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Lorsque j'étais étudiant à Paris et étais logé à la Maison Belge de la cité universitaire, Boulevard Jourdan, j'allais fréquemment prendre mon café à la Maison d'Iran tout proche : le café y était meilleur et les étudiantes plus jolies.
C'était l'époque précédant la révolution des mollahs, des ayatollahs, des barbus et des corbeaux, où regarder une belle fille n'équivalait pas automatiquement à un péché capital ou à un poing direction Allah.

J'ai bien aimé comment la petite Abnousse Shalmani, à Téhéran à 6 ans, se mettait à poil, et 2 ans plus tard, couvrait les murs de sa chambre à Paris d'images de nues, pour tourner en dérision les prescriptions vestimentaires ridicules des mollahs. Ou comme la gamine le formule elle-même : "ça fait fuir les barbus". (page 98).

L'auteure explique de façon tout à fait convaincante la stupidité et l'hypocrisie de ces obsessions vestimentaires des gris et vieux mollahs. En couvrant le corps des femmes, pour qu'elles n'aient pas l'air de putes, ces messieurs obtenaient exactement le contraire. Les hommes détaillèrent le corps des femmes pour soi-disant être sûr que ni une mèche rebelle ni un bout d'orteil nu (horreur) ne soit visible. Et dire que du temps de Rouhollah Khomeiny (1902-1989) et de ses illustres successeurs, des dizaines de milliers de gardiens de la Révolution et des agents de la police des moeurs passaient leur temps à contrôler sans pitié l'application stricte des normes vestimentaires ! Ces braves gens auraient mieux fait de labourer la terre, plutôt que d'enquiquiner et parfois carrément d'abuser des femmes.

Bien que non-croyant, je sais naturellement que chaque religion dispose de préceptes, règles, traditions, ... qui ne soient pas simples à comprendre, la "awra" islamique ou toute partie du corps qui doit être obligatoirement couverte en est un parfait exemple, comparable à la sainte trinité et immaculée conception chez les catholiques par exemple. Peu importe la sémantique d'ailleurs, l'interprétation particulière de la "awra" par les ayatollahs chiites résulte pour les femmes dans une injustice et discrimination effarantes.

Abnousse Shalmani est née à Téhéran en 1977, un 1er avril, qui deviendra, par une amère ironie du sort, 2 ans plus tard, le jour de la proclamation officielle de la république théocratique islamique d'Iran. Pour l'auteure donc un double anniversaire.

Son ouvrage constitue pour une large part un récit de sa prime enfance et adolescence de 1977 à 1985 dans la capitale iranienne et à partir de 1985 à Paris, où sa famille a fui le régime de Khomeiny et consorts.

L'ouvrage est conçu en des brefs chapitres, qui au début alternent Téhéran avec Paris, à partir de la prise de pouvoir par Khomeiny et sa clique, jusqu'à la période 2012-2013 à Paris. L'ensemble fait 334 pages.

Il sort amplement de son récit que la petite Anousse était déjà comme gamine une forte tête aux idées originales. Son père étant un érudit et grand lecteur, elle passait également beaucoup de temps dans les livres. À peine arrivée en France, son père lui fit apprendre la langue du pays en lui passant "Les Misérables" de Victor Hugo. Si Fantine et Cosette devenaient ses héroïnes, ce fut Jean Valjean qui devint son guide.
"J'ai très vite perdu ma langue maternelle. La faute à Hugo, certainement. Mais surtout à Khomeiny. le persan était trop lié à Téhéran et aux barbus..."

Avant de partir pour la douce France, la petite Abnousse a encore connu la frayeur des bombardements de sa ville natale, à la suite de la guerre entre moustachus et barbus. La guerre Iran-Irak qui a été déclenchée en septembre 1980 et a duré 8 longues années et dont le nombre de morts est estimé à 1,2 million de militaires et civils.

En France, après avoir obtenu un diplôme d'histoire, l'auteure s'est lancée dans la réalisation de courts-métrages documentaires et est finalement retournée à son amour de jeunesse : les livres. En 2014 l'essai présent et en 2019 un autre essai "Éloge du métèque". L'année précédente elle avait publié son premier roman, "Les exilés meurent aussi d'amour".

Moi, qui ne regarde que très rarement la télé, même en période de confinement comme maintenant, je suis un jour, d'ailleurs tout à fait par hasard, tombé sur un débat d'actualité politique auquel participait Abnousse Shalmani et j'ai été impressionné par ses vastes connaissances et sa façon convaincante de présenter ses arguments. J'ignorais encore qui était cette Iranienne au juste, mais je me souviens d'avoir fait la réflexion que dans un sérieux débat avec cette Abnousse, il valait mieux se trouver de son côté.
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J'ai eu un grand coup de coeur pour ce livre dans lequel une iranienne nous raconte sa vie, sa liberté, son exil.
D'abord petite fille délurée dans l'Iran de Khomeiny, éduquée par un père intellectuel aux idées larges, elle se moque des "barbus et des corbeaux" en se dénudant dans la cour de récréation et en courant à toute vitesse pour qu'ils (ou plutôt elles, "les corbeaux") ne l'attrapent pas.
Arrivée en France, nous retrouvons une adolescente désappointée quand elle en aperçoit aussi dans les rues de Paris.
Là encore elle se retrouve isolée par son intransigeance mais la lecture la sauvera, ses amis sont les libertin- e-s des siècles passés et modernes.
Elle devient une jeune femme libre et déterminée, qui nous livre de profondes réflexions sur la liberté féminine, la laïcité, l'importance de l'éducation égalitaire,...
On ne sort pas indemne d'une telle lecture.
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Essai extraordinairement intelligent sur la condition d'exilée et les raisons de l'exil.

Il permet de confronter les visions occidentales et orientales sur l'oppression des femmes, notamment de démystifier la signification du voile imposé en Iran et toléré en l'Occident par le biais d'un discours de revendication d'une pseudo-liberté des femmes de se vêtir comme elles le veulent.

Cette capitulation d'une partie de la gauche assure ainsi aux "barbus" la visibilité de la progression en nombre d'une population susceptible de subir sans protester la confiscation des libertés individuelles.

A travers la littérature libertine du 18 ème siècle français et l'histoire de l'Iran, Abnousse Shalmani met en évidence la corrélation systématique des confiscations des libertés avec la détérioration des conditions féminine et masculine, inextricablement liées.

Il se dégage de ce livre foisonnant, riche et servi par la rigueur de son argumentation, un enthousiasme et une joie de vivre extraordinaires.

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Lors d'une de nos premières rencontres, Delphine m'avait longuement parlé d'Abnousse Shalmani, et de son premier livre au titre hautement improbable, associant à la fois un dictateur intégriste et le grand maître du libertinage français, à l'origine de la notion de « sadisme ». Ce titre m'est resté en tête, et c'est avec beaucoup d'attentes que j'ai fini par ouvrir ce livre, plusieurs années après, en pleine tourmente personnelle et professionnelle – et ça a été une magnifique claque, bien loin de tout ce que j'avais pu m'imaginer.

Mêlant anecdotes personnelles, analyses diablement intelligentes, faits d'actualité, références littéraires diverses et humour décalé, Abnousse Shalmani nous parle des femmes, de leur droit à appartenir à l'espace public, et de la nécessaire séparation de la religion du politique pour éviter des dérives sociales inadmissibles comme celles qui ont été mises en place en Iran depuis l'avènement de l'ayatollah, ou encore en Afghanistan sous les talibans. J'ai été absolument soufflée par sa réflexion très poussée sur la place de la femme dans les sociétés occidentales et orientales, nourrie par une étude approfondie des femmes présentes dans l'Islam, depuis la première femme musulmane, Hagar, mère d'Ismaël, déconsidérée par la tradition islamiste malgré son rôle-clé. J'ai appris énormément sur cette religion, son histoire et ses traditions, sur les raccourcis que font ceux qui n'y connaissent rien, sur les dérives généralisées et les amalgames qui ont vu le jour après le 11 septembre et les révolutions arabes. J'ai découvert le soufisme à travers la figure admirable du grand-père de l'auteure, exemple de tolérance et d'acceptation, vivant sa religion dans la plus grande humilité sans en faire peser le poids sur les autres.

L'érudition d'Abnousse Shalmani m'a bluffée, son regard critique m'a questionnée jusqu'au plus profond de mon âme, et son amour pour la France m'a fait prendre énormément de recul sur mon propre désamour pour ce pays qui est le mien. J'ai trouvé fascinant comment la littérature libertine lui a permis de réintégrer le corps dans les choses de l'esprit, de le dédramatiser et de dépasser les interdits et constructions sociales auquel il est soumis, encore aujourd'hui dans nos sociétés actuelles. Khomeiny, Sade et moi bouille de réflexions politiques, sociales et culturelles immensément riches, que l'expérience personnelle de l'auteure aide à comprendre et à illustrer, le tout dans une prose à la fois accessible et exigeante. Un des meilleurs livres que j'ai lu récemment !
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Par où commencer ?
Peut-être en disant tout simplement le choc que cette lecture a été pour moi.
De ceux, rares, produits par un livre précieux qui vous marque durablement de son empreinte.
C'est sa couverture qui m'a d'abord interpellée : une jeune femme à la chevelure luxuriante, au regard direct nous invite sans détour à écouter son histoire, celle d'une personnalité qui s'est construite entre deux figures dont on n'aurait jamais imaginé qu'il fût possible de les voir associer : Khomeiny et Sade. La couverture promet beaucoup : les pages surpassent toute attente.

Ce récit résolument autobiographique s'ouvre sur la première provocation d'une petite fille de 6 ans étonnamment précoce. En 1983, au coeur de Téhéran, alors que le Shah a été renversé et que les « barbus » sont désormais au pouvoir, cette petite fille traverse la cour de récréation de son école entièrement nue. Il ne s'agit pas là d'une simple espièglerie, mais d'un pied de nez fait à tous ceux qui veulent la contraindre à cacher son corps sous un voile étouffant. Car elle ne supporte pas ce monde devenu uniformément gris et noir où les femmes sont réduites à des corps coupables qu'il faut cacher. Elle ne comprend pas en quoi son corps d'enfant peut représenter un danger. C'est épidermique, c'est instinctif et c'est son premier cri de révolte.
Dès lors, jamais Abnousse ne se taira, jamais elle n'acceptera.
Et la nudité deviendra le mode d'expression de sa révolte, comme elle l'a été et continue de l'être pour d'autres femmes, de cette jeune Egyptienne qui choisit de s'exhiber sur Facebook vêtue de simples bas aux Femen bien connues.
Plus aucune minute de son existence ne s'écoulera qui ne soit dédiée à ce combat pour la liberté des femmes.
Agée de 8 ans, elle gagne Paris avec ses parents, croyant ainsi définitivement échapper à l'emprise des « barbus » et de celles qu'elle nomme les « corbeaux ». Las, quelle ne sera pas sa stupeur de découvrir qu'au coeur de cette république laïque dont elle a immédiatement appris à chérir les valeurs des femmes sont capables de choisir le voile, pendant que d'autres, ailleurs, meurent de devoir le porter !

Alors elle va affûter ses armes. Et ses armes, désormais, ce sont les mots. Ceux qu'elle découvre avec les grands écrivains français, ceux qui visent à pulvériser toute forme de censure, d'exclusion, de fanatisme, d'oppression.

Parmi ces écrivains, il en est un qu'elle place au-dessus de tous les autres, écrivain sulfureux s'il en est, écrivain qu'aucun régime ne put jamais soumettre: le marquis de Sade. Et là encore, il ne s'agit pas d'une simple provocation de sa part. Il faut voir comme elle en parle ! Oui, c'est pénible à lire, intolérable, même. Mais cet homme-là ne s'est jamais autorisé la moindre censure, et sa cruelle imagination fut sa façon de dire à tous ceux qui l'emprisonnèrent tour à tour : entre vos murs, ma liberté reste entière et je me ris de vos pudeurs et de vos préjugés.
Rire. Abnousse a compris que c'était l'arme ultime. Elle le reprend à son compte et nous parle d'expériences graves et tragiques avec des formules qui dégonflent instantanément tous les bouffis d'orgueil, des barbus aux trotskistes qu'elle trouve également sur son chemin, qui prétendent nier aux femmes le droit d'exister.

Je ne doute pas que certains trouveront sa parole trop libre, trop radicale, trop crue, trop tout.
Et pourtant. Des femmes mises sous voile à celles que l'on accuse d'être responsables du viol dont elles ont été victimes ; des femmes qui, à travail égal, continuent d'être moins payées que les hommes à celles qui se font conspuer parce qu'elles ont l'audace de porter une robe lorsqu'elles s'expriment au sein de l'Hémicycle parlementaire; des femmes à qui l'on dénie de droit de choisir de porter ou non une grossesse à son terme à ces jeunes lycéennes nigérianes enlevées pour être vendues comme de vulgaires marchandises, il reste, ici comme ailleurs, un long chemin à parcourir pour éradiquer toutes les formes de violence qui leur sont faites, et leur permettre - nous permettre - simplement d'être.

Alors oui, j'applaudis des deux mains à cette parole courageuse et intelligente, drôle parfois et mordante souvent, qui hisse la liberté et la tolérance au rang de valeurs suprêmes !
Et je me dis qu'à l'heure où des responsables politiques prétendent s'émouvoir de l'existence d'un livre où les personnages sont «Tous à poil», le geste de la petite Abnousse reste d'une terrible actualité.

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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1983, Téhéran. Si Abnousse Shalmani n’est qu’une fillette de six ans, elle refuse de porter le voile et de couvrir son corps. Et elle court les fesses à l’air dans la cour de récréation. C’est son premier refus aux lois dictées par les « barbus » dans un pays où les femmes n’ont aucune liberté (et sont considérées comme des « objets dangereux »). Deux ans plus tard, sa famille réussit à quitter l’Iran et à s’installer à Paris.

Par ce qu’elle a vécu en Iran, elle qui croit si fort en la République et en la laïcité tombera de haut en voyant des femmes se voiler par choix. Son père lui a transmis son amour des livres et si elle lit d’abord Victor Hugo et Zola, elle découvre la littérature libertine puis Sade. Cet auteur est un choc, une révélation pour elle.

Dans ce livre autobiographique qui alterne des épisodes de 1983 jusqu’en 2013, avec fougue et sans manier la langue de bois, Abnousse Shalmani défend et revendique la liberté de toutes les femmes à travers le monde (qui va du droit d'aller à l'école à celui d'être traitée sur un même pied d’égalité que les hommes) en l'émaillant de réflexions et d'exemples.
Et même si je n’ai pas adhéré à tous ses propos (la symbolique de la coupe de monde de foot remportée par la France par exemple) ce qu’elle écrit sur les religions et la place de la femme ( et de son corps) sonne juste et percute. Les impacts du 11 septembre ou encore la montée du Front national : Abnousse Shalmani n'a pas froid aux yeux et signe un livre engagé !
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Petite fille, l'auteure se dénudait dans la cour de l'école pour montrer sa révolte contre les "corbeaux" (les institutrices qui lui imposaient le voile et une morale rigide) après la prise du pouvoir par Khomeiny. Son livre raconte son parcours de cette époque à aujourd'hui, de l'Iran sous une chape de plomb à la France où l'intégrisme religieux l'a rattrapée ! Elle est toujours féministe, révoltée par le voile et par les Français qui l'acceptent en mettant hypocritement en avant leur ouverture d'esprit vis-à-vis d'autres cultures, ou bien en écoutant une sorte de mauvaise conscience... Elle est aussi passionnée, enthousiaste en décrivant la littérature érotique du 18e et les courtisanes de la même époque, libres et indépendantes, qui lui ont offert une véritable libération intellectuelle... Elle a une opinion tranchée et la défend avec fougue : l'éducation, les valeurs de la République française, celle de la révolution, l'intransigeance face à tous les intégrismes religieux... C'est là, pour elle, qu'est la solution à nos problèmes vis-à-vis de la montée de l'intégrisme. A côté de ce pamphlet passionnée, la description sans concession mais pleine de tendresse de sa famille, et en particulier de son père, est très émouvante. Sans partager toutes ses idées, j'ai été touchée et impressionnée par sa détermination à conduire sa vie comme elle l'entend et à défendre son point de vue envers et contre tout.
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Khomeiny, Sade et Moi" d'Abnousse Shalmani
La femme qui apparait sur la jaquette du livre, est belle, très belle ! le regard,noir et profond, nous commande de la considérer au delà de sa seule apparence. La posture est fière, celle d'une personnalité qui tient tête. Tout au long de la lecture du livre, cette femme se dresse devant nous, les yeux transperçant le mensonge, la brutalité, la vulgarité ou le mépris qui pourraient s'exprimer de chacun de nous.

Abnousse, l'iranienne, veut nous parler de son corps. Et ce corps brûle de cette liberté dont on l'a privé enfant.

Ce corps qui est nié et meurtri par les barbus (hommes) et les corbeaux (femmes), vainqueurs de la Révolution iranienne lors du référendum du 1er avril 1979. A Téhéran, elle subit la tyrannie des mollas de Khomeiny qui exacerbent l'esprit de la 'awra, "la plaie de l'Orient", cette série de règles et de codes qui déterminent la zone privée et publique de chacun des musulmans. Et d'être femme, c'est n'être qu'une ombre dans la sphère publique. "Parce que vous êtes, vous les femmes, des objets dangereux" lui disait le professeur de "religion" à l'école. Elle écrit que dans l'Islam, la femme n'existe pas, ou du moins quand on parle d'elle, c'est en ces termes : "La femme a un genre dont la tromperie est immense" (Coran 12/28). Elle doivent cacher leur corps car "le corps est sale, le corps est dangereux, le corps est l'ennemi de la foi véritable"

Elle le découvrira, ce corps, à Paris, où sa famille, en désaccord avec la république islamique, s'exile.

En France ce long travail sur son corps commence par la découverte des livres de Pierre Louÿs. Puis, elle lira des oeuvres libertines anonymes ou secondaires, telles que Thérèse philosophe. Enfin elle découvre Sade "le divin marquis" et c'est le choc, l'inimaginable, l'effroi, le no limit, aller jusqu'au bout du bout, jouir dans la douleur, souffrir dans la jouissance. le lire jusqu'à l'écoeurement...pour être libre. Enfin !
Ce corps qu'elle veut libre issu d'un esprit libre : "c'est parce que les protagonistes de Thérèse philosophe se sont libérés des entraves du corps qu'ils sont capables de raisonner..." Et elle ajoute "Il y a dans la construction du roman libertin une clef qui ouvre la porte de l'esprit"
Le corps et l'esprit. le corps par l'esprit. le corps sans esprit n'est rien. "La parole et le cul" écrit-elle à la fin du livre.
Elle écrit qu'elle a été une très jolie petite fille qui aimait s'exhiber nue comme souvent les enfants aiment faire et que d'avoir lu les livres érotiques de Pierre Louÿs l'a définitivement rendu femme après une adolescence douloureuse marquée par une précocité qui l'a éloigné des autres.
Abnousse Shahmani va au-delà du fait iranien et islamiste pour déchirer tous les voiles cachées de notre société occidentales. Les lepénistes sont des barbus. Tout comme les trotskistes qui n'aiment pas la femme qu'elle est. La journée de la Jupe avec Adjani la passionne. Mais elle n'a pas d'illusions sur l'issue des Printemps arabes : les islamistes triompheront.

Ses mots pourfendent la religion, toutes les religions qui drapent ce corps honteux dans les voiles et les préjugés.

"Je me demandais si je pouvais continuer comme ça. A ressembler à une femme ! Juste à une femme ! "

Ce livre est un témoignage et une réflexion profonde sur la femme, son corps et l'esprit qui le façonne. Sa plume percute, même si elle n'a pas fait oeuvre d'une brillante littérature. Souvent elle se répète, amplifie inutilement, parfois s'aventure dans des situations ou des pensées qui n'ont que très peu à voir avec le sujet. Mais quel souffle ! Jusqu'à l'excès sans doute, mais peut-on le lui reprocher quand on vient de l'Iran de Khomeiny. Elle forme de jolies phrases qui parfois meurent dans la confusion. Mais elle écrit avec une outrance qui lui va bien. Sa prose est jubilatoire.
Toutefois, elle prend un "sacré" risque. Une fatwa contre elle pourrait être lancée depuis l'Iran.
Souvenons-nous de Salman Rushdi et ses "versets sataniques".

Les militaires masculins n'ont pas d'imagination. leurs bombes tuent. Abnousse, elle, sait comment déstabiliser un régime islamiste : "Bombardez les pays des barbus avec des livres libertins du XVIIIe français"

Ô ! Divine Marquise !
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Je combats une série de préjugés qui emprisonnent la femme sous le voile qui n'est que la partie visible de sa prison intérieure.[......] Je ne combats ni des hommes ni des femmes mais des concepts, la tradition malsaine et le violence du préjugé" (P. 33)

Tout d'abord je voudrais adresser un grand Merci à cet ami qui se reconnaîtra et qui connaît mes goûts littéraires...c'est lui qui m'a suggéré cette lecture. Grand voyageur, il connait l'Iran pour y être allé à plusieurs reprises, sac au dos, y compris depuis l'arrivée des Barbus au pouvoir...Il m'a parlé de ce titre, j'ai immédiatement réservé ce livre, j'ai une grande confiance dans ses choix littéraires.

Le plaisir de lecture fut confirmé et surtout j'ai admiré l'intelligence, le courage et les connaissances de cette auteure.
Gros coup de coeur en effet.
Gamine, elle se fait remarquer en se mettant nue dans la cour d'école devent les "barbus et les corbeaux" et en courant en tous sens, histoire de les ennerver un peu, car "....se mettre nue pour une enfant transformée en femme par la loi, c'était retrouver de l'innocence, l'exact contraire de la concupiscence provoquée par l'enfoulardement." (P. 18-19)
Oui, les femmes doivent se couvrir, de la tête aux orteils, rien ne doit se voir, sinon les coups pleuvent, en ville, dans les commerces...on le sait. Les révolutions en général sont déclenchées pour obtenir un peu plus de liberté, de droits, mais celle-là fait la chasse aux cheveux qui dépassent du voile des femmes, aux orteils ou bouts de peau qui deviennet lubriques, tentateurs, pornographiques...
Abnousse Shalmani dénonce toutes ces pratiques, tous ces cerveaux détraqués qui réduisent les libertés, voire qui vous mènent en prison ou attentent à votre vie de femme, à votre désir de liberté. Elle est en révolte permanente contre ces barbus qui réécrivent à leur sauce les textes religieux...barbus aidés par des "femmes-corbeaux" qui ne sont pas en reste en matière de vice et de violence.
Avec humour elle dénonce cette hyopocrisie; la bêtise de ces hommes en gris ou noir faisant rêgner leur loi, par la violence. Ces hommes dirigés par Khomeiny qu'elle hait
Abnousse Shalmani choisira de partir, de rejoindre la France.
Les chapitres évoquent les années 1983 à 2013, mais ils ne sont pas présentés de façon chronologique, ce qui perturbe un peu la lecture...mais cette présentation n'enlève rien à la hargne, à la détermination, à la réflexion d'Abnousse Shalmani, à l'impression générale qui se dégage du roman

On voyage de Paris à Téhéran, de sa vie de famille à sa vie personnelle...chaque chapitre ou presque est un coup de tête, ou une réaction en retour à la bêtise des corbeaux iraniens.

Et Sade -évoqué dans le titre- me direz-vous??? Elle fut et reste une grande lectrice de Sade, nous explique et justifie ce choix, cet appétit pour les écrits du Marquis, des écrits qui heurtent généralement nombre de lecteurs...des écrits que j'ai approché il y a bien longtemps.

Un livre difficilement classable...ce n'est pas un roman car tout est vrai, rien n'est le fruit de l'imagination de l'auteure, c'est parfois un essai, une analyse d'un pays ou de ses réactions, un récit autobiographique, un coup de gueule presque. Mais c'est surtout un livre qui nous permet au travers de ses réactions de mieux connaître une femme, son adolescence, la formation de sa personnalité de femme. Une femme dont j'ai admiré l'intelligence, la lucidité, le courage, sans toutefois adhérer toujours à ses positions, à ses écrits.

Ah! que j'aimerais la rencontrer au hasard d'une conférence ! Un texte intelligent qui ne m'a pas laissé indifférent, loin de là ! J'ai été bousculé, en accord avec elle sur certains points, interrogatif sur d'autres...En tout cas, elle ne peut nullement laisser le lecteur indifférent.

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Cela commence avec une petite fille de six ans qui se met nue en sortant de l'école à Téhéran, au temps de Khomeiny. En grandissant, la colère et la révolte restent intactes malgré l'exil de la famille à Paris. La découverte de la littérature érotique, Sade au premier plan donne sens à l'engagement politique contre tous les « barbus » de l'ordre moral, ici et ailleurs, de quelque religion qu'ils soient. Un livre fort, interpellant, dans son combat pour la liberté de penser.
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