Pendant un quart d'heure encore, il répéta en arpentant le pont consciencieusement : "L'Afrique, ça n'existe pas ! L'Afrique..."
(Excipit)
On ne parviendrait pas à le leurrer! Il savait que, derrière son dos, les joueurs de billard ne jouaient plus que pour la frime et qu'à droite, près du phono, la conversation n'était qu'un semblant de conversation.
Il était le personnage qu'on ménage parce qu'on en a peur et cela lui fit penser qu'il avait un revolver dans sa poche.
Donc il n'avait pas rêvé. Si un détail était vrai, tout était vrai.
Ce fut la fin de la nuit et de tout ce qu'elle avait comporté de risible et de maladroit.
C'était une fatigue qui devait provenir d'un affaiblissement du sang et qui se traduisait surtout par le vide de la tête et par une angoisse vague qui le faisait trembler, parfois, comme si un danger l'eût menacé.
Le ciel était bas, d'un gris sombre, tout uni. On pouvait penser que cinq minutes ne se passeraient pas sans un déluge et pourtant on sentait la réverbération chaude et molle du soleil absent.
Mais ici, il y avait du soleil tous les jours et c'était un soleil sans gaieté.
Le soir, sa bougie éteinte, il continua à voir, malgré l'obscurité, la cage blême de la moustiquaire. Au-delà du tulle, il sentait un vide immense que traversaient des frôlements, des bruits à peine distincts, des vies ténues qui, parfois, se posaient - scorpion, moustique, araignée ? - sur le tissu transparent.
Partout, en haut, en bas, des persiennes closes découpant le soleil, si bien que la maison tout entière n'était que raies d'ombre et de lumière.