Citations sur Plage (26)
Elle est devenue bizarre à présent, la chambre aux rideaux rouges. Plus vraiment ma chambre, depuis que je sais qu'elle ne sera pas la nôtre. C'est une chambre vide. Une chambre morte. Une chambre où l'on ne saurait que dormir, comme ça, en passant. Une chambre d'hôtel
Temps éparpillé, où les histoires des uns et des autres se mêlent aux miennes, où le présent et le passé s'emmêlent, où l'avenir, insidieux, pointe son nez et ses questions... Drôle de temps hors du temps. Et ces gens, ces inconnus, si étrangement familiers, si monstrueusement proches, par quel hasard rencontrés?
Je sais bien que tu m'appelles quand tu peux, à la sauvette, le plus souvent d'une cabine, puisque tu n'as pas de portable...
Ici, c'est bien la rumeur des vagues qu'on entend, mais tissée et retissée de mille murmures, frôlements, glissements invisibles, où soudain jaillit, insolite, la note aiguë d'un éclaboussement , d'un cri, d'un rire.
Je n'ai pas d'amie. Tu t'en es déjà étonné. Tu ne comprends pas. Pourtant, c'est ainsi : je n'ai jamais eu d'amie, ni quand j'étais enfant, ni à présent. A l'école, au lycée, on m'aimait bien, sans plus. J'étais ailleurs. Sur les photos de classe, on ne me voit pas. Une petite fille effacée, floue. Et plus tard, à l'université, je crois que c'est moi qui ne voyais personne : je passais, en étrangère. Je me trouvais bien comme ça. J'avais besoin de cette distance, de cette liberté.
Ils sont beaux ces nuages, ces gros nuages que les gens regardent avec mauvaise humeur sous prétexte qu’ils cachent le soleil… Je les trouve bien plus intéressants qu’un ciel d’azur, bien plus mystérieux. J’aime leur manière si particulière de défiler, de lentement passer, couchés sur le dos, indifférents, souverains ; et, pourtant, secrètement protecteurs, me semble-t-il. Fraternels. On est jamais seul quand on regarde les nuages.
Et surtout, faites que je ne lui ressemble jamais.
Aujourd’hui, il ne fait pas très beau : c’est une autre gamme de couleurs qui se révèle, camaïeux de gris, blancs indéterminés… Sous cette lumière changeante, on dirait que la vie hésite, que le ciel s’amuse en variations infinies. J’aime beaucoup ce matin aux couleurs indécises, qu’illumine soudain l’apparition du soleil entre deux nuages… C’est chaque fois une surprise, une petite grâce…
À la fenêtre, il y a des rideaux rouges, épais, que je laisse entrouverts, le soir, pour être réveillée au matin par la lumière du soleil. Alors, c’est joli, on reste allongé un moment sans bouger, à essayer de deviner l’heure aux bruits qui arrivent de l’extérieur : le murmure des vagues sur la plage déserte, l’aboiement d’un chien, un klaxon de voiture, ou le brouhaha léger d’un groupe d’enfants qui jouent déjà sur le sable.
J'ai sans doute l'air un peu bizarre, toute seule, comme ça, assise sur ma serviette de bain bleue, au milieu de ces familles répandues alentour, parents, enfants, la grand-mère souvent, parfois le grand-père, alignés sur un rang face à la mer. Au-dessus, le parasol, à chaque petit groupe sa couleur, comme un drapeau, un emblème. Un toit. On voit bien qu'ils se sentent chez eux, ces gens. Parfaitement à l'aise. Riant. Parlant fort. Ou bien silencieux, mais béats. Carrés dans leurs fauteuils. Sous leur soleil. À leur place. Ensemble.