Je remercie chaleureusement la collection R des éditions Robert Laffont pour m'avoir permis de découvrir ce premier tome d'une série palpitante.
Depuis notre époque actuelle, un millier d'année s'est écoulé. Nos descendants ont fait fort : ils ont vaincu la mort. En 2042, le Cloud est devenu le Thunderhead, une intelligence artificielle armée d'une conscience, qui détient le savoir universel et qui régit tout le système. Résultat : les délits, les crimes, la corruption et les maladies ne sont plus qu'une histoire ancienne. Tous les êtres humains sont désormais égaux... et inutiles :
"La croissance de la civilisation avait atteint son terme. Tout le monde le savait. En ce qui concernait l'espèce humaine, il n'y avait plus rien à apprendre. Autrement dit, tout le monde était sur un pied d'égalité, aucun être n'étant plus important que l'autre. En fait, dans le grand schéma de l'univers, tout le monde était également inutile." (p.18).
Lorsque l'on meurt accidentellement, on est remis sur pied grâce au centre de résurrection. On peut aussi "passer un cap" et retrouver la jeunesse de nos 30 ans (oui, 30 ans c'est jeune, d'accord ?! ^^). Seulement, si personne ne disparaît définitivement, il y a un risque de problèmes majeurs comme le surpeuplement. C'est là que les Faucheurs interviennent.
La Communauté des faucheurs est indépendante du Thunderhead. Ce dernier n'a pas le droit d'intervenir dans leurs affaires. Les faucheurs sont des êtres humains, qui glânent (tuent) des personnes, selon leurs propres critères. Bien entendu, cette communauté se doit de respecter des commandements. Ils sont reconnus comme étant des êtres emplis de sagesse, respectés, mais ils suscitent également beaucoup de crainte lorsqu'ils viennent frapper à votre porte...
"Le noir représentait l'absence de lumière, or les faucheurs étaient tout le contraire. Lumineux et éclairés, ils étaient reconnus comme étant la fine fleur de l'humanité." (p.12).
Nous faisons connaissance avec deux lycéens de 16 ans, Citra et Rowan. Si Citra vit entourée d'une famille aimante et aisée, Rowan est celui qu'on ignore, celui qui est transparent au sein de sa famille. Tous deux rencontrent séparément Maître Faraday, faucheur d'une grande sagesse. La clairvoyance et l'esprit de compétition de Citra et d'autre part, l'altruisme de Rowan, lui plaisent. Il décide de les prendre sous son aile, comme apprentis-faucheurs. Les deux jeunes gens sont alors propulsés dans ce monde si particulier, un monde qui les coupe des leurs de manière quasi-définitive :
"En acceptant le contrat d'apprentissage, elle se plaçait de l'autre côté d'un mur infranchissable qui la séparerait désormais de ses proches. (...) Un faucheur, c'était une sorte de mort vivant. Présent dans le monde, mais tenu à l'écart." (p.62).
L'enjeu est celui-ci : seul l'un d'entre eux deviendra faucheur. le perdant retournera à sa vie d'avant. Un climat ambigu s'installe alors entre Citra et Rowan. Une attirance naît entre eux, mais cette atmosphère de compétition perdure. Cette relation complexe m'a enchantée, moi qui n'apprécie pas les romances qui s'installent trop rapidement. Cependant, dès les premières épreuves de l'examen, la clause change et le devenir des deux adolescents ne sera plus le même...
J'ai apprécié tout d'abord l'univers riche et original qu'a créé l'auteur. Tout le fonctionnement de ce système futuriste nous est expliqué clairement dans le récit et dans les extraits du journaux intimes de quelques faucheurs. Je ne me suis pas sentie perdue : ce monde est cohérent et facile à comprendre.
Derrière tout cet univers, j'ai bien aimé les réflexions existentielles qui en découlent, sur la nature humaine, mais aussi sur les limites du pouvoir de donner la mort :
"Nous sommes devenus contre nature à partir du moment où nous avons conquis la mort (...). Mais n'était-ce pas une bonne raison pour rechercher au fond de nous-même une autre nature, quelle qu'elle soit ?" (p.282).
Par ailleurs, j'ai également adoré les personnages, qui ont chacun une psychologie propre et développée. Ils ont beau être très différents l'un de l'autre, Citra et Rowan sont très attachants. J'ai préféré Rowan pour son altruisme, sa générosité, mais aussi pour les autres côtés plus sombres de sa personnalité.
Quant aux "méchants"... ils sont vraiment très méchants, et c'est plaisant. Maître Goddard, un faucheur adepte des glanages collectifs (= massacres), est un personnage cynique, froid et cruel. Ses apparitions dans le récit créent une ambiance glaçante, renforcée par le style d'écriture, simple, neutre mais efficace.
Enfin, si vous lisez
La Faucheuse, vous ne vous ennuierez pas un seul instant. Dès les premières lignes, nous sommes happés par cet univers futuriste et fascinant, ce monde qui a vaincu la mort et qu'on envie tellement (du moins au début du livre...). Les rebondissements sont très fréquents, il n'y a aucun temps mort, ni de longues descriptions qui viennent alourdir le rythme haletant de l'intrigue.
Pour conclure,
Neal Shusterman nous offre ici un univers riche et très original, agrémenté de réflexions intéressantes sur la nature humaine, sur la mort, et indirectement, sur notre monde actuel. Les personnages ont tous une psychologie propre et développée, sont dépourvus de stéréotypes et de clichés en tout genre, et deviennent alors attachants. le style d'écriture reste un peu plat, assez neutre, mais il se révèle efficace pour créer une atmosphère glaçante dans certains passages du roman. Bref, ce premier tome est une vraie réussite, et il s'inscrit à coup sûr comme le début d'une série incontournable dans l'univers de la science-fiction Young Adult.
La Faucheuse marque en effet véritablement le renouveau du genre.
A noter que ce premier tome est déjà en cours d'adaptation par les studios Universal...
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