L'enfant céleste fut un moment de lecture agréable, enveloppant. La délicatesse pour dire la différence, la différence à endurer et à protéger, le doigté pour peindre la tristesse d'une rupture amoureuse, la confusion des sentiments qui brouille tout ; une île à arpenter, une nature à ressentir au plus près, la sensualité des sens et des corps dans la rencontre…Tout est bien là et réussit à susciter le rêve, le rêve qu'on a tous envie de rejoindre, un jour : s'enfuir, s'évader loin de tout ce qui retient et pèse et dans l'inconnu retrouver le chemin de soi en vérité. « Je comprends enfin cette notion enseignée dans un cours de philosophie : l'aventure, plus qu'une interruption du cours des événements ou un voyage vers un ailleurs inconnu et exaltant, est surtout une disposition à être dans le temps. »
Alors pourquoi je ressens une réserve, une retenue qui m'empêche l'enthousiasme heureux. Les parties qui nous instruisent sur la vie de
Tycho Brahe remplissent parfaitement l'objectif de nous apprendre et l'on comprend le choix de l'astronome dans la liberté à gagner, l'ingéniosité à défendre au-delà des codes, des convenances et du visible….Choix pertinent lequel fait écho de bien jolie manière à l'intelligence sensible de l'enfant en quête d'espace pour être lui-même sans crainte ni rejet. Malgré cela ces séquences m'ont par moment mises mal à l'aise comme si le trop d'érudition, sa forme, son insistance m'avait un peu perdue, tranchant trop sèchement avec le désarmement, le doute, tout ce qui fait tanguer Mary avant son départ sur l'île.
Autre écueil que je dois avouer : malgré le joli qui a fait mouche souvent, la vulnérabilité m'est apparue trop écrite, et je l'ai davantage ressentie comme un exercice de style plus qu'un mouvement sincère. Peut-être parce qu'il n'est pas simple de transmettre la fragilité, qu'elle s'effleure plus qu'elle ne se démontre et que le joli ne suffit pas à en décrire le mystère et l'épaisseur, son silence.
Dernier aveu : je me sens triste de rédiger ce billet car ce fut un agréable voyage sur une île lointaine, en mer Baltique et j'ai aimé observer cet enfant, le deviner si attentif, si concentré dans l'avidité d'apprendre, et d'offrir son esprit rapide au monde environnant. La liberté en cadeau pour cet enfant marque ce roman d'un geste d'amour incomparable comme on désirerait en voir, en agir, plus souvent, loin de la pression, de la loi du groupe, toujours plus fort alors que, alors que….« Les personnes libres trouvent ce à quoi elles aspirent- c'est leur privilège. »