Citations sur Demain les chiens (141)
Mais en se pliant à des limitations fixées par des gens moins extraordinaires qu'eux, ils avaient émoussé leurs possibilités, ils n'avaient pas utilisé à plein rendement leurs facultés. Et aujourd'hui encore, les possibilités du mutant avéré se trouvaient limitées, inconsciemment, par la redoutable routine de la logique.
L'homme d'affaire se cramponne encore au mythe de la cité, au mythe de la vente. Le temps viendra où il se rendra compte qu'il n'a pas besoin de la cité, et que le dévouement et une échelle de valeurs honnêtes lui apporteront des revenus plus substantiels que l'art de la vente.
Dans le cercle de famille, plus d'un conteur a dû recourir à l'explication classique : il ne s'agit là que d'un conte, l'Homme n'existe pas et non plus la cité, et d'ailleurs ce n'est pas la vérité qu'on recherche dans une légende mais le plaisir du conte.
- Et pourquoi, demanda Joe, ferais-je quelque chose pour quelqu'un qui n'est pas encore né ? Pourquoi irais-je considérer plus loin que mes propres années ? Quand je mourrai, je mourrai et tout le fracas de la gloire, toutes les bannières et toutes les sonneries de trompes ne m'avanceront à rien. Je ne saurais pas si j'ai eu une belle existence ou une vie misérable.
- Mais la race, dit Grant
Joe éclata de rire :
- La préservation de la race, le progrès de la race. Vous n'avez que ces mots-là à la bouche. Pourquoi vous en soucieriez-vous ? Et moi donc ? [...] La préservation de la race est un mythe... un mythe que vous avez tous accepté, un sordide produit de votre structure sociale. La race s'achève chaque jour. Quand un homme meurt, la race est finie pour lui : en ce qui le concerne, il n'y a plus de race.
La pièce était vide, vieille et abandonnée. Elle s'emparait du bruit d'une porte qui grinçait pour l'envoyer résonner dans de lointains couloirs d'où il revenait sans fin. C'était un endroit lourd de la poussière de l'oubli, plein de silence des siècles en allés.
Au fond, commença Joe, vous êtes des gens très seuls, vous autres humains. Vous n'avez jamais connu votre semblable. Vous ne pouvez pas le connaître parce qu'il vous manque le terrain d'entente commun qui vous permettrait de le comprendre. Vous avez des amis, biens sûr, mais vos amitiés se fondent seulement sur des émotions, jamais sur une compréhension véritable.
Vous vous entendez les uns avec les autres, évidemment, mais par tolérance plutôt que par sympathie réelle. Vous arrivez à régler vos problèmes, mais des solutions que vous y apportez il ressort que toujours les plus forts ont raison de l'opposition des plus faibles.
- Les chiens ont besoin de vous, lui dit Jenkins. Et les robots aussi. Car les uns comme les autres n'ont jamais été que les serviteurs de la race humaine. Sans vous ils sont perdus. Les chiens sont en train de construire une civilisation, mais ils progressent lentement.
Webster était immobile et crispé, il écoutait le pouls de l'Histoire battre entre ces murs. Une histoire qui s'était terminée en impasse, un grand fleuve qui n'était plus qu'une mare stagnante et inutile.
- Tu es préoccupé, dit Nathanael.
Grant fronça les sourcils.
- C'est bien possible. La race humaine est toujours préoccupée. Tu devrais le savoir maintenant, Nathanael.
Voici donc ces contes ; que chaque lecteur y trouve ce que bon lui semble : un simple divertissement, le reflet d'événements historiques, ou quelque allusion au sens caché. Pour notre part, et en guise de conclusion, nous nous contenterons de dire au lecteur : "Ne prenez pas ces récits trop à coeur car le désarroi, sinon la folie, guette ici le chercheur trop anxieux de savoir."