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Citations sur Adieu, vive clarté.. (28)

« La vie en soi, pour elle-même, n'est pas sacrée : il faudra bien s'habituer à cette terrible nudité métaphysique. »
de Jorge Semprun
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Je dis ce nom d'arbre comme on savoure un fruit, se souvient d'un nuage, d'une eau de source, ou contemple un coucher de soleil sur l'océan. Magnolia : cherchez la trace de cette blancheur effervescente dans les cendres de ma mémoire.p29
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Les poèmes de Baudelaire m'ouvrirent l'accès à la beauté de la langue française. A sa beauté concrète et complète, j'entends : beauté du son autant que du sens, prosodique autant que conceptuelle, sensuelle autant que significative.
Jusque là le français m'avait été presque exclusivement une langue écrite, aux qualités quasiment abstraites. Langue de lecture, donc, de silence intime et solitaire. Langue de l'écrit à déchiffrer, qui avait pourtant sur le latin et le grec de mes études classiques au TweedeGymnasium l'avantage d'être vivante. Quelles qu'eussent été jusque là les beautés d''Ovide, par exemple, celles de Baudelaire m'apparurent aussitôt plus proches, gorgées de sève et de sang. De sens autrement dit : sensualité et signification.
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La boulangère du boulevard Saint Michel me chassait de la communauté. André Gide m’y réintégrait subrepticement. Dans la lumière de cette prose qui m’était offerte, je franchissais clandestinement les frontières d’une terre d’asile probable. C’est dans l’universalité de cette langue que je me réfugiais. André Gide, dans Paludes, me rendais accessible, dans la transparente densité de sa prose, cet universalisme. p133 134
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Il pleuvait, mais la pluie ne semblait pas tomber du ciel, à verse ou en giboulées. C'était plutôt l'air lui-même, dense et tiède autour de moi -- abrité d'abord sous la marquise d'un cinéma, non loin du débouché de la rue Racine -- qui semblait imprégné de bulles liquides, impalpables et évanescentes. p57
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Il n'y a guère d'activité historique, d'engagement en somme, " sans une certaine décision pour une cause imparfaite, car nous n'avons pas à choisir entre des principes et des idéologies abstraites, mais entre des forces et des mouvements réels qui, du passé et du présent, conduisent à la région des possibilités de l'avenir." (p.122)
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Parmi tous les récits possibles, toutes les possibilités d’écriture romanesque qui s’offraient à moi, ces derniers temps selon le mystérieux balancement d'un désir, j'ai choisi celle-ci, Adieu, vive clarté...(le titre s'en est imposé d'emblée, ça ne m'est pas habituel non plus, dès le premier travail sur la nébuleuse narrative en formation) pour la simple raison qu'elle concernait une vie antérieure à l'expérience de Buchenwald.
Depuis que j'ai écrit Le grand voyage, à quarante ans, (…), toute mon imagination narrative a semblé aimantée par ce soleil aride, rougeoyant comme la flamme du crématoire. Même dans les récits les plus éloignés de l'expérience personnelle, où tout était vrai parce que je l'avais inventé et non parce que je l'avais vécu, le foyer ancien était à l’œuvre, incandescent ou couvant sous la cendre.
J'ai tout essayé pour conjurer ce sort, pour éviter que cette mémoire mortifère ne vienne encombrer celle de mes personnages. J'ai conçu des machineries romanesques où cette mémoire semblait superflue, de prime abord. Mais elle s'arrangeait toujours pour piéger mes personnages, pour lester l'un ou l'autre d'un poids qu'il n'aurait sans doute pas souhaité, dont souvent il ne savait que faire, que parfois, même, il ne méritait pas.
Ce n'est pas par goût de la tranquillité que j’essayais d'oublier ce passé, d'en oblitérer du moins ses effets les plus pernicieux dans mon travail d'écriture. Je n'ai jamais eu de goût particulier pour la tranquillité.
C'était plutôt par goût de la liberté.
Je n'aimais pas l'idée d'être confiné dans le rôle du survivant, du témoin digne de foi, d'estime et de compassion.
L'angoisse me prenait d'avoir à jouer ce rôle avec la dignité, la mesure et la componction d'un rescapé présentable : humainement et politiquement correct.
Je ne voulais pas être contraint de vivre indéfiniment dans cette mémoire, de cette mémoire : des trésors et des tristesses de cette mémoire. Je m'irritais des obstacles que celle-ci dressait devant mon imagination romanesque.
Une vie trop aventureuse, trop chargée de sens m’a parfois barré les chemins de l'invention, m'a ramené à moi, alors que je prétendais inventer l'autre, m'aventurer dans le territoire immense de l'être-ailleurs, de l'être-autrui.
D'une certaine façon, je ne pouvais être écrivain romancier, en tout cas, et l'art du roman est le sommet de l'art de l'écriture - que contre cette expérience sanglante.
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La vie en soi, pour elle-même, n'est pas sacrée : il faudra bien s'habituer à cette terrible nudité métaphysique.
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Pour moi, ce salut [le poing levé] n'a jamais été un geste de triomphe, encore moins de menace. S'y expriment plutôt la fraternité des humiliés et des offensés, la solidarité des pauvres. Des vaincus, trop souvent. L'espoir peut s'y lire: le plus fou des espoirs, le plus désespéré. (p.76)
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J'ai essayé d'imaginer ma vie sans l'engagement, corps et âme, dans l'aventure du communisme. A ce moment-là, en 1960, l'élan premier de ma ferveur s'était déjà épuisé. Je n'attendais plus rien de vraiment créatif de la pratique du marxisme, même épuré selon mes déviances personnelles, encore intimes. Même la fraternité de la clandestinité espagnole, qui avait été prodigue en richesses émotionnelles, laissait apparaître ses travers de rituel et de routine. Pourtant, je n'arrivais pas à imaginer ma vie passée sans cet engagement total. Sans lui, elle aurait été plus confortable, certainement. Mais peut-être avait-il fallu toute cette folie, cette perte de soi, cette exaltation, ce goût amer d'un lien transcendant, cette illusion de l'avenir, ce rêve obstiné, cette rationalité somptueuse mais contraire à toute raison raisonnante et raisonnable, toute cette haine, tout cet amour, cette tendresse pour les compagnons inconnus de la longue marche interminable, ces bribes de chants, de poèmes, de mots d'ordre lancés à la face du monde comme un appel d'espoir ou de détresse, cette souffrance sous la torture et l'orgueil d'y avoir résisté : peut-être avait-il fallu tout cela pour donner à ma vie une sombre et rutilante cohérence. Peut-être sans cette folie, me serais-je éparpillé en petits malheurs et minimes bonheurs privés, au jour le jour d'une longue suite de jours qui auraient fini par me faire une vie.
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