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Peri mène une vie aisée et rangée à Istanbul, auprès de son riche mari et de ses trois enfants. Alors qu'elle se rend à un dîner au sein de la haute bourgeoisie de la ville, elle est victime d'une agression et du vol de son sac à main. L'incident suffit à faire voler en éclat sa sérénité affichée et à faire remonter à la surface son passé et son manque de confiance en elle.


Dès lors, le récit ne cesse d'alterner entre le présent, décrit au travers des commentaires des invités du dîner, et les années quatre-vingt, telles que Peri se les remémore soudain tout au long de la soirée. Ecartelée pendant l'enfance entre un père athée et une mère ultra-croyante qui ne cessaient de s'affronter, puis, durant ses études à Oxford, entre deux amies, l'une très émancipée, l'autre musulmane très pratiquante, sa rencontre avec Azur, brillant et dérangeant professeur de philosophie, avait bouleversé sa vie d'alors.


Cette alternance entre les deux récits met habilement en perspective le durcissement idéologique de la société turque. Riche de nombreuses références littéraires, l'histoire de Peri permet à l'auteur d'évoquer les questions de la démocratie et des dérives autoritaires, du fanatisme religieux, de l'ignorance vectrice de tous les sectarismes, du droit à l'éducation, de la séparation des sexes et de l'émancipation féminine..., dans une société turque tiraillée entre tradition et modernité, religion et laïcité, son identité et le mode de vie occidental.


Le lecteur ne s'ennuie pas une seconde : d'une part curieux de percer le secret de la vie passée de Peri et intrigué par ce surprenant professeur qui a tant marqué le jeune femme, il est d'autre part frappé par la justesse et la violence des observations, fasciné par cette analyse si limpide de la société turque qu'Elif Shafak nous décode.


J'ai relu de nombreux passages à plusieurs reprises, tellement ils me semblaient éclairants. Et une fois la dernière page tournée, je me suis mise aussitôt à reparcourir le livre une seconde fois pour retrouver de nombreuses citations.


Très grand coup de coeur. Je ressors de cette lecture très impressionnée par l'érudition et le courage d'Elif Shafak. Il faut rappeler qu'un de ses ouvrages précédents mentionnant le génocide arménien, La Bâtarde d'Istanbul, lui avait valu d'être poursuivie en justice en Turquie.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Trois destins différents qui se rejoignent.. Péri, la jeune fille turque uiq cherche son chemin entre laïcité et Islam, Shirin, létudiante émancipée et Mona la musulmanne pratiquante et féministe. Je me suis retrouvée dans chacune d'elle et surtout dans la notion d'un Dieu qui devrait échapper à la main mise des religions, quelles qu'elles soient.
Un livre formidable à lire, une leçon de vie!
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J'ai découvert « Three Daughters ou Ève » lors d'un voyage en Écosse et j'ai relevé le défi de le lire en anglais.
Malgré la difficulté liée à la langue c'est un coup de coeur. Ce roman construit sur un double récit , un va et viens entre présent et passé nous raconte l'histoire d'une femme turque, qui à l'image de son pays recherche son identité, hésitant entre tradition et modernisme - croyance et sécularisation.
On y trouve aussi une critique pertinente des travers de la société stambouliote qu'on retrouvent dans de nombreuses sociétés moyen-orientales.
En prime, Élif Shafak nous livre une réflexion intéressante sur la foi, la religion, la spiritualité et notre monde.
Et les personnages par leur complexité et leur ambivalence sont beaucoup plus profonds et attachants que dans les précédents romans de l'auteure.


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" le temps, comme un tailleur adroit, avait raccordé par des coutures invisibles les deux tissus qui gainaient la vie de Péri : ce que les gens pensaient d'elle, et ce qu'elle pensait d'elle-même. L'impression qu'elle produisait sur les autres et sa propre perception s'entre-tissaient en un tout si achevé qu'elle ne pouvait plus distinguer quelle part de chaque jour répondait à ce qu'on attendait d'elle et quelle part à ce qu'elle désirait vraiment."

Très très grand plaisir de retrouver Élif Shafak, l'auteure de "La Bâtarde d'Istanbul", de "Soufi, mon amour" et de "Crime d'honneur" ! Une belle écriture fluide, émotionnelle, sensible et intelligente, qui n'oublie jamais de remettre toute chose dans son contexte. Et cette capacité qu'elle a de décortiquer des vies, à plusieurs périodes, de montrer l'évolution des personnages et des situations !

L'histoire ici est surtout celle de Nazperi Nalbantoglu, que tout le monde appelle Peri ; quand le livre débute, elle est coincée dans un embouteillage dans le chantier qu'est devenue la ville d'Istanbul en 2016. En compagnie de sa fille adolescente - elle a aussi deux garçons - elle doit se rendre à un dîner dans le manoir balnéaire d'un richissime homme d'affaires "Istanbul regorgeait de pauvres confirmés et de nouveaux riches, ainsi que d'une foule de gens qui rêvaient de sauter d'un seul bond rapide de l'une à l'autre catégorie".

Dernière enfant d'un couple qui avait déjà deux garçons, Peri a grandi aimée de ses parents - surtout de son père - mais prise en tenailles entre une mère très religieuse et un père qui croit en Dieu mais supporte mal la religiosité de son épouse. Son enfance n'est pas sereine et on découvrira la cause de ses difficultés avec sa mère ; elle est assez compliquée Peri, trop timide, trop réservée, trop spectatrice des choses, mais assez forte aussi, capable de défendre ses convictions et surtout de se poser les questions qui lui permettent de creuser, d'aller au fond des choses.

Pendant que la Peri adulte se rend à son dîner puis y assiste, elle se souvient de son temps d'études à Oxford ; élève travailleuse et extrêmement douée, elle a réussi à la grande fierté de son père à être prise dans le temple du savoir. Une partie du récit - tout à fait passionnante - est consacré à ses études anglaises et en particulier au séminaire sur Dieu qu'elle suivit avec Shirin et Mona ses amies musulmanes. Toutes trois sont cependant incroyablement différentes dans leurs positions religieuses, ce qui entraîne de rudes batailles, surtout entre Mona qui est voilée et Shirin la délurée.
Ce séminaire est enseigné par le professeur Azur : "Quand le professeur parlait de Dieu et de la vie et de la foi et de la science, ses mots s'agglutinaient comme des grains minuscules de riz vapeur, prêts à nourrir des esprits affamés. En compagnie d'Azur, Peri se sentait accomplie, entière, comme s'il y avait après tout une autre manière de voir les choses - différente de l'approche de son père comme de celle de sa mère."

Pourtant Azur est un homme controversé quant à ses méthodes d'enseignement et ses rapports avec Peri sont à l'origine du scandale qui éclatera, marquant durablement le professeur qui animait l'enseignement ayant pour titre "Dieu" et ceux qui y assistaient, surtout la jeune étudiante venue d'Istanbul.

Les chapitres s'intercalent, éclairant le tempérament de la jeune fille à Oxford années 2001-2002 et de la femme qu'elle est devenue en 2016, une femme complexe qui comme chacun de nous vit son présent avec son passé en tête. Et ce dîner va servir de révélateur à ce que Peri n'a pas réglé dans sa vie...

Occasion de découvrir de l'intérieur la société bourgeoise stambouliote, la narration du dîner est instructive : "Bravo, dit une décoratrice d'intérieur qui était la fiancée de l'architecte, bientôt sa troisième épouse. Je le dis toujours, dans le monde musulman, la démocratie est obsolète. déjà en Occident c'est prise de tête, mais ici avouons-le, c'est complètement déplacé."
Ou "Peri se dirigea vers le cercle des hommes, négligeant les règles de bonne conduite en société. Elle s'assit au milieu du groupe, à côté de son mari, sous les nuages de fumée gris-bleu qui montaient de multiples cigares".

C'est un très beau livre qu'Elif Shafak - qui se définit comme une âme du monde - a écrit, un livre qu'on referme à regret et qui marque durablement.
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Première lecture de cette autrice, et c'est une réussite. Elle aborde le thème de la relegion à travers les yeux d'une jeune femme qui est pris entre son père gauchiste et sa mère religieuse dans la ville d'Istanbul.
Cette ville qui est aussi prise entre deux feux, entre plusieurs traditions, aux portes de l'Europe et du Moyen Orient.

Une histoire sur le lecture de soi, sur la recherche du pardon envers soit même et envers les autres.
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Un roman qui démarre doucement mais qu'on ne peut plus lâcher ensuite, trois étudiantes en Angleterre, cherchant Dieu ou son absence, se questionnant, se cherchant elles-même, interrogeant le divin, le culturel, le sociétal, le politique, se heurtant aux autres, à leurs familles parfois, ou bien aux traditions: du grand Elif Shafak!

"Il faut fêter ça, dit Shirin. Trois jeunes musulmanes à Oxford. La Pécheresse, la Croyante et la Déboussolée.
Peri leva son verre: "- A notre amitié!"
- A notre crise existentielle collective, dit Shirin.
- Parle pour toi, dit Mona, en sirotant son jus de pomme."

...Ah, et j'oubliai, qu'il soit de dieu, de la vie, de son prochain ou des hommes: l'amour, l'amour, l'amour et ses montagnes russes!
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Three Daughters of Eve est un livre engagé. Un roman parfois déstabilisant, souvent émouvant, toujours pertinent. Une histoire qui n'a l'air de rien mais se révèle terriblement incisive, perturbante et évocatrice.


Tout commence avec un sac volé, duquel glisse une vieille photographie.

Sur ce Polaroïd, un homme d'une trentaine d'années, et trois jeunes filles, à Oxford.
En apparence, rien de majeur.

Mais pour Peri, la femme à qui appartenait le sac, ce petit fragment de passé ne cristallise pas qu'un banal souvenir d'université, mais bien toute une existence de questionnements, de doute, et des années et des années à se demander où sa place pouvait bien se trouver.


Dans son foyer natal, entre sa mère dévote et son père allergique à tout ce qui touche de près ou de loin à la religion, entre deux frères qui flirtent avec les extrêmes, l'un dans la rébellion, l'autre dans le réactionnarisme ?

A Oxford, l'université dont elle a rêvé tout au long de son adolescence, mais où elle n'a même pas pu achever ses études ?

Au sein de son mariage, avec son mari qui ne lui inspire plus grand-chose depuis longtemps et sa fille de douze ans qu'elle commence déjà à ne plus comprendre ?

Ou quelque part, ailleurs, dans un rêve un peu dangereux mais terriblement excitant, dans un fantasme d'absolu partagé par les quatre individus photographiés ?




Three Daughters of Eve captive parce qu'il n'est pas ce à quoi on s'attend. Il ne s'agit pas d'un pamphlet, ni d'un mélodrame familial, mais bien d'un récit introspectif et rétrospectif riche et fourmillant de réflexions pertinentes sur de multiples aspects des sociétés turque et occidentale, à propos de religion, de famille, d'identité, de priorités de vie. Avec sa plume particulièrement talentueuse pour partager couleurs, sensations et aspects visuels du texte, l'auteure livre un récit qui ne se satisfait pas d'une lecture superficielle, mais exige bel et bien un vrai engagement de la part de son lecteur.



Peut-être peut-on regretter certains aspects du récit dont on aurait aimé qu'ils soient plus développés, notamment les fameux cours du professeur Azur, la fin mi-figue mi-raison dont on a du mal à savoir quoi penser, ou encore certaines attentes du lecteur autour de quelques scènes en particulier qui se voient en fait très vite traitées, mais l'ouvrage demeure incroyablement saisissant dans le portrait qu'il fait de ses personnages et notamment de son héroïne, ou encore dans la manière dont il transcrit les émotions et les sensations vécues par celle-ci. On ressent son déracinement, sa solitude étouffante à tous les âges de sa vie, ses questionnements qui la font dériver plus qu'avancer, sa nostalgie diffuse et sans objet de quelque chose qu'elle ne connaîtra probablement jamais. C'est une petite pépite d'introspection que l'on dévore à toute allure, transporté entre les époques et les continents, conscient de l'issue du récit mais néanmoins toujours accroché à un espoir de voir la jeune fille trouver les réponses à ses questionnements, et se trouver elle-même.


L'auteure parvient à rendre palpables des réalités parfois complètement étrangères à ses lecteurs, et à cerner avec précision l'essence même des problématiques qu'elle aborde, les rendant ainsi universelles. Ce roman parlera à tous, parce que nous avons tous une petite part d'insatisfaction, de frustration à propos de la société de laquelle nous évoluons, des normes qu'on nous impose et dans lesquelles on ne se reconnaît pas toujours. Ce n'est pas un roman qui prétend offrir des réponses miraculeuses, et heureusement, mais bien une ouverture, un récit honnête, profond, complexe mais pas compliqué, sombre certes, mais inspirant. N'hésitez donc pas à découvrir Three Daughters of Eve, ses questionnements brûlants d'actualité sur une multitude de sujets, et sa grande lucidité qui perce dans la moindre scène décrite...




Lien : https://mademoisellebouquine..
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Féminisme, politique, religion dans une Turquie qui change depuis 20 ans, ça ne pouvait que me plaire. Un bon livre d'été.
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Pour celui qui connait Istanbul, l'histoire est captivante parce qu'elle nous parle de la scission bien présente en Turquie entre musulmans et laïques. Un gouffre qui se creuse de plus en plus et fait tomber l'héritage d'Atatürk aux oubliettes. Et cette dérive est palpable de jour en jour.
Elif Shafak a le courage et le mérite de s'attaquer à un sujet houleux. Chapeau !
Même, si à mon gout, la trame est un peu trop tirée en longueur, j'ai beaucoup apprécié ce livre.
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Le titre, Three Daughters of Eve (Trois filles d'Eve en français) laisse entendre qu'il s'agit de l'histoire de trois femmes : Peri, Mona et Shirin. Or, tout le roman est construit autour de Peri.
On la découvre sous deux aspects : dans le temps présent, adulte et mariée avec une fille, éteinte et prise dans sa vie quotidienne ; enfant, adolescente et étudiante dans le passé, intrépide et pleine de questions.
La narration est divisée en deux parties pour refléter cette binarité temporelle : une partie présent, dans laquelle on suit Peri sur l'espace d'une soirée ; la partie passé, où l'on découvre Peri enfant, puis adolescente et étudiante, jusqu'à un événement fatidique qui fait basculer le cours de son existence.

Je me suis beaucoup attachée au personnage de Peri. C'est une femme à la fois forte et fragile, pleine d'incertitudes et de questionnements, notamment concernant Dieu. Son père étant non pratiquant et sa mère une fanatique religieuse, difficile pour elle de trouver le juste milieu. Elle est partagée entre ce qu'elle a voulu être et ce qu'elle est devenue.

J'ai trouvé un peu dommage que les autres femmes de l'histoire ne soient pas plus développées que ça. Shirin est une étudiante exubérante et avide d'apprendre. Elle est la plus proche du professeur Azur. Mona, quant à elle, est un personnage plus complexe. C'est elle que j'aurais aimé à mieux connaître, justement pour ce qu'elle est : une musulmane voilée et féministe.

Le professeur Azur est le personnage avec qui j'ai eu le plus de mal. C'est un choix de l'autrice : elle nous le fait apparaître tour à tour comme un gourou, un homme cultivé, fascinant et rationnel. Ce n'est qu'à la toute fin qu'on peut enfin découvrir son vrai visage. 
La religion représente le fil conducteur du roman. Chacun des personnages y est directement confronté, que ce soit dans sa pratique ou son domaine d'études.

Elif Shafak mêle analyse et critique de la société orientale ET occidentale à travers tous ses personnages. Elle le fait parfois avec sérieux, d'autres fois avec sarcasme.
Les thèmes abordés, en plus de celui omniprésent de la religion sont très justes et touchants. L'autrice parle de la condition des femmes en Turquie, comment elles sont données comme des morceaux de viandes en mariage ; de la torture en prison, de la corruption des hauts placés, de l'importance du féminisme..

En bref, Three Daughters of Eve est un roman puissant, à lire absolument !
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