce programme, dit Opération T4.

Steve Sem-Sandberg nous dévoile dans ce récit de plus de 600 pages absolument envoûtant et éprouvant, dense et précis à la fois, la tragédie assez méconnue de cette clinique autrichienne. Il raconte à travers plusieurs voix, notamment celle d'Adrian et celle d'une infirmière, comment de 1941 à 1945 ont été internés dans cet hôpital psychiatrique des enfants handicapés et de jeunes délinquants dans des conditions inhumaines et barbares. Affamés, bourrés de calmants, utilisés comme cobayes, torturés,... certains s'en sortiront comme Adrian, le Tatar, ou Hannes, le petit chauve... D'autres auront moins de chance et connaîtront l'entresol du pavillon 15, là où l'on administre la dernière piqûre d'une longue agonie.

L'habileté de l'auteur tient dans sa façon de mêler personnages fictifs et réels (les bourreaux), donnant à son récit la qualité et le sérieux d'une enquête historique liés à l'émotion procurée par les éléments romanesques. La chronologie discordante n'entache en rien ce roman qui par certains aspects me rappelle "Les bienveillantes" : l'auteur dépeint avec force le psychisme de ses personnages, pénétrant et fouillant des âmes chahutées par la folie des temps.
C'est tout simplement puissant et bouleversant.

Le docteur Gross, le "Mengele autrichien", un des principaux médecins exécutant, est mort en 2005, à 91 ans, après une belle carrière de médecin psychiatrique, soutenu par le corps scientifique et politique autrichiens. Bien après la guerre, il continuait à travailler sur les cerveaux de ses victimes, conservés dans du formol. "Il n'y a pas de justice, il n'y a même pas de condamnation".

789 enfants handicapés ont été tués par le régime hitlérien dans cette clinique nazie autrichienne. Selon une estimation prudente, on compterait environ 5000 enfants allemands handicapés morts dans le cadre du programme d'« euthanasie » pendant la guerre.

Pour eux, pour les Adrian et Hannes, spoliés d'une justice non advenue ; pour tous les Julius, Jockerl, Pelikan et Felix, morts dans l'anonymat le plus complet, lisez ce livre. Pour enfin leur dire : non, vous n'êtes pas oubliés.

Un grand merci à Steve Sem-Sandberg, dont la ferveur du style et le sérieux des informations, offre un hommage magnifique et inoubliable à ces enfants.
"Je m'incline devant la souffrance et la mort de ces enfants. Cette terre est plus légère maintenant que nous les laissons y reposer".
Commenter  J’apprécie          324
Lire Les Élus a été pour moi très laborieux. Bien évidemment je m'attendais à une lecture difficile compte tenu du sujet: l'eugénisme dont ont été victimes les personnes handicapées mentales ou considérées comme déviantes sous le régime nazi.

Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est une atmosphère aussi inhumaine. Les faits sont mis bout à bout avec une froideur dérangeante. L'auteur nous livre ces ignominies comme il nous ferait le compte rendu administratif d'une réunion.
La présentation du livre ne m'a pas non plus séduite: des chapitres très longs entrecoupés de «parties» signalées par des titres écrits en gras. On passe d'un personnage à un autre sans transition, d'un point de vue à un autre sans explication. J'ai trouvé tout cela très désordonné. Je me suis également perdue dans le temps ce qui était peut être volontaire de la part de l'auteur mais je n'en est pas moins été gênée. le livre est classé dans les romans mais il m'est plus apparu comme un long témoignage, voir un documentaire.

Impossible d'être en empathie avec les personnages tellement ils sont présentés comme des pathologies avant d'être présentés comme des êtres humains. Concernant les délinquants, qui sont des enfants qui n'ont pas de handicap, c'est la même chose impossible de s'attacher à eux. Je n'ai pas réussi à appréhender leurs personnalités, à me les représenter. ils se mélangeaient tous en un seul et même personnage. Idem pour les «infirmières» qui encadrent les enfants. Impossible de les différencier, de me rappeler leurs traits de caractère même en reprenant ma lecture quelques pages en arrière.
Seules exceptions :Adrian, et pour cause c'est le personnage principal et Anna Katschenka personnage lui aussi prépondérant. Pour autant aucun des deux ne me laissera un souvenir impérissable. A part de la pitié Adrian ne m'a pas inspiré grand chose car finalement j'en ai très peu appris sur lui au fil des pages. Il y a beaucoup de faits, souvent déformés d'ailleurs, qui sont énumérés mais mis à part cela on en apprend peu sur qui sont ces enfants.
Anna Katschenka m'aura profondément énervée par sa capacité à se cacher derrière son petit doigt. Elle fait juste son travail la dame et si c'est inhumain ce n'est pas son problème. On ne peut quand même pas lui reprocher son professionnalisme? Enfin!

Ce livre m'aura vraiment mis mal à l'aise par son manque d'humanité. Certains auteurs sont allés très loin dans la description de l'horreur pourtant ils ont su le faire en y mettant de la beauté, de la poésie, de l'humanité ici ce n'est pas le cas. J'ai l'impression d'avoir lu des descriptions de sévices et de tortures jusqu'à l'écoeurement (et pourtant je ne suis pas particulièrement sensible) sans comprendre l'intérêt de ce livre. Cette lecture fut lourde sur le fond et sur la forme.
Je suis d'accord qu'il est impensable de faire l'autruche sur ce qui s'est passé durant ces années, mais ce genre de lecture me laisse une impression de voyeurisme malsain plutôt que l'impression d'avoir appris quelque chose d'important pour la mémoire collective.

Challenge ABC 2017 2018
Commenter  J’apprécie          129
Roman sur l'idéologie eugéniste des nazis à travers les traitements souvent pervers donnés à des enfants handicapés ou" inadaptés".
Personnages imaginaires mais récit basé sur des faits reels montrant l'horreur des traitements subis par ces enfants mais aussi l'horrible attitude du personnel médical qui réalise ces actes soit disant pour la recherche.
Roman parfois surréaliste ou témoignages se mêlent aux délires hallucinatoires.
Dérouté par la structure du texte, j'ai trouvé ce livre lourd dans la forme et dans le fond.
La fin apporte des précisions révoltantes...
Commenter  J’apprécie          10
Alerte livre remarquable et peu connu !
Un sujet qui obsède notre temps : la barbarie nazie ; un angle assez peu connu : l'euthanasie des êtres "dégénérés", celle des enfants et des adolescents. Un thème tabou qui traverse la fin du XIXème siècle et le XXème siècle, voire le XXIème dans toute l'Europe : l'eugénisme. Thème qui fait écho à un autre excellent roman, mais moins abouti il me semble : la Salle de Bal, d'Anna Hope. Si les pays européens, en particulier l'Angleterre, la France et l'Allemagne, et sans doute d'autres, ont poussé très loin la théorie eugéniste, voire l'enfermement des personnes jugées inaptes à la vie sociale, seuls les nazis, je pense, ont été jusqu'à l'euthanasie programmée des sujets "dégénérés".
Programmée...C'est là l'excellence du roman. On ne sait pas, on ne sait rien. On est dans plusieurs têtes : d'abord, des adolescents issus de milieu très défavorisés et entrés plus ou moins en délinquance. Ils se retrouvent au Neuhof, un hôpital de Vienne devenu un centre pédiatrique pour les enfants et adolescents handicapés mentaux, du léger au très lourd, et les adolescents associaux, à rééduquer. Les docteurs, psychiatres, doivent évaluer s'ils sont insérables dans la nouvelle société du reich. Sinon, c'est soit le camp de travail, soit le service handicapés mentaux...Ces jeunes, qu'aujourd'hui on qualifierait pour certains de violents, pour d'autres d'enfants traumatisés issus d'un milieu très difficile, nous apparaissent complètement dénués, soumis à des tortures psychologiques qui ne font que les enfoncer plus profondément dans leurs problèmes. Ils ne comprennent rien à ce qui leur arrive, ils dérivent, s'enfoncent dans leurs névroses, et le lecteur avec eux est perdu : que veut-on d'eux ? Pourquoi sont-ils là ? Un double discours constamment pervers leur explique qu'on doit les soigner, tandis qu'on les empêche constamment d'avancer...L'écriture qui permet une telle subtilité est remarquable. C'est un livre sur des adolescents à problème où aucune de leurs problématiques classiques n'est traitées (quête identitaire, soif de liberté, affirmation de soi etc...), car ils n'existent plus, ils ne sont plus rien, ils sont des choses à casser, des détritus.
On est aussi dans la tête de plusieurs infirmières travaillant au Neuhof, dont celles du bâtiment 15, où l'on place les enfants au stade terminal...Là aussi, rien n'est très clair pour la lectrice : que se passe-t-il exactement ? Quels sont les ordres ? D'où viennent-ils ? le chef de service autrichien est renvoyé puis remplacé par un homme de Berlin, pourquoi ? C'est que l'écriture prodigieuse réussit à mimer le déni dans l'esprit de l'infirmière. Elle refuse de se dire, et donc de nous dire, ce qu'elle fait. Elle travaille avec les enfants, elle soulage la douleur, elle fait une injection très forte de morphine...Elle obéit aux ordres...Lesquels exactement ? Comme pour la solution finale, rien n'est écrit clairement, toutes les "ressources humaines" sont les rouages volontairement aveugles d'une machine infernale, et elles se mentent à eux-mêmes. Car elles aussi ne sont plus que des objets dont on a confisqué facilement (c'est ça qui est si effrayant) la pensée et le sens moral.
La fin du livre, la fin de la guerre, apportent des précisions. On y voit plus clair au fur et à mesure que certains tentent de comprendre. Mais de là à ce que justice soit faite...
Tout est fondé sur l'histoire vraie du Neuhof, de ses vrais "doktors", de ses vraies "schwester" et de vrais patients, dont un miraculé, Friedrich Zawrel (1929-2015), alias Adrian Ziegler dans le livre, qui témoigna longuement de son calvaire lorsqu'on lui permis enfin d'ouvrir la bouche (vers les années 1990...!!!)
Un livre essentiel, d'une qualité magnifique, subtile et barbare, qui rend à la perversité ultime tout son aspect rampant, tous ses masques de fausse humanité, tout son discours mensonger, double, désorientant, prenant au piège les faibles et les presque forts, un livre qui provoque l'effroi, la terreur, la pitié, et qui nous dit que le mot "euthanasie" doit être manié par des esprits absolument purs et absolument sages.
Commenter  J’apprécie          449
Quel livre, quelle histoire, très dure et pas facile à lire du tout ! Malgré tout, un livre que j'ai aimé lire, même s'il m'a fallu le fermer à quelques reprises, parce que j'étais beaucoup trop enragée pour continuer ma lecture, enragée, mais triste aussi.
Qui sont les élus, et bien, ce sont des enfants présentant un handicap, ou encore venant de familles défavorisées. Ces enfants étaient envoyés dans un hôpital viennois, appelé Spiegelgrund, tenus par des médecins nazis. Cet hôpital est aussi un centre pour délinquant, une maison de correction, les enfants y sont placés souvent par leurs parents qui espèrent que leurs enfants seront aidés ou soignés, mais ce n'est pas le cas, la plupart du temps les parents ne reverront jamais leurs enfants.
Ce récit est révoltant, du fait que dépendant de leurs handicaps, ces enfants serviront à des fins expérimentales, au profit de ''l'avancée médicale des Allemands nazis'' pour l'étude de différents organes humains.
Et toute cette horreur au nom de la pureté de la race aryenne. Vraiment révoltant et choquant de voir ce que ces enfants ont dus subir.
On suit plusieurs jeunes et quelques familles, entre autre Adrian, qui lui vient d'une famille très dysfonctionnelle, père alcoolique, violence conjugale envers la mère, qui se retrouve à un moment donné seule et incapable de faire vivre ses 2 fils qui habitent encore avec elle, c'est ainsi qu'Adrian va se retrouver dans ce système démoniaque.
C'est avec Adrian que nous remontons ce fil de l'histoire nazi, quelquefois nous sommes dans sa tête et on ''l'entends'' penser, et d'autres fois, il nous raconte ce qu'il a vu, ce dont il a été témoin.
L'enfer du pavillon 15, peu en sont sortis vivant, Adrian lui a réussi à survivre.
Une histoire d'horreur, que l'auteur nous partage, l'auteur maîtrise sa plume à 100%, une écriture fluide, des recherches approfondies qui nous présentent des faits qui sont vraiment arrivés.
Vous ne pourrez pas sortir indemnes de ce récit, c'est impossible. J'avais vaguement entendu parler de l'euthanasie de centaines d'enfants, mais le lire est une autre histoire. Mon coeur saigne à la fin de cette lecture, qui restera gravé dans ma mémoire pour bien longtemps. Oui, c'est un roman, mais vous, comme moi savez que ces choses sont arrivées pour vrai, ce qui rend la lecture encore un peu plus difficile.
Lien : http://lesmilleetunlivreslm...
Commenter  J’apprécie          70
Une lecture âpre et difficile que celle de ce roman, l'histoire terrible de ces enfants «différents » que le IIIeme Reich a voulu éliminer au nom de la pureté de la race. Un luxe de détails qui nous plongent dans le quotidien de ces petits pensionnaires de l'horreur et de ceux -notamment les infirmières- qui se livrent à la tâche absurde de les soigner pour mieux les tuer. Une plume précise et détaillée. On se croirait sur place, et c'est affolant.
Commenter  J’apprécie          60
Chaque enfant m'a émue, j'aurai voulu lui tendre mes bras pour le sortir de ce carnage. Les infirmières sont également perdues entre devoir et conscience, elles n'avaient finalement pas perdu toute leur humanité. Je ne regrette en aucun cas d'avoir dévoré ce pavé, car je pense qu'il est important de se rendre compte par quoi l'humanité est passé, que certains progrès médicaux ont été réalisé à l'insu d'enfant qui ne voulait que vivre, qui on été assassiné froidement pour la "recherche" (bonne ou mauvaise chose? Autre débat). La question de la justice a également un rôle important au milieu de cette affaire qui va bien sûr ressortir une fois les affrontements terminés. Qui est coupable et de quoi? Un ouvrage enrichissant, qui ouvre les yeux, qui va plus loin dans cette abominable guerre. Je ne peux que vous inciter à le découvrir, avec un coeur bien accroché, mais qui a dit que la vie était belle et simple? Parfois - souvent - la réalité est plus dure que prévue à affronter... A méditer.
Lien : https://booksetboom.blogspot..
Commenter  J’apprécie          30
L'horreur de la seconde guerre mondiale et de l'idéologie eugéniste des nazis nous est racontée ici au travers de l'histoire de ces enfants du Spiegelgrund qui réunit des handicapés, des « débiles » et des inadaptés sociaux. En fait de handicap ou de débilité ce sont les traitements réservés à ces enfants qui les rendent à moitié fous et mourants. Laissés alités à contempler le vide et à pousser des cris d'angoisse et de douleurs, coupés de tout lien affectif et traités comme de petites choses monstrueuses. Et c'est évidemment la monstruosité des médecins et du personnel « soignant » qui nous est jetée en pleine face. Et c'est l'humanité de ces enfants, derrière leurs difformités, qui nous transperce le coeur.
La « mort miséricordieuse » cyniquement nommée par Hitler est prodiguée à ces enfants jugés irrécupérables et inaptes. Ils sont une charge pour la société, une tare pour la race aryenne. « L'euthanasie » est ici provoquée par manque de soins, par la malnutrition et les injections médicamenteuses. Parfois, la mort résulte d'expériences médicales douloureuses.
Ceux qui sont considérés comme inadaptés sociaux ou aux pathologies moins lourdes font aussi l'objet de sévices s'apparentant à de la torture. Les humiliations, les coups, le viol, la solitude et la misère affective, sont le quotidien de ces enfants.
Ce livre laisse un sentiment de dégoût, de colère et de révolte. Il m'a donné envie d'en savoir un peu plus sur l'opération Aktion T4 et sur les « euthanasies » (exécutions !) qui ont perduré jusqu'en 1945. Et la question « comment en est-on arrivé là » m'est venue en même temps que le sentiment de la monstruosité humaine qui me parait toujours plus sans limite. Un livre qui m'a laissé un sentiment de tristesse et un temps de recueillement à la dernière page tournée.
Commenter  J’apprécie          155
L'édition pocket présente une première de couverture tout en douceur et en innocence. Un rang d'enfant marchant main dans la main, sac sur l'épaule. Si on ne lisait pas le résumé, on pourrait penser que ces garçons vont tout simplement à l'école ou en colonie de vacances. En vérité, il n'en est rien. Telle une image figeant à jamais leurs innocences... cette photo est sans doute ce qui reste aux survivants de leurs insouciances.

S'ils savaient ....

Nombreux sont les livres traitant sur la seconde guerre mondiale, nombreux sont prenants, poignants, émouvants. Avec les élus, on est un cran au-dessus, on touche à une chose qu'on sait réelle, mais qu'on a du mal à évoquer : l'euthanasie de centaines d'enfants et adolescents par le régime nazi, car leur seul défaut étaient d'être différents.
Le livre aborde le thème à la façon d'un immense reportage où rien ne nous est épargné. A commencer par l'enfance d'Adrian, notre personnage principal. Ce jeune garçon issu d'une famille très pauvre de Vienne va se retrouver confié à une famille d'accueil (sa mère n'étant pas en mesure de s'occuper de lui et de ses frères et soeurs après avoir été chassée de l'appartement), puis, après de multiples péripéties, va atterrir au Spiegelgrund. On va alors suivre son existence, mais aussi celle de ses camarades. Ils s'appellent Felix, Jacob, Julius,… Tous vont vivre au Spigelgrund et certains vont y mourir … Dans le récit d'Adrian, sa voix d'adulte brisé viendra de temps à autre nous serrer le coeur. Car on le sait, ceux qui ont survécu sont brisés à jamais.
Et puis y a l'autre côté du miroir… L'histoire d'Anna Kastchenka (personnage réel), jeune infirmière fragile qui se fascine pour le docteur Jekelius, directeur du Spiegelgrund. Anna va alors entrer dans l'antre du diable et, prenant assez vite conscience de la situation, va la suivre sans sourcilier. Sa fidélité sera récompensée par le rôle d'infirmière en chef. Celle qui applique les ordres, avec une loyauté infaillible.
Du Spiegelgrund on saura tout : comment les enfants sont placés, soit de force par le régime ou par des parents dépassés qui espèrent trouver une solution aux problèmes de leurs enfants … Et qui finalement ne les récupère jamais et attendent…Attendent…Jusqu'à l'arrivé de la lettre funeste… Même s'ils se doutent du problème, ils sont loin d'imaginer les mauvais traitements affligés aux « cas irrécupérables » : injections de divers médicaments, expérimentations cruelles, mauvais traitements, tortures, punitions sadiques…
Le récit est parfois un peu lent, mais c'est pour accentuer la réalité de la situation. Et si la construction du livre – tel un ensemble de témoignages et de tranches de vie- peut déstabiliser, elle est très intelligente car elle nous permet d'appréhender toute les facettes de cette triste réalité.
Il y a aussi des passages insoutenables. Ma lecture a d'ailleurs été très difficile (presque un mois, c'est énorme). Il y a réellement des extraits qui m'ont retourné le coeur, mal à l'aise. Et pourtant je suis fine connaisseuse de la seconde guerre mondiale. J'ai été d'autant plus concernée par ce livre de par mon métier. Enseignante dans le spécial, je me suis rendue compte que si aujourd'hui le régime nazi existait encore, tous mes élèves auraient leur place au Spiegelgrund.
Et ça, ça fait vraiment froid dans le dos…
Ce livre nous rappelle également à quel point la guerre est une chose horrible, car si Adrian arrive à s'échapper de sa prison, il réalise que le monde qui l'entoure n'est guère plus reluisant. Ne parlons même pas de la libération où la cruauté de l'armée rouge face aux populations locales n'est plus un secret. Quant aux criminels, ils seront jugés bien sur… Mais pas tous, ce qui peut laisser une horrible sensation d'injustice aux lecteurs comme aux victimes.
Je pourrais vous écrire une chronique de 30 pages tant il y a des choses à dire sur ce livre et sur les nombreux sujets qu'ils abordent (le lien familial, la responsabilité parentale, le régime nazi, le rapport aux ordres, la responsabilité du personnel médical, l'injustice des certains procès nazis, le handicap,…). Mais je ne veux pas vous gâcher la découverte.

CONCLUSION
Si le personnage d'Adrian est un élément totalement fictif, les élus est pourtant un roman historique authentique. Car tout ce qui y est écrit, tout ce qui y est raconté est bien réel. Après ma lecture je me suis davantage renseigné sur le Spiegelgrund et j'ai été bluffée par la fidélité des informations.
Il faut être averti avant de l'ouvrir, car ce qu'on va y lire est dur, malsain, cruel …Et vrai. On n'est pas simplement face à une oeuvre de fiction, on est face à une réalité abordée par une pointe de fiction.
Un récit poignant, exceptionnellement bien documenté sur une des plus horribles périodes de notre histoire, un livre de mémoire qui serait bon de faire relire de temps à autre à certains d'entre nous.

Lien : https://limaginairdenael.wor..
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (291) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *}