Débat quelle école pour grandir en humanité ?
Philippe MEIRIEU, Abdennour BIDAR, Aurélien ARAMINI au 35e festival du Livre de Mouans-Sartoux
On a beaucoup dit que les évènements tragiques de ce début d'année devaient nous "ouvrir les yeux" sur les problèmes de notre pays. Les yeux de nos politiques se sont-ils ouverts? On me dit que nous avons entendu "de grands discours républicains". Soit. Mais lequel de nos hommes politiques de droite et de gauche a osé la fraternité? Non pas comme ça, en passant, au milieu d'une litanie de valeurs, mais en la plaçant au coeur de ce qu'il faut restaurer ici et maintenant?
Y en a-t-il un qui a dit que le temps de la fraternité était venu? Non, aucun. Une fois de plus, mais là c'était une fois de trop. Car pour la fraternité, c'est maintenant ou ce ne sera peut-être jamais.
Se voir soi-même e,n train de creuser avec ses mains la terre noire de ses propres profondeurs.
S'exercer à voir cette terre devenir humide, puis à voir une eau claire en émerger, une eau lumineuse puissante et fraîche.
S'asseoir auprès de cette source pour contempler sereinement le jardin si vert que cette eau de lumière fait naître tout autour.
“La fraternité, c'est un dénominateur commun à tous les humanismes”
Télérama.fr
"Oui, nous avons créé l'homme selon la plus parfaite des formes." Lorsqu'on lit ce verset du Coran, il semble à première vue que l'islam donne à l'homme une place éminente dans l'univers. L'expression de "plus parfaite des formes" résonne en effet comme un éloge des facultés propres de la nature humaine, son intelligence, son imagination, sa volonté, etc. Ce sont elles qui s'installent logiquement au sommet de la création divine et font de lui la meilleure des créatures de Dieu.
Mais derrière cette valorisation apparente se cachent en réalité de redoutables problèmes, dont l'humanisme islamique peine à sortir pour produire l'éloge de la grandeur de l'homme que ce verset semblait promettre. Car la meilleure des créatures, si parfaite soit-elle et quelle que soit sa supériorité vis-à-vis des autres êtres créés, n'est jamais qu'une création condamnée en tant que telle à servir son Créateur, c'est-à-dire soumise à l'intelligence et à la volonté d'un Etre infiniment plus puissant qu'elle-même.
En occident, tous les chemins mènent à l'homme.
Nous devons décider une bonne fois pour toutes de faire de la France le pays de la fraternité pour que le monde musulman et l'Occident trouvent ici, chez nous, le lieu idéal, le modèle d'harmonie dont ils ont besoin et qui nous fera sortir du choc des civilisations. Il faut remplacer la guerre des sacrés contradictoires par la paix du sacré partagé.
Ce qui fait notre dignité, c'est que nous avons la responsabilité de nous-même; celle de devenir nous-même, de faire quelque chose de nous.
Entretien pour Le Monde des Religions n°85 (09-10/2017)
Nous sommes une civilisation où chaque génération a grandi pendant des siècles en voyant tous les jours au bord des chemins le martyre du Dieu-Homme gravé dans la pierre de ses croix.
[…] On ne me demande plus ainsi, à moi comme à d’autres, qu’une chose : de quel côté je suis entre Israël et Gaza, et, selon le camp que j’aurai choisi, de dénoncer l’autre camp. […]
Comment choisir entre des causes qui, partout aujourd’hui, ne sont plus que des prétentions de supériorité, des déclarations de guerre ? Comment peut-on ici décemment choisir entre l’armée israélienne qui tue la population de Gaza et le terrorisme du Hamas ? […] On ne choisit pas le bien entre deux égarements.
Disant cela, je pense à Erasme, qui, au 16ème siècle, avait refusé de choisir entre catholiques et protestants, au motif que les deux camps commettaient l’un et l’autre de terribles massacres. Quand il nous rapporte cela dans le portrait magnifique qu’il fait de lui, Stefan Zweig [1881-1942] nous dit qu’Erasme fut condamné des deux côtés pour avoir ainsi refusé de choisir. Les deux camps le déclarèrent traître au bien et complice objectif du mal commis par l’autre camp. Ils lui firent le grief de manquer de courage autant que de lucidité, et s’il fut traîné dans la boue pour cela, c’est que, dans une époque où la folie se répand, où les positions s’hystérisent, il ne fait hélas pas bon garder la tête froide et le cœur en paix. […]
J'ai commencé à écrire ce Plaidoyer le lundi 12 janvier 2015. Dans un état de très grande émotion intérieure. En essayant de réfléchir un peu à ce qui venait de nous arriver. De terribles attentats venaient de blesser la France au plus profond d'elle-même et, comme vous sans doute, j'ai été d'abord sidéré, bouleversé, meurtri, et choqué pendant plusieurs jours. Puis, immédiatement après ces assassinats, sans véritable élaboration d'une réaction mûrement concertée, il y a eu ce formidable élan de mobilisation du dimanche 11 janvier. Des marches historiques partout en France, des foules - non, pas des foules mais nous tous ensemble, chacun de tout coeur parmi les autres! Unis, et jamais aussi nombreux dehors depuis la Libération.