"Ta langue, maintenant, c'est celle des signes. C'est à eux de s'adapter. Sinon tu resteras un oraliste toute ta vie et ils ne maîtriseront jamais vraiment la langue des signes."
"Je suis devenu sourd, tu le sais bien. Je ne peux pas leur demander de faire comme si j'avais toujours été sourd."
"D'accord. Mais toi, qu'est-ce que tu veux? Rester un devenu sourd toute ta vie ou devenir un vrai sourd? il te faudra choisir ton camp à un moment donné."
L'Alsace ne se dévoile pas facilement, se dit-il. Elle vous accueille aisément et chaleureusement, mais elle ne vous offre que sa surface ; on ne la connaît pas vraiment, au fond.
"Tous ceux qui ont été punis n'étaient pas des collabos, et tous les collabos n'ont pas été punis. Voilà ce que je dis."
"Il suffit d'écouter les vibrations dans ta poitrine et de suivre mon rythme"
Jules ferme les yeux pour mieux sentir le martèlement du batteur sur la grosse caisse et les "boum" grave de la guitare basse qui font trembler sa chair sous sa peau. Il se souvient de l'effet que cela lui a fait lors des deux ou trois concert auxquels i a assisté avant de devenir sourd ? Ses parents avaient exigé qu'il mette des bouchons dans les oreilles à chaque fois, mais il n'est pas possible d'empêcher les basses de traverser les vêtements, le derme et de secouer tout son squelette. Il les entend parfaitement maintenant, moins fort qu'en concert parce que ce n'est qu'un bal de village, mais très distinctement.
Jules comprend que ça a été dur pour ses parents. (...)
Il les adore, mais quelque chose les sépare définitivement ; cette même chose le rapproche de ses camarades de classe. (...)
... se chahutent, se disputent, ils se battent... Personne n'épargne personne, alors qu'à la maison tout le monde est aux petits soins pour lui et ça le gêne. Tout est fait pour lui faciliter le quotidien, pour lui éviter d'avoir à faire ceci ou cela, mais ce n'est pas la vraie vie. Parfois, chez lui, dans sa propre chambre,, il a l'impression de ne pas être sorti de l'hôpital. Au centre, il ne se sent pas handicapé.
Je suis un vrai sourd-signeur.
" Rien, signe-t-elle de manière agressive. Va rejoindre ton copain. Restez donc entre sourds. Et arrête d’oraliser, tu es ridicule. »
Jules encaisse le coup. C’est la première fois qu’un entendant lui dit une chose aussi dure depuis qu’il est sourd. Lui qui fait tant d’efforts pour parler à voix haute quand il s’adresse à des non-sourds, pensant ainsi faire preuve de bonne volonté, pour eux ! Il trouve Camille terriblement injuste. Une fraction de seconde, il a envie de la gifler, de hurler, puis de fuir en courant. (…)
- Pourquoi tu me dis ça ? En quoi je suis ridicule ? »
« Assume ce que tu es. Il n’y a rien de plus minable que ces sourds qui essaient de faire plaisir aux entendants, qui jouent les bons toutous en apprenant à parler. »
« Je suis un devenu sourd, je ne peux pas le renier. J’ai parlé pendant quinze ans avant de perdre l’audition. »
« Eh bien, deviens sourd ! Signe ! Tu ne vas pas rester le cul entre deux chaises. Sois fier de ce que tu es. »