À quoi servira ton émetteur, de toute façon ? À empêcher une guerre qui ne se déclenchera sans doute jamais. Les seules bombes qui aient jamais été lancées sont celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki, il y a déjà plus de trente ans, et aucune nation civilisée ne se hasarderait aujourd’hui à expédier ses ogives dans le jardin du voisin. Regarde cela en face, Luke : la guerre nucléaire n’a pas tué depuis trente ans. Peux-tu en dire autant de la guerre classique ? Oublies-tu, pour ne citer qu’eux, que les bombardements américains sur Dresde et sur Hambourg, effectués avec des bombes ordinaires,ont fait plus de morts que les deux premières bombes atomiques réunies ? Effaceras-tu le napalm, Luke ?
L’émetteur ne pouvait pas être testé. Sa mise en marche équivalait à une mise en service. Il suffisait que les ondes neutroniques soient émises une seule fois pour que la danse commence, et plus rien, ensuite, ne pourrait l’arrêter. C’était la défense – ou l’arme – ultime, le dernier recours. Elle était faite pour des gens habitués à jouer le tout pour le tout, pour des politiciens familiers des coups de poker historiques, des militaires à cervelles de militaires, des aventuriers sans scrupules, mais pas pour des Lucas Hutchman, pas pour des mathématiciens à la petite semaine que la seule idée de passer une nuit dehors suffisait à remplir de terreur.
C’était simple et de bon goût. La seule chose qui le chiffonnait était de ne pas y avoir pensé plus tôt, mais les hommes d’action, dans les romans d’action, sont toujours comme ça. Impulsifs en diable.
On invente des machines du vingt et unième siècle, mais on n’est même pas capable de réparer sa propre voiture ; de l’or dans la tête, mais du sable dans les mains…
– Si tu étais seulement jalouse… Mais il suffit que je regarde la télé, que j’aie une secrétaire, ou que je marche tout simplement dans la rue pour que tu te mettes aussitôt à hurler à l’adultère. C’est pire que de la jalousie. C’est… c’est… Tu aurais dû épouser un aveugle, voilà ce que c’est !