Les fragmentés, tome 2 : Les déconnectés

Peut-être était-ce dû à l'épuisement ou aux nerfs, mais au milieu du cliquetis et des secousses de cette soute graisseuse embaumant le shampoing, il eut soudain le sentiment que sa vie ne pouvait aller mieux.

- L'histoire déterminera qui nous sommes et ce que nous avons fait.

La fille était assez mignonne, plutôt drôle, et Lev avait un faible pour les biscuits au caramel et les jolies filles marrantes.

On ne disparaissait pas dans un musée : l'art vous absorbait.

- Il y a des gens ordinaires, ici, qui font des choses extraordinaires.
Elle lui adressa un troisième clin d’œil.
- Et vous m’avez donné la chance d’être une de ces personnes, donc c’est moi qui devrais vous remercier.
Connor frotta la patte de lapin entre ses doigts, espérant que sa chance à lui avait enfin tourné. [...]
- Je vous le dis, le changement est en route, dit-elle. Comme une grosse pêche mûre prête à tomber de son arbre.
Puis elle leur sourit chaleureusement avant de retourner s’occuper des autres tables.
- Soyez prudents.

L’interview prit fin sur une image figée de son visage souriant, et Connor ne put s’empêcher de se sentir terriblement peiné pour cet homme : le père caché de la fragmentation, qui avait pavé une route menant au-delà de l’enfer grâce à ses bonnes intentions.

- Nous avons tous perdu des proches, d’une manière ou d’une autre, et Risa ne fait pas exception, donc cesse de t’apitoyer sur ton sort et fais ce que tu as à faire.
- Je ne suis pas un militaire, répliqua Connor. Je n’ai pas été formé à ne pas éprouver de sentiments.
- Nous en éprouvons, détrompe-toi, seulement nous savons comment les maîtriser pour les exploiter à des fins précises.

- Dis-moi, lança Lev, aussi décontracté que possible, ça te dit de danser ?
- Tu crois en la fin du monde ? répondit-elle.
- Je ne sais pas, répondit Lev en haussant les épaules. Pourquoi ?
- Parce que le jour d’après je danserai avec toi.
- J’ignorais que tu avais un tel sens de l’humour.

Risa avait très vite découvert la triste vérité sur l’humanité : les gens croyaient ce qu’on leur disait. Peut-être pas la première fois, mais au bout de la centième, la plus démente des idées devenaient une évidence.

- Tu aurais pu tuer ce garçon, l’avait grondé son père. Et pourquoi ? À cause de simples paroles ? Les paroles ne blessent pas.
L’un des plus grands mensonges jamais proférés par les adultes. Les mots blessent parfois plus que n’importe quel coup.