“La fête est finie” aurait pu être le sous-titre de ce livre ô combien important tant les thèmes qu'il aborde sont cruciaux pour l'avenir de l'humanité (et du vivant en général) à contrario de la planète. Eh oui, la Terre, elle, elle s'en fout ! Ça fait 4,5 Milliards d'années qu'elle sillonne l'espace et elle nous survivra bien après notre potentielle (et plus que probable) disparition.
Les auteurs livrent ici un état de l'art détaillé des Sciences de l'environnement et de l'énergie, donnant la parole à tout un panel d'acteurs dont la crédibilité ne pâtit d'aucun doute. Y sont notamment citées les études du GIEC dont il est à juste titre précisée la consensualité (une certaine neutralité quant aux faits, issue du consensus de centaines de chercheurs dans le monde).
La première partie fait la part-belle aux constats : que ce soit sur le plan énergétique, écologique, climatique, économique ou démographique, nous ruinons notre espace de vie. Il est de notoriété publique que l'humanité consomme l'intégralité des ressources renouvelables annuellement de la Terre de plus en plus tôt dans l'année – en Aout pour les dernières estimations. Nous prenons donc chaque année quelques mois d'avance qui se transforment au fil des ans en une dette écologique délétère pour notre futur.
Tandis que les réserves de pétrole s'amenuisent, il devient de plus en plus compliqué d'accéder à cette ressource dont les facilités d'accès en premiers lieux ne sont plus qu'un lointain souvenir. le ratio Energie-Récoltée/Energie-Investie (EROEI) lors de l'exploitation d'une source ne cesse de diminuer ce qui conduira en toute logique à une fin prématurée de son utilisation. On en rencontre déjà les limites techniques et financières ; le second indice étant l'investissement des grands groupes énergétiques dans d'autres voix. Quant aux autres sources d'énergies, elles seront tributaires des ressources en matériaux et énergies nécessaires à les mettre en oeuvre (tout est lié!).
Ecologiquement parlant, la folie des 30 Glorieuses (les futurs historiens en modifieront surement le nom…) n'a pas permis de comprendre et d'instaurer les mesures nécessaires à la conservation de notre biosphère. Résultat, la biodiversité s'écroule, entrainant avec elle dans sa chute, par effet domino (chaîne trophique) une multitude de « séismes » au niveau de la faune et de la flore – dont nous sommes également dépendants.
Côté climat, ce n'est pas mieux. Malgré les sonnettes d'alarmes, de plus en plus forte, notamment depuis les années 70 (Rapport Meadows/
Club de Rome, puis GIEC, entre autres), les politiques publiques – et le public lui-même – ne suivent pas. Médiatiquement, le catastrophisme (même éclairé) est moqué, tandis qu'une bande d'ignorants goguenards et trop sûrs d'eux-mêmes continuent irrémédiablement de foncer dans le mur.
Niveau économie, l'inégalité grimpante est létale, même pour les plus favorisés ; elle n'est surement pas un vecteur de croissance et d'innovation comme se plaisent à penser une bonne partie des fervents défenseurs du modèle capitaliste – ouvrez les yeux !
La question démographique est traitée moins en profondeur en raison de très nombreuses incertitudes systémiques : c'est bien d'imaginer que le taux de croissance va nous amener à 10, voire 12 Milliards d'ici à 2100 – mais c'est sans compter sur les catastrophes naturelles, guerres, épidémies, etc… opportunités que le futur ne manquera pas de fournir.
Car, voyez-vous, tout est lié dans le système-Terre. Tout est interdépendant, à l'image des chaînes trophiques précédemment évoquées. Ces boucles de rétroactions, cumulées à un système économique gouverné par une nécessité de croissance, en font un modèle par définition instable. Pour résumé, la boucle serait : pire c'est, pire ce sera.
Les faits sont là, irréfutables, chiffrés, analysés rigoureusement. Et pourtant, rien ne bouge. On en arrive donc à se poser la question de la psycho/socio-logie afin de chercher à comprendre les blocages et tenter de les surmonter, il en dépend de la survie de l'espèce car après avoir franchi des « seuils » (frontières), nous arrivons au pied du mur que sont les « limites », infranchissables elles.
Déni, individualisme, faible accès aux connaissances (niveau de vie, médiatisation, politique publique…), les facteurs sont multiples et cumulables, alors que faire ?
On l'a vu, ce ne sont pas les élites qui vont changer la donne. Il est grand temps de se prendre en main. Face à l'aveuglement idéologique, à la bêtise, le mieux que nous puissions faire est d'abord de nous changer nous-mêmes. Cela passe par une transformation de notre regard sur la vie, ce qui n'est déjà pas une mince affaire, bien sûr, mais aussi par le changement factuel de notre comportement vis-à-vis de nos ressources et des « autres ».
Les initiatives locales foisonnent et c'est tant mieux, car elles permettent de développer une meilleure « résilience » (absorber/s'adapter aux perturbations contraignants le système) en limitant la complexification d'un réseau – complexification à elle seule responsable d'instabilités systémiques.
La seule chose qui nous reste, c'est l'espoir. Et l'espoir, ce livre en donne, malgré ce qu'on pourrait en penser après la lecture des lignes ci-dessus. L'humain, à contrario d'une idée fort répandue (notamment par la culture cinématographique), ne se transforme pas en bête sauvage à la moindre catastrophe, d'autant plus quand celle-ci est impromptue. de multiples exemple le prouvent, notamment lors de désastres climatiques où l'entraide prime toujours sur la violence, l'être humain étant un être social à la recherche de la sécurité avant tout.
Prenez le temps de livre ce livre. Ces 268 pages (postface inclue) seront peut-être le déclic qui mettra des mots sur votre intuition et apportera les chiffres à votre raisonnement. La qualité du recueil de données ainsi que la structure argumentaire parfaitement limpide en font un très bon livre d'approche pour une conscientisation indispensable si nous voulons limiter (puisqu'on ne parle plus d'éviter) l'impact d'un effondrement.