Citations sur Route 40 (15)
La traversée du Nevada leur fit perdre plus de temps encore, et les neiges précoces sur les contreforts de la sierra bloquèrent le convoi sur les rives de ce lac au milieu des montagnes ; neige, sapins à perte de vue. Cet hiver-là, les colons mangèrent leurs bêtes mortes, puis ils mangèrent leurs hommes morts, avant de commencer à s’entretuer.
Tu voulais que Martha souffre, qu’avant d’enfanter elle expie ce que tu croyais être son péché. Même quand elle pleurait et te jurait que le bébé dans son ventre était bien le tien, tu la frappais et disais que tu ne supporterais jamais la honte d’avoir un gamin à moitié jaune avec des sales petits yeux bridés…
« La hache se glorifiera-t-elle contre la main qui s’en sert ? La scie se glorifie-t-elle contre le bras qui la pousse ? Comme si la verge pouvait se lever contre ceux qui la tiennent, et comme si le bâton se levait comme s’il n’était pas du bois ?
Et Dinu aperçoit la fille. Grande, en bottes noires et mini-jupe en cuir, et des seins énormes. Plus belle que Magdalena, plus belle que Mihaela, plus belle que Monica. La plus belle fille qu’il ait jamais vue. Dinu dérive vers elle, qui est plus grande que lui, et il se réfugie contre ces seins laiteux, livides, il se serre, se perd entre eux, si larges et si doux, ils lui rappellent ceux de sa mère…
Cette vodka l’a mis dans un état bizarre, enthousiaste et mélancolique à la fois. Il songe à Mihaela, à Grigore… Bah, tant pis pour eux ! Les flics les ramèneront en Roumanie, puis ils recommenceront – une autre frontière, un autre train.
J’ouvre les yeux sur le dernier jour de ma vie. C’est une sensation étrange. Étrange et assez belle. Comme de finir un livre qu’on a aimé, dans un train, un train sombre, de poser le livre sur ses genoux, les larmes coulant sur son visage, et regarder devant soi sans rien voir en faisant face à un grand vide…
Elle me demandait de ne pas suivre son chemin. Son chemin de l’ombre. Il fallait que dans les années futures, avec la reconstruction de notre pays, je marche dans la joie, du côté de la lumière… À nous tous, elle souhaitait une vie de lumière, après la nuit.
« Notre intention n’est nullement de nous abaisser à flatter les forces d’occupation. Nous ne compromettons pas notre intégrité, ni ne vendons nos âmes. Nous nous acquittons d’un inévitable devoir de politesse, et remplissons nos obligations en contribuant à la sécurité de notre société. Nous l’affirmons fièrement : nous offrons nos corps pour la défense de la politique nationale. »
Quelques courageuses femmes japonaises allaient se sacrifier pour sauver toutes les autres. Leur éviter l’impureté, et le déshonneur. Ces quelques jeunes femmes héroïques avaient pour mission de former… comme une digue humaine, face à la marée du désir sexuel qu’éprouvaient les soldats américains. En apaisant, en canalisant ces flots de désir.
Pour nous les Japonais, le baiser n’est pas un acte naturel. Nous l’avions vu au cinéma dans les films américains. C’était très rare dans les films japonais, et les acteurs devaient introduire un bout de gaze stérilisée entre leurs lèvres avant le contact, par peur des microbes et par respect des convenances. S’embrasser, en japonais, on appelle cela « faire kissu ».