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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour des raisons toutes personnelles, j'ai été amenée à relire tout ce que j'avais en magasin sur Médée...

Médée, le prototype de la femme-sorcière, de la harpie vengeresse, de la criminelle sans tabou, Médée l'empoisonneuse au sens propre...

Médée, le cauchemar des hommes! Médée la féministe enragée!

Je partais plutôt avec un préjugé favorable: elle a été tellement noircie, traînée dans la boue par Euripide, Ovide, Diodore, les frères Corneille, Lamartine, Anouilh...Une telle unanimité, c'en devenait suspect!

J'ai donc commencé mes relectures par Sénèque: un philosophe, stoïcien de surcroît, ça doit avoir le cuir plus épais face aux susceptibilités masculines, ça doit écouter avec moins de complaisance les qu'en dira-t-on littéraires, se montrer moins crédule face aux ragots mythologiques de tout poil...et manifester plus d'ouverture et de tolérance face à la problématique complexe de la femme abandonnée, rompue et manipulée...

Eh bien la réponse est non! Pour être philosophe on n'en est pas moins homme.

Voilà un terrible portrait de femme !

Voici une héroïne tragique plus près de la camisole de force que de la malédiction divine !


La tragédie antique fonctionne sur le double phénomène de la projection- répulsion : le spectateur éprouve, pour l'héroïne, à la fois horreur et pitié. Il est révulsé par sa conduite en même temps qu'il la plaint d'être le jouet de puissances qui la dépassent. Malin, il s'en tire à bon compte ! Compatissant mais pas dupe : elle, c'est elle, lui, c'est lui. C'est ce qui s'appelle la catharsis, une sorte de blanchiment de pulsions criminelles pour pas cher !

Dans la pièce de Sénèque, pas la moindre compassion pour Médée ni du côté du choeur, ni du côté des personnages.

La tragédie du temps de Sénèque ne se jouait plus depuis belle lurette: elle se disait ou se lisait. cela se voit à la fonction fort creuse, ici, du choeur- qui est au...coeur de la forme tragique, à l'origine. le choeur tragique, traditionnellement, représente l'humanité moyenne- un petit 36 par rapport au cothurne géant chaussé par le héros tragique. C'est de lui, le plus souvent, que vient la mesure humaine, cette pitié, mêlée d'effroi.

Le choeur de Corinthiens, dans la pièce de Médée, ne commente même plus les épisodes, n'en redoute pas non plus l'accomplissement, n'en déplore pas l'horreur -il reste MUET après le meurtre des enfants !! Non, il fait une leçon de mythologie, comparant les exemples d'hybris à travers les siècles et les légendes, ou alors il donne des recettes de buffet pour réussir un beau mariage- j'exagère à peine! Il ne faut donc pas compter sur ce choeur, qui botte en touche en permanence, pour avoir un mot favorable ou simplement compatissant pour l'héroïne..

Médée est accompagnée de sa nourrice : traditionnellement, c'est un personnage maternel, mi-servante, mi-protectrice, qui est souvent le seul secours de l'héroïne en butte aux attaques de la Némésis, cette jalousie sans pitié des Dieux. Eh bien, ici, la nourrice est vendue à l'ennemi : pas un mot sympa pour Médée, pas le moindre effort pour la ramener à des sentiments plus humains en lui rappelant, par exemple, comme elle préparait bien les tisanes quand elle était jeunette… Cette sociale-traître de nourrice nous confie même son horreur pour son ancienne pupille dans des a parte qui frisent le coup de poignard dans le dos :

« Nous sommes menacés d'un forfait immense, effréné, impie, si j'en crois le visage furieux que je lui vois ! »

Quant aux autres personnages, Créon, Jason ou le Messager, inutile de dire leur répulsion pour la magicienne !

Médée est donc seule, face à Créon qui la hait et lui accorde à grand peine un jour pour dire adieu à ses enfants. Et bien sûr seule face à Jason qui s'apprête, le salaud, à convoler en injustes noces avec Créüse, fille de Créon, elle qui n'a pas levé le petit doigt pour lui donner la Toison d'Or, alors que Médée a fait tout le sale boulot! Médée n'a-telle pas tué son père, son frère, son beau-père, pour permettre à Jason d'accéder au trésor et au pouvoir?

Mais cet opportuniste de Jason a une faiblesse : ses enfants. Il les aime, et ne veut pas les laisser à Médée, ni partir avec elle non plus. Folle de chagrin, de colère et de ressentiment, Médée tue alors, un à un, ses enfants sous les yeux horrifiés de Jason et du spectateur. Non sans avoir au préalable chargé ces mêmes enfants de porter à leur future belle-mère des cadeaux empoisonnés qui provoquent sa mort et celle de Créon, tandis que l'incendie ravage leur palais….Fin de la tragédie !

Oups !

Là, la pilule passe vraiment mal…Sénèque a beau l'avoir abandonnée en rase campagne sans le moindre avocat, on a du mal à compatir aux fureurs d'une héroïne, qui semble trouver dans les pires abîmes la force qui va l'aider à commettre l'infanticide :

« O haine, mène-moi où il te plaît ! Je te suis ! (…) Que n'ai-je mis au monde quatorze enfants ! J'ai été trop stérile pour ma vengeance ! je n'ai mis au monde(…) que deux fils ! »

Et Médée ose dire à Jason:

« le fils que voici a déjà subi le trépas auquel il était voué ; quant à l'autre, c'est sous tes yeux que je vais le mettre à mort ! »

et elle ajoute, sadique :

« C'est à l'endroit où tu refuses d'être frappé, au point qui t'est douloureux, que je plongerai mon glaive. Va maintenant, homme superbe, va rechercher le lit des vierges : abandonne celles que tu as rendues mères ! »,

avant de fuir, altière, sur un char ailé tiré par deux serpents !!

Too much !

Cette Médée-là n'est qu'horreur : c'est une forcenée, un bloc de haine. Les dérives de la tragédie latine- à l'estomac et sans choeur - ne nous laissent rien à quoi nous accrocher. On ferme la dernière page avec un sentiment de dégoût !

Et pas le moindre argument, mesdames, pour titiller un peu notre fibre féministe !


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Médée ou la fureur décuplée d'une femme bafouée et abandonnée.
Cette tragédie versifiée en onze scènes de Sénèque (philosophe stoïcien du IV° siècle av J C, au style concis, auteur de de la brièveté de la vie et tragédien auteur de Phèdre) est issue de la mythologie grecque et du "cycle des Argonautes" dont le chef Jason s'est emparé de la Toison d'or aidé par les ruses (magiques et sanglantes!) de la princesse Médée qu'il doit épouser. La pièce se déroule en Grèce.
Dans Médée (Imprimerie Nationale Editions) Sénèque (traduit par Florence Dupont) relate la vengeance de Médée répudiée par Jason (sur ordre de Créon roi de Corinthe) le lendemain de ses noces avec la fille de Créon et l' exil qui s'en suit . On se rappelle la Médée d'Euripide, puis plus tard celle de Corneille.
Sénèque met en conflit le mal et le bien. Alors que Médée, insoumise, coléreuse,blessée dans son orgueil,malheureuse,obstinée, invoque les puissances des ténèbres pour assouvir sa vengeance dans une lutte à mort; les choeurs en appellent à la paix. L'auteur étudie finement les caractères: pour la femme amoureuse le coupable est forcément Créon, mais malgré les justifications de Jason et ses arguments,les conseils de sa nourrice de rester stoïque (thème cher à Sénèque) malgré la trahison, la morale et le rationalisme emportés par l' "amour malheureux et sauvage" de cette furie "titubante comme possédée", de ce "monstre", les crimes se succèderont sans pitié et déborderont du cadre de la justice pour rejoindre la folie.
Conclusion: une excellente pièce mettant en exergue l'une des doctrines les plus influentes de l'Antiquité, toujours d'actualité, en décrivant son pendant démultiplié car ainsi que le disait Sénèque: "C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien". de bien sages paroles!
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La pièce de Sénèque est la version de Médée dont on se souvient le plus : une femme qui n'hésite pas à invoquer les ténèbres pour arriver à ses fins. La violence pétrifie le lecteur et nous donne l'impression d'être devant une furie. Un réel travail sur le mythe, même si cette version est de moins en moins portée aux nues par les écrivains contemporains.
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Autant le contenu lyrique et la langue employée est plus riche que la pièce d'Euripide, mais autant là l'érudition étalée par Sénèque est trop ample pour permettre une lecture aisée. La multiplication de nom propre renvoyant à toute une généalogie mythologique, et de notes de bas de pages y étant rattachées alourdissent la fluidité de l'action et du jeu. En fait c'est une pièce faite pour être lue, méditée à la rigueur, mais certainement pas jouée.
Sénèque rend toutefois une belle version du mythe de ce personnage féminin emblématique et redoutable. Personnellement je préfère ses lettres ou ses ouvrages philosophiques.
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Interprétation latine de la tragédie grecque de Médée, cette version de Sénèque nous propose une Médée plus sombre et cruelle que celle d'Euripide. C'est toujours une femme blessée, une épouse délaissée, mais elle apparaît aussi comme une figure inquiétante, une magicienne aux noirs desseins. Difficile de comparer les deux versions, tant chacune à sa façon est plaisante à lire.
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Quelle force pour une texte qui n'épargne rien de la tragique vengeance d'une femme qui perd tout. C'est de loin l'une des meilleures versions du mythe que j'ai eu à lire. Et bonne nouvelle, j'ai eu à lire et étudier cette pièce deux années de suite.
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Medea super est..; il me reste Médée et c'est bien là le noeud tragique. Bafouée par l'homme qu'elle aime et rejetée par la société de Corinthe, la magicienne étrangère ne peut que se retrancher en elle même et sonder ses propres noirceurs. Qu'importe les dieux ou les hommes, il faut que la colère intime explose et qu'elle anéantisse l'univers, c'est-à-dire ses propres enfants, horribles reflets du traitre Jason.
Oui Médée est coupable mais l'univers aussi. Elle commet le pire mais la vie n'est elle pas elle-même la source de toute abomination...
Un hymne à l'individu que le stoicien Sénèque sait mettre en scène de manière magistrale...et quelques fois son personnage de fiction nous rappelle le protégé historique que fut Néron, monstre réel nourri à la philosophie du dramaturge.
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Je me rappelle avoir étudié Médée en cours et avoir aimé l'histoire. Mais comme toujours, il y a des thèmes qui reviennent sans arrêt et qui me dérangent un peu. Par contre, j'ai bien apprécié la façon dont c'est fait.
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