Psi-changeling, tome 11 : Labyrinthe de désirs

— Si les meutes changelings sont parvenues à conserver leur identité intacte et à ne pas finir aspirées par la machine Psi, c’est parce qu’on n’accueille pas n’importe qui parmi nous, dit Riley avec sa mesure habituelle.

Même s’il avait la peau rouge et à vif et les jointures éraflées.
— Tu es disposé à parler, maintenant ?
— Tu tabasses toujours tes lieutenants pour qu’ils parlent ?
Hawke éclata d’un rire sincère.

Emil ne regardait pas en direction de l’hôtel lorsqu’elle sortit en trombe, mais il se retourna la seconde suivante. Son visage s’éclaira et il voulut prendre Lisette dans ses bras. À ce moment-là, sa femme douce, aimante et cultivée lui décocha un coup de poing dans la mâchoire, si fort que la tête d’Emil partit en arrière. Puis elle prit son visage entre ses mains et l’embrassa à lui faire perdre haleine, avant de s’écarter et de donner libre cours à sa fureur à grand renfort de gesticulations.
Puis elle se baissa, retira sa chaussure et la lui jeta à la tête, sans se préoccuper de la petite foule de témoins fascinés. Évitant le missile, Emil lui saisit la taille en riant et lui plaqua les bras le long du corps. Mais il restait à Lisette assez de liberté de mouvement pour retrousser sa jupe fourreau et tenter d’émasculer son mari.

Le loup de Hawke était contrarié d’avoir mal identifié l’odeur, mais disposé à faire l’impasse, il continua à marcher à côté de son lieutenant… Un homme qui, en raison de ses incroyables exploits lors de la bataille de San Francisco, s’était retrouvé avec un fan-club. Et en prime, des goodies estampillés « J’♥ Judd » et « Judd est mon petit ami ».
Si les choses s’étaient déroulées comme prévu, les civils n’auraient jamais approché l’ex-Flèche de près ou de loin, mais il avait été impossible d’évacuer la ville entière avant l’attaque de Purs Psis. Et alors que son nom au moins aurait dû rester secret, plusieurs journalistes intrépides avaient risqué leur peau pour couvrir la bataille. L’un d’eux, entendant les autres combattants interpeller Judd, avait révélé son nom dans l’article rédigé ensuite.
— Brenna t’a montré le site Internet ?
— Oui, marmonna-t-il, l’air sombre.
Le loup de Hawke s’esclaffa en songeant à la réserve secrète de tee-shirts et de badges « J’♥ Judd » que Drew avait achetés pour que tout le monde les porte à la prochaine réunion des lieutenants.
— Je songe à te nommer responsable des relations publiques.
— Ça m’embêterait de devoir rendre ma nièce veuve si tôt, répondit-il sur un ton détaché.
— Il paraît que des femmes te laissent leur numéro de téléphone sur le site.
Accompagné de vidéos et de photos érotiques.
Les yeux de Judd étincelèrent.

Elias ne dit rien jusqu’à ce qu’ils soient ressortis de la zone densément boisée qui entourait le Cercle de la meute et s’engagent sur une section déserte du sentier.
— Tu as déjà une cavalière ?
— Pas intéressé.
Dans un grondement, son loup retroussa les babines et découvrit des canines tranchantes comme des rasoirs… car c’était un mensonge. Il y avait bien une femme qui l’intéressait, et pas qu’un peu.
Elias marqua une courte pause.
— Est-ce que… euh… tu es de l’autre bord ?
Riaz s’arrêta et le dévisagea.
— D’où tu sors ça, Eli ?
Sans se démonter, Elias haussa les épaules.
— On dit que les femmes commencent à se demander pourquoi tu n’arrêtes pas de les rejeter alors que ça crève les yeux que tu as besoin de partager les privilèges du contact rapproché. Et ne me saute pas à la gorge, mais il paraît qu’elles ont aussi posé quelques questions ciblées à Lara.
— Génial.
Riaz agrippa les extrémités de son tee-shirt et les tordit.
— Ma queue fait une fixation sur une femme qui m’échauffe le sang (une fixation qui ne cessait de reléguer Lisette à l’arrière-plan), et la meute s’imagine que je suis gay ou impuissant.
Il hésitait entre rugir son exaspération ou casser quelque chose.
— Celle que tu veux, elle est de la tanière ? demanda Elias avec une curiosité assumée.
— Peu importe.

Il l’aurait trouvée serviable si elle n’avait pas pris un ton tranchant comme une lame de scie.
Ce fut la goutte de trop.
— J’ai tué ton chien ou quoi ?
Elle fronça les sourcils.
— Je te demande pardon ?
Seigneur, ce ton !
— Il n’y a que ça qui justifierait que tu sois en rogne à ce point contre moi, dit-il, peinant à garder son calme.

La vie pouvait blesser, laisser des marques et des cicatrices indélébiles, mais elle était faite pour être vécue.

Riaz marmonna une brève repartie en espagnol qui fit rire Matthias, mais Adria n’entendit que les battements frénétiques de son cœur qui cognait en rythme avec le sien quand il la prit dans ses bras. Trop vite, pour lui comme pour elle, et leur peau était trop chaude.
— Pourquoi fais-tu ça ? chuchota-t-elle, la gorge à vif.
Riaz répondit comme si on lui arrachait les mots de la bouche.
— Je ne peux pas m’en empêcher.