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Certains livres possèdent un étrange pouvoir d'attraction. Ils n'y paraissent pas, de prime abord. On les pense inoffensifs, lointains. Incapables.
On se dit qu'on les aura oubliés sitôt refermés. Et qu'on ne les rouvrira probablement jamais.
Pourtant, on les dévore.
Et une fois terminés, on sent que quelque chose s'est ouvert en nous.
Une fenêtre sur un ailleurs.
Un avenir.

C'est ce qui m'est arrivé avec J'ai péché, péché dans le plaisir d'Abnousse Shalmani.
Il y a quelques années, j'avais été littéralement soufflée par son exceptionnel Les exilés meurent aussi d'amour. Aussi, c'est la fleur au fusil que j'ai entamé le dernier-né de l'autrice franco-iranienne, pressée par la joie qui, je le savais, m'envahirai dès les premières lignes.

J'ai cependant - très vite - déchanté. Je ne parvenais pas à m'attacher d'une quelconque manière à ses personnages, pourtant tout droit sortis d'un passé pas si lointain. J'avais le sentiment qu'on me racontait une histoire ancienne, quelque chose qui n'avait pas grand chose à voir avec la vie ni avec moi. Quelque chose duquel la narratrice restait désespérément distante.
J'avais beau trouver la langue d'Abnousse Shalmani merveilleuse, soignée, précise, et ciselée, je me demandais bien ce qu'elle servait vraiment,
de par la force de son verbe.

J'ai péché, péché dans le plaisir est le portrait croisé de deux femmes aux destins extraordinaires. Une française s'ébattant dans le Paris de la Belle-Epoque, et une Iranienne luttant corps et âmes dans l'Iran des années 50.
Deux poétesses infiniment désirantes, deux femmes éprises de liberté, deux êtres de chair et de sang envoutés par le désir. Et deux écrivaines qui firent le choix de l'absolu, de la sensualité et de la passion au risque de s'y consumer.

Et si j'ai été passablement gênée par le parti pris de la narration envisageant celle-ci comme largement a posteriori et dans une forme d'accéléré empêchant, de mon point de vue, le.a lecteur.ice de prend réellement part au récit (pourtant si vivant), je dois rendre toutes ses lettres de noblesse à la langue de l'autrice, la splendeur de son texte et le caractère vibrant de son récit. J'ai été prise dans cet élan sublime et me suis vue le dévorer en quelques heures.

Ma fille de trois ans, en voyant le livre posé sur la table basse du salon, a asséné, de sa voix flûtée, c'est un très joli livre, hein maman? Certainement, ma chérie.
Mais c'est surtout une sublime fenêtre sur le monde. Sur l'hier et l'aujourd'hui. Sur ce qu'était le paysage littéraire d'alors, ses chapelles et ses batailles.
Et sur ce que disait la chair - et ce qu'elle dit encore - dans une langue à jamais universelle.
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C'est l'histoire d'une femme, éprise de liberté, vivant dans un pays où tout n'est que contrainte. Quand tout est interdit, seule la pensée, les mots permettent de s'échapper. Alors que le désir des corps ne demande qu'à s'exprimer, la poésie s'impose comme un exutoire. Cette femme, c'est Forough Farrokhzad.

Il y a les poèmes qu'elle écrit. Et puis, il y a les poèmes de Pierre Louÿs à destination de Marie de Régnier, que la jeune femme Iranienne découvre grâce à un jeune admirateur qui lui en fait la lecture en persan lors de leurs rencontres clandestines. Forough est fascinée par Marie et l'union libre qui la lie à Pierre dans le Paris de la Belle-époque.

C'est une littérature intime, sensuelle, qui prolonge autant qu'elle magnifie l'émulsion des corps. Mais c'est aussi l'histoire d'une déchirure, la séparation d'une mère et son enfant, dans un monde fait par les hommes et dans lequel le plaisir féminin n'a pas de place.

À l'instar du poème dont est extrait le titre de ce roman, ce texte d'Abnousse Shalmani est avant tout un hymne à la jouissance et au plaisir de vivre, malgré les systèmes enfermant, malgré les règles qu'une société peut imposer pour contrôler son peuple.

À travers l'expression des corps, c'est une pulsion de vie et de liberté qui est farouchement défendue dans ce texte, quand l'écriture devient vitale, viscérale, que j'ai adoré trouver au fil des pages.
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Abnousse Shalmani emprunte la forme du roman pour raconter deux vies de poétesses qui s'entrecroisent : celle de Forough Farrokhzad, Iranienne dont la carrière littéraire a été fulgurante (elle meurt à 32 ans dans un accident de voiture), et celle de Marie de Régnier, fille du poète José-Maria de Heredia. Deux femmes, deux époques, deux pays...
Forough vit en Iran dans les années 50, bien avant la révolution islamique de 1979. Elle rêve de poésie et de liberté, même si sa culture la pousse toujours à se cacher, voire à s'excuser de ce qu'elle est. Elle se marie jeune avec un homme qu'elle croyait ouvert, mais qui la traitera très mal, ne supportant pas ses élans d'amour et ses écrits. Elle ne tient pas son rôle d'épouse comme il faut.
Forough adore sa contemporaine Marie de Régnier (1875-1963). Pour elle, cette femme incarne la liberté sous toutes ses formes : elle aime passionnément, elle écrit, elle baigne dans le milieu littéraire parisien et ne côtoie que des écrivains, amoureuse éperdue de Pierre Louÿs mais mariée à un autre homme, Henri, à qui elle impose de drôles de règles conjugales...

Forough connaît Marie à travers la Tortue (Cyrus), un jeune homme érudit qui lui raconte la vie de cette femme, telle une Shéhérazade qui souhaite retenir l'instant. La Tortue est avant tout un admirateur de la poésie de Forough qu'il ose aborder, malgré sa grande timidité, lors d'une rencontre en librairie. Ils ne se quitteront plus. Bien qu'il soit son amant et l'être le plus proche d'elle au monde, Forough ne veut pas avoir une relation "normale" avec lui et vit d'autres histoires, dont l'une lui fait connaître l'horreur de la trahison.
Marie est la fille de son père, célèbre poète dont elle est très proche ; Forough doit au contraire lutter contre ses parents, qui voient d'un mauvais oeil son activité poétique et sa vie déréglée (elle divorce de son mari, a un enfant dont elle n'a pas la garde, en adopte un autre, a des amants...) Tout se fait en secret, contrairement à Marie qui, à Paris, couche avec des femmes, des hommes, laisse libre cours à ses désirs. Marie vit dans l'instant, de manière folle et entière. Abnousse Shalmani nous livre des pages passionnantes sur le milieu littéraire lesbien de l'époque, les amours entre femmes (de lettres), les grandes figures (on croise Natalie Barney, Liane de Pougy, Georgie Raoul-Duval...) et elle nous fait sentir en parallèle toute la retenue orientale ("La solitude des femmes orientales est un désastre civilisationnel."), qui malheureusement tournera à la dictature des mollahs à la fin des années 70.

La suite sur le Manoir des lettres.
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C'était une belle idée que d'associer Marie de Regnier, la parisienne de la belle époque, et Forough Farrokhzad, l'iranienne du milieu du XXeme siècle.
Cyrus (la tortue) fait le lien entre les deux; amoureux de Forough, il lui raconte Marie, Henri de Regnier et Pierre Louÿs.

Deux poétesses aux vies tumultueuses dans des contextes absolument différents;
La liberté, la légèreté et une sorte d'insouciance des milieux intellectuels parisiens ne peuvent que faire rêver Forough qui va puiser sa force dans les récits de Cyrus.

Cette dernière étant confrontée à un milieu patriarcal extrêmement rigide mettra des années à dépasser la culpabilité de ne pouvoir obéir aux injonctions de sa culture: jouer les deux uniques partitions imposées aux femmes, le mariage et la maternité, avec interdiction surtout d'émettre le moindre désir de jouissance ni même de plaisir.

Abnousse Shalmani tente donc de mettre en miroir ces deux vies féminines qui n'ont finalement en commun que leur poésie.La poésie de Forough portée par sa souffrance de n'être pas comprise dans ses élans amoureux où le corps devrait avoir toute sa place, diffère de celle de Marie, mariée par confort, amante sans trop de contraintes.

Parfois l'auteure se perd dans les méandres de ces vies et nous perd avec elle, émaillant son récit de quelques textes illustrant le talent poétique des divers protagonistes. Cet exercice périlleux nous permet d'entrapercevoir son amertume à la fois consternée et rageuse concernant la société iranienne même avant le régime des mollahs!
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En écoutant la lecture si sensuelle du poème « Le pécher » de Forough Farrokhzad par Golshifteh Farahani lors de l'émission La Grande Librairie, j'ai su qu'il fallait que je lise ce livre.
"J'ai péché, péché dans le plaisir,
dans des bras chauds et enflammés,
J'ai péché, péché dans des bras de fer,
dans des bras brûlants et rancuniers"

En mettant en parallèle le destin réel de deux femmes, deux pays, deux époques; Abnousse Shalmani écrit un livre envoutant mais cruel sur la poésie et le féminisme.

Forough Farrokhzad, poétesse iranienne des années 1960, vit et étouffe dans un pays prisonnier de sa morale. Elle se passionne pour sa « soeur de papier » Marie de Régnier, poétesse du début du vingtième siècle à Paris. Elles ont en commun d'assumer leurs désirs et de vivre à travers leur poésie emprunte de volupté.

En prenant le biais de la poésie, Abnousse Shalmani évoque sans fard la condition féminine en Iran, ce pays où elle est née. Elle aborde, avec de nombreuses références littéraires et une plume emprunte de sensualité, la façon dont on veut faire taire leurs désirs, leur faisant avoir honte de leur corps.

On ne peut qu'admirer le courage de Forough Farrokhzad, poétesse adulée mais femme méprisée. Maintenant, il me tarde de découvrir ses poèmes, alors que le combat des femmes iraniennes se poursuit encore aujourd'hui dans le plus ancien berceau du monde.
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Deux époques, les dernières années du XIXe siècle et les années 1950-60, deux univers, l'Orient et l'Occident, deux poétesses revendiquant leur liberté : Marie de Hérédia la française, Forough Farrokhzad l'iranienne.

C'est grâce au traducteur en iranien de Pierre Loüys, Cyrus dit « La Tortue », que Forough découvre la vie et l'oeuvre de Marie, fille de l'écrivain José-Maria de Heredia et amant de Pierre Loüys.

Ce qui est passionnant dans ce livre, c'est la complicité que l'on ressent entre l'autrice et les deux femmes qui ont inspiré son roman. Il est vrai que, de par son histoire personnelle, Abnousse Shalmani a sans doute un peu de Forough et un peu de Marie. Née iranienne deux ans avant la prise du pouvoir par les ayatollahs, naturalisée française en 2009, elle vit en France depuis l'âge de huit ans, et avoue elle-même avoir redécouvert sa patrie d'origine grâce à la langue française.

Mais par-delà les époques, par-delà les cultures, Marie comme Forough incarnent, sous la plume d'Abnousse Shalmani, la liberté, l'indépendance, et l'égalité homme-femme. C'est-à-dire une certaine vision du féminisme qui exclut toute forme de victimisation de la femme, toute forme de puritanisme ou de retour à une morale surannée, qu'on a pu ressentir ces dernières années à travers un mouvement de pensée s'apparentant à un féminisme radical, voire intégriste, auquel s'oppose l'autrice.
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"J'ai péché, péché dans le plaisir", poème de Forough Farrokhzad dans le recueil "Le Mur", 1955.😍

Abnousse Shalmani nous emmène à la découverte de deux femmes extraordinaires que tout oppose et que tout réuni.

L'une, s'appelle Marie de Régnier, femme de Lettres et muse des salons littéraires de la Belle Epoque.

L'autre, Forough Farrokhzad est une poétesse célèbre en Iran (encore aujourd'hui), décédée en 1967.

Marie de Régnier et Forough Farrokhzad ont-elles péchées dans le plaisir ?
Pour le savoir, rdv sur mon blog, lien ci-dessous

Un livre féministe sur l'émancipation sexuelle des femmes.

Lien : https://entre-ecriture-et-le..
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« La solitude des femmes orientales est un désastre civilisationnel, » nous dit Abnousse Shalmani. Quelle solitude alors que celle de la femme qui s'oppose aux conventions, qui revendique sa liberté, qui renonce à la maternité pour s'adonner sans limites à sa poésie ? Dans l'Iran des années soixante, rares sont les modèles d'émancipation pour Forough Farrokhzad. Alors quand elle rencontre Cyrus, surnommé La Tortue, et qu'il commence à lui raconter la vie de Marie de Regnier, fille de José-Marie de Heredia, qui régna sur le Paris littéraire de la Belle Epoque, elle se prend de passion pour cette femme que rien n'arrête. Deux vies qui n'ont rien à voir pour deux femmes qui ont tout en commun – la passion, le talent, l'intelligence, la soif de liberté.

Alternant les destins, Abnousse Shalmani nous raconte de sa plume virtuose ces deux femmes méconnues, l'Orientale et l'Occidentale, chacune définie par son histoire et le monde dans lequel elle grandit, chacune devant composer avec ce qu'on attend d'elle, même en cherchant à s'en détacher totalement. La Tortue raconte petit à petit des bribes de la vie de Marie, grâce notamment aux poèmes érotiques laissés par son grand amour, Pierre Louÿs. C'est irrévérencieux, inadmissible dans la société iranienne de l'époque – pas encore celle de Khomeiny mais déjà corsetée de règles et de traditions, restreignant déjà largement la place et le rôle des femmes. Les destins se croisent mais ne s'entremêlent jamais, malgré l'occasion qui finit par se présenter. Marie restera cette étrangère romanesque, cette déesse hors du temps qui vécu selon ses termes et n'en fit jamais qu'à sa tête.

Le talent de conteuse d'Abnousse Shalmani s'exprime dans toute sa splendeur ici où elle parvient à créer un véritable récit à partir de deux histoires qui n'avaient rien en commun au premier abord. Jouant de parenthèses, elle introduit Forough dans l'histoire de Marie, Marie dans celle de Forough, créant des passerelles, des impacts de l'histoire de l'une sur la vie de l'autre, laissant cette rencontre de papier chambouler le quotidien bien réel d'une femme privée de sa liberté artistique et cherchant à la conquérir à tout prix. Un beau récit dont je retiens de nombreux passages magnifiquement écrits, destiné à tous les férus de poésie nostalgiques de l'âge d'or des lettres françaises.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Cyrus Amir Maziani, dit La Tortue, rencontre la poète iranienne Forough Farrokhzad dans une librairie de Téhéran en 1956. Les deux jeunes gens se rapprochent rapidement, deviennent amants mais, c'est surtout la littérature qui les lie. La Tortue, traduit à Forough « Les chansons de Bilitis » de Pierre Louÿs. Subjuguée par ce livre, la Tortue finit par lui raconter l'histoire d'amour entre Pierre Louÿs et Marie de Régnier dans le Paris de la Belle Epoque.

Abnousse Shalmani nous raconte ainsi en miroir ces deux femmes aux vies, époques et cultures très différentes mais rassemblées par leur intelligence, leur talent de poètes et surtout leur besoin éperdu de liberté dans des sociétés bien corsetées.

Si l'histoire se dévore, si le récit est bien documenté, si l'écriture d'Abnousse est, comme toujours, très belle, j'avoue avoir été moyennement convaincue par le pont reliant les deux poètes que tout oppose et réunit. J'ai même eu l'impression d'un déséquilibre favorisant davantage l'histoire de Marie que celle de Forough. C'est en lisant la fin du roman que je me suis rendue compte que j'en attendais en fait autre chose : le lien avec notre présent, lien qui se fait justement à la fin mais de façon trop tardive pour moi.
Bien sûr, j'ai bien lu les passages où l'autrice nous explique que la Belle Epoque ressemble fortement à notre monde contemporain : l'antisémitisme, le « c'était mieux avant », les querelles féministes, les manifestations hostiles à l'immigration… mais ce n'est pas cette passerelle là que j'espérais lire et Abnousse n'y est pour rien. L'autrice est si pertinente pour décrire notre monde actuel que j'attendais de lire la façon dont Forough refait surface en Iran aussi bien à travers les femmes opprimées en rébellion que par les islamistes : « ils rhabillent sa poésie de la dimension divine qu'elle avait occultée » finit par dire l'autrice à la fin du livre.

Je retiens donc une très belle écriture, de très beaux hommages, un bel élan combatif pour la liberté des femmes mais une lecture qui n'a finalement pas su toucher mon coeur pour des raisons indépendantes de l'autrice. Il faut parfois apprendre à accueillir les livres pour ce qu'ils sont et pas pour ce qu'on attend d'eux.
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Je ne résumerai pas ce qui est très bien fait par ailleurs le parcours de ces deux écrivaines et poétesses.Encore que poétesse pour Marie de Régnier me paraisse un peu exagéré
La question que je me pose est la suivante
Leur oeuvre est elle à la hauteur de leur réputation de femme libre ,?
Et aujourd'hui femme libre se résume souvent malheureusement à liberté sexuelle
Bref s'il n'y avait pas un parfum sulfureux en parlerait on autant ?
En ce qui concerne Marie de Régnier la réponse est évidente
Elle avait beaucoup moins de talent que Pierre Louÿs et le genre n'a rien à voir là dedans
Cela aurait pu être l'inverse
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