Le carillon du récepteur méga se fit entendre.
Le consul cessa de jouer, les doigts en suspens au-dessus du clavier, et tendit l’oreille. Le tonnerre grondait dans l’atmosphère épaisse. De la forêt de gymnospermes lui parvint le hululement lugubre d’une meute de charognards. Quelque part dans les ténèbres au-dessous de lui, un animal à la cervelle étroite répondit par un barrissement de défi, puis se tut. Le périmètre d’interdiction ajoutait seul ses harmoniques subtiles au silence momentané. Puis le carillon du mégatrans retentit de nouveau.
— Merde, fit le consul en se levant pour aller répondre.
Tandis que l’ordinateur prenait les quelques secondes qui lui étaient nécessaires pour convertir et décoder les salves de tachyons affaiblis, le consul se versa un verre de scotch. Il s’installa sur les coussins de la fosse de projection au moment où le disque passait au vert en clignotant.
— Lecture, dit-il.
— Vous êtes désigné pour vous rendre de nouveau sur Hypérion, lui annonça une voix féminine chaude et légèrement voilée.
L’image ne s’était pas encore tout à fait formée. L’espace de visualisation demeurait vide à l’exception des impulsions contenant les codes de transmission qui indiquaient au consul que cette salve avait pour origine la planète administrative de l’Hégémonie, Tau Ceti Central. Mais il n’avait pas besoin des codes pour le savoir. Et la voix de Meina Gladstone, encore magnifique malgré son âge, ne ressemblait à aucune autre.
— Vous êtes désigné pour vous rendre sur Hypérion dans le cadre du pèlerinage officiel à la gloire du gritche, continua la voix.
Cause toujours, fit intérieurement le consul en se levant pour quitter la fosse.
— Vous avez été choisi, avec six autres, par la Sainte Église du gritche, et ce choix a été confirmé par les hautes instances de la Pangermie, reprit Meina Gladstone. Il est d’un intérêt vital pour l’Hégémonie que vous acceptiez.
Si notre société devait un jour opter pour une dictature à la George Orwell, le meilleur instrument d'oppression serait sans doute le sillage laissé par la carte bancaire. Dans une économie sans espèces, avec un marché noir de troc réduit à l'état de curiosité historique, les activités d'un individu pourraient être pistées en temps réel par la simple étude du sillage monétaire tracé par sa carte universelle.
Il y avait des lois très strictes sur la protection des libertés individuelles, mais les lois ont la mauvaise habitude de s'effacer ou de se faire abroger chaque fois que la pression sociale se transforme en poussée totalitaire.
Je n'essaierai pas de décrire la vie à l'intérieur d'un essaim, ni leurs cités-globes à gravité zéro, ni leurs agricomètes, ni leurs amas de propulsion, ni leurs forêts micro-orbitales, ni leurs rivières migratrices, ni les dix mille couleurs et textures de la vie durant leur Semaine de Jonction. Qu'il me suffise de vous dire ma conviction que les Extros ont accompli ce que l'humanité n'a pas su faire depuis des millénaires : évoluer.
...que l’essence de l’expérience humaine ne résidait pas avant tout dans les moments exceptionnels, les jours de mariage ou de triomphe que l’on cerclait de rouge sur les calendriers de l’ancien temps, mais plutôt dans le flot inaperçu des petites choses courantes tels les après-midi de week-end où chaque membre de la famille s’occupait à des activités personnelles, croisant les autres sans s’en apercevoir ou échangeant avec eux des propos aussitôt oubliés. C’était la somme de tous ces instants qui créait une synergie éminemment importante et éternelle.
Elle avait toujours pensé que l’essence de l’expérience humaine ne résidait pas avant tout dans les moments exceptionnels, les jours de mariage ou de triomphe que l’on cerclait de rouge sur les calendriers de l’ancien temps, mais plutôt dans le flot inaperçu des petites choses courantes tels les après-midi de week-end où chaque membre de la famille s’occupait à des activités personnelles, croisant les autres sans s’en apercevoir ou échangeant avec eux des propos aussitôt oubliés. C’était la somme de tous ces instants qui créait une synergie éminemment importante et éternelle.
Au commencement était le Verbe. Puis arriva le traitement de texte, et leur foutu processeur de pensée. La mort de la littérature s'ensuivit. Ainsi va la vie.
Au commencement était le Verbe.
A la fin… au-delà des honneurs, au-delà de la vie, au-delà des soucis…
A la fin sera le Verbe.
Sur l’Ancienne Terre, au XXème siècle, une chaîne de restauration rapide a fait fortune rien qu’en vendant à ses clients de la vache morte frite dans de la graisse. assaisonnée de produits cancérigènes et emballée dans de la mousse à base d’hydrocarbures. Neuf cent milliards d’exemplaires ont été ainsi écoulés. Allez comprendre…
Si notre société devait un jour opter pour une dictature à la George Orwell, le meilleur instrument d'oppression serait sans doute le sillage laissé par la carte bancaire.
Dès que j'ai été en âge de penser par moi-même, j'ai su que je serais - qu'il fallait que je sois - poète. Ce n'était pas comme si j'avais vraiment eu le choix. C'était plutôt comme si toute cette beauté agonisante qui m'entourait rendait en moi son dernier soupir et m'ordonnait, me condamnait à passer le restant de mes jours à jouer avec les mots, en expiation, peut-être, du massacre irréfléchi de son propre monde-berceau par notre race.