Au fil du rasoir

Les agresseurs d’enfants ont tendance à les détester, et ils n’ont aucune envie de leur traîner autour, sauf pour les maltraiter. Les pédophiles croient faire du bien aux gamins. Ils croient les aimer.

On eût dit qu’ils voulaient lui faire absorber le plus de médicaments qu’il lui serait humainement possible d’avaler, pour l’insensibiliser. Ils avaient probablement estimé qu’il lui serait plus facile d’être sous traitement que de se confronter à ce qui lui était arrivé.

Le cœur blanc rend juste une toute petite part du cœur noir plus pur, vous voyez ? C’est ça, l’amour, mec. C’est rien que de l’amour.

Assurément, le sexe était bien la dernière de ses préoccupations, et si elle trouvait Mark Patterson parfait, elle n’était pas certaine de le trouver attirant. Il y avait dans son allure quelque chose qui évoquait une idole de cinéma. Il paraissait trop beau pour être réel. Elle lui témoignait le même intérêt qu’elle aurait éprouvé devant un tableau réussi ou une sculpture exquise.

La tendresse, c’était le côté le pire : les caresses tout en douceur, sa manière délicate de la calmer et de la stimuler, avec sa langue, avec ses doigts, la lenteur atroce avec laquelle il la baisait, comme s’il lui faisait l’amour au lieu de la violer.

Le crime et les criminels revêtaient pour elle la même signification que de rendre la monnaie exacte, ou que de nettoyer une tache sur le sol de la cafétéria.

Sur le moment, quand c’était arrivé, elle n’avait pas ressenti la moindre douleur. La drogue avait suffi à la convaincre qu’elle flottait sur l’océan, qu’elle était en sécurité.

Il ne s’était pas contenté de violer son corps, il avait aussi violé son esprit.

Tout ce dont elle se souvenait, c’étaient ces moments où l’effet des drogues se dissipait et où il venait à elle, s’asseyait par terre à côté d’elle, comme s’ils se trouvaient tous deux dans un camp de louveteaux, à se raconter des histoires sur son enfance et son existence, comme s’ils étaient deux amants apprenant à se découvrir.

En général, c’est un acte que l’on constate chez les boulimiques et les anorexiques. C’est une forme de haine de soi.